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En 58 ans, la température a augmenté de +0,6 à +1,55°C en Polynésie


Tahiti, le 16 novembre 2022 – La météorologue polynésienne, Victoire Laurent, a signé un long article dans la revue The Conversation dans lequel elle détaille et analyse l'augmentation de la température moyenne dans les îles de la Polynésie française entre 1964 et 2021 : entre +0,6°C et +1,55°C selon les archipels. Le dérèglement climatique est une réalité mesurable au fenua, avec un impact sur les vagues de chaleur, les pluies ou encore les cyclones parfois loin des idées reçues.

COP 27, rapport du Giec, plan climat… Si l'actualité foisonne de données sur le niveau et les effets du dérèglement climatique, il est parfois difficile de mesurer l'impact concret et immédiat de changements qui se produisent sur un temps long et à échelle principalement mondiale. C'est pourtant ce qu'a remarquablement réussi la météorologue polynésienne et ambassadrice de la Fête de la science, Victoire Laurent, dans un article publié dimanche dans la revue The Conversation. La responsable de la division étude et climatologie de Météo France en Polynésie française détaille 58 ans de données météorologiques relevées au fenua pour illustrer “l'impact du changement climatique sur la Polynésie française”.

Encore plus chaud la nuit

Pour s'affranchir des biais liés à certaines variables climatiques, l'Organisation mondiale de la météorologie recommande d'évaluer le dérèglement climatique sur une période d'au moins 50 ans. En Polynésie, la météorologue explique que les premières mesures de pluies remontent à 1853 et la première station météo a été implantée à Sainte-Amélie en 1935. Mais c'est en compilant les données météorologiques de 1964 à 2021 que la scientifique polynésienne calcule une élévation moyenne de la température oscillante entre +0,6°C et +1,55°C en fonction des archipels. “0,6°C, c'est plutôt au niveau des Australes et 1,55°C, c'est davantage au centre de la Polynésie française comme les îles de la Société”, précise Victoire Laurent.

Un résultat global parfaitement conforme aux calculs effectués sur l'ensemble du Pacifique Sud où la moyenne est de +1,1°C sur les 50 dernières années. “Si l'on doit retenir une valeur moyenne de l'élévation de la température moyenne en Polynésie française, c'est celle-ci : +1,1°C”, confirme Victoire Laurent. Parmi les constats notables, cette élévation des températures moyennes enregistrées est plus forte la nuit que le jour. L'élévation moyenne de la température au fenua monte en effet de +1,3°C à +2°C sur la même période de 58 ans si l'on ne prend en compte que les valeurs de nuit. “C'est un constat, mais une des explications que l'on peut avoir, c'est qu'à l'effet de l'augmentation de la température s'ajoutent les effets des transferts de chaleur emmagasinée la nuit”, avance Victoire Laurent.

Plus de chaleur, moins de pluie, moins de cyclones

Parmi les constats climatiques liés à ce réchauffement, la météorologue mesure une augmentation significative des vagues de chaleur depuis 1964. “Ces vagues de chaleur ont été calculées à partir des températures maximales pour lesquelles on a pris les 10% des températures les plus importantes sur 58 ans. Et on a regardé le nombre de jours par mois pendant lesquels on atteignait ce seuil de températures maximales. C'est un fait, leur fréquence augmente avec le temps. Après, on n'a pas fait de lien entre l'augmentation des vagues de chaleur et le dérèglement climatique. On a juste posé un constat.”

Mais certaines autres données constatées sont à l'inverse assez contre-intuitives. “Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il y a peu d'impact du changement climatique sur le cumul annuel des pluies”, écrit Victoire Laurent. En Polynésie française, les “linéaires” de pluies calculées sur une période d'au moins 50 ans varient en moyenne entre +5mm/an et -6mm/an. “Mais ces variations sont à expliquer par d’autres influences que celle du changement climatique”, écrit la météorologue, citant notamment le phénomène El Niño ou l'Oscillation interdécennale du Pacifique. Autre constat balayant une idée reçue, l'activité cyclonique a eu tendance à diminuer pendant que les températures montaient. Le dernier cyclone à avoir touché la Polynésie française reste Oli en 2010 et l'analyse des cyclones depuis 1970 montre que leur activité est en diminution sur les deux dernières décennies.

L'eau monte

La météorologue évoque également le réchauffement des eaux de surface de l'océan Pacifique, mesuré à +0,9°C, mais uniquement depuis 1982. Un réchauffement qui contribue à l'élévation du niveau de la mer par dilatation. Globalement d'ailleurs, le niveau de la mer augmente plus rapidement ces dernières décennies. En moyenne à +2,9mm/an à Tahiti et à +1mm/an à Mangareva, selon les mesures réalisées par les deux marégraphes depuis 1992 et confirmées par les données satellites. “Mais on n'a pas suffisamment de durée de données pour parler de changement climatique, c'est pour cela qu'on parle de tendances climatiques. Il nous faudrait 50 ans de recul.”

Victoire Laurent explique au passage que ces données montrent une élévation du niveau de la mer partout en Polynésie “sauf aux Marquises”. Au contraire, on y mesure une baisse du niveau de la mer. “On a une langue d'eau froide aux Marquises et c'est aussi un lieu où il y a très peu de précipitations”, explique la météorologue. “Donc, il n'y a pas de dilatation de la mer par l'effet des températures et ces conditions climatiques particulières. Cela pourrait être une explication, mais il faudrait creuser un peu plus.” Reste que sur l'ensemble de la Polynésie française, les premières tendances d'élévation du niveau de la mer mesurées “nous conduiraient en 2050 à des élévations bien plus importantes que celles proposées dans le 5e rapport du Giec”, relève Victoire Laurent.

Pas très réjouissant

En conclusion, la météorologue confirme globalement les craintes émises par les chercheurs du Giec au niveau mondial. Pour la Polynésie française, on peut “raisonnablement avancer” que le dérèglement climatique va entraîner une “hausse sensible des températures et une diminution des quantités de pluie sur certaines îles”. Victoire Laurent évoque une probable “vulnérabilité à la disponibilité d'eau” et un “risque de feux de végétation accru sur les îles hautes” avec des sécheresses plus fréquentes et plus longues. Un programme, là aussi sans surprise, peu réjouissant pour les années à venir.

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 17 Novembre 2022 à 06:07 | Lu 2184 fois