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En Nouvelle-Calédonie, le crâne du guerrier Ataï fédère les communautés


Nouméa, France | AFP | lundi 21/09/2015 - Un an après son retour en Nouvelle-Calédonie, le crâne du chef kanak Ataï, insurgé décapité en 1878, a rassemblé ce week-end autorités coutumières, institutions locales et Etat dans le cadre d'une démarche mémorielle et de réconciliation.

"Il (Ataï) évoque désormais un exemple (...), un symbole de la capacité des habitants de la Nouvelle-Calédonie à cheminer ensemble malgré ce qui a pu, par le passé, les opposer", a déclaré Vincent Bouvier, haut-commissaire de la République, lors de cette cérémonie.

Celle-ci s'est déroulée en présence de quelque 250 personnes au Petit Couli, tribu de Bergé Kawa, descendant direct d'Ataï, sur la commune de Sarraméa, à 120 kilomètres au nord-ouest de Nouméa.

Les reliques du grand chef kanak Ataï et de son compagnon "sorcier" Meche, enfermées dans des petits cercueils, reposent dans cette tribu, depuis leur restitution en septembre 2014 par le Museum national d'histoire naturelle (MNHN). Dans la tradition kanak, le deuil est levé au bout d'un an.

Le retour des ossements a donné naissance à un projet culturel, étalé sur trois ans, qui a pour but "d'honorer la mémoire du chef Ataï et de son compagnon, et de permettre de partager et d'assumer une histoire commune".

"Nous ne voulons oublier personne dans ce projet pays", a déclaré Cyprien Kawa, fils de Bergé. Considéré comme le tout premier nationaliste kanak, Ataï avait pris la tête en 1878 d'une vaste rébellion pour protester contre les spoliations foncières de l'administration coloniale. Plus d'un millier de Kanaks et 200 Européens périrent dans cet épisode sanglant.

- 'Libérer le pardon'-

Pour mater les insurgés, l'armée s'était adjointe les services de supplétifs kanak venus de Canala, sur la côte est de l'île. Le 1er septembre 1878, l'un d'eux, dénommé Ségou, tua Ataï, dont la tête fut ensuite tranchée.

Placée dans un bocal d'alcool, elle avait été expédiée en métropole, puis perdue avant que le crâne ne soit retrouvé en 2011 puis restitué en 2014.

Ce week-end, la réconciliation avec les clans kanak de Canala a été amorcée tandis qu'un éleveur de la région, issu d'une famille de colons, a donné une parcelle de 10 hectares aux descendants d'Ataï.

Symboliquement, tous les représentants institutionnels, coutumiers et associatifs ont noué un morceau de tapa (étoffe végétale) autour d'un tronc sculpté, pour illustrer le lien, induit par la parole de chacun.

"Ce moment est un symbole pour ce qui pourra être un exemple pour tout le pays. Libérer le pardon et se reconnaitre, en vue de bâtir notre avenir", a déclaré Raymond Guépy, président de l'association des Pionniers de Nouvelle-Calédonie.

Soutenu par le gouvernement local et le Sénat coutumier, le projet culturel prévoit l'installation des crânes sur un site funéraire en septembre 2016 puis l'inauguration d'un lieu de mémoire l'année suivante, en haut d'une montagne nommée Mee Kouanoui ("Le sommet où on lâche la parole").

En vertu de l'accord de Nouméa (1998), un processus de décolonisation par étapes est en cours en Nouvelle-Calédonie, avant l'organisation d'un référendum d'autodétermination au plus tard en 2018. A l'approche de ce rendez-vous, les tensions se refont jour tant dans les communautés kanak que caldoches.

Rédigé par () le Lundi 21 Septembre 2015 à 05:21 | Lu 644 fois