Tahiti, le 14 février 2023 – Dans un article publié sur le site immobilier.pf, Jacques Menahem, le fondateur de l'agence immobilière French Polynesia Sotheby's International Realty, dresse un bilan du marché de l'immobilier en Polynésie durant ces trois dernières années, notamment marquées par le Covid, et évoque les perspectives pour 2023. Pandémie, mesures fiscales, manque de logements, explosion des prix et évolution des taux d'intérêts, il revient pour Tahiti Infos sur ce qui fait le marché immobilier polynésien.
Vous analysez le marché immobilier en Polynésie depuis 2020, année d'arrivée du Covid. Quelles conséquences a-t-il eu sur le marché ?
“Les gens pensent qu'on parle du marché local, mais le marché local a toujours une ressemblance avec le marché mondial. Ce qu'il s'est passé avec le Covid, c'est que les gens ont été confinés pendant un certain temps chez eux et tous ont compris que leur chez-eux n'est pas assez bon. Avant le Covid, ils se levaient le matin, allaient au travail, revenaient le soir, la plage le week-end... Tout d'un coup est arrivé le confinement, on s'aperçoit qu'on est dans la maison. Pour celui qui avait un studio, c'est devenu une cellule, celui qui avait un F2 voulait un F3, le F3 voulait un F4, etc. Tout le monde a trouvé que son logement n'était pas suffisant. Donc du jour au lendemain, on a eu énormément de gens qui voulaient faire un 'upgrade' de leur bien immobilier. Sauf que l'offre est très limitée, avec une demande grandissante, les prix ont grimpé partout. Surtout dans les périphéries. Pour Tahiti, c'est Moorea, Punaauia, même la Presqu'île. C'est ce qui a entraîné la flambée des prix partout dans le monde.”
Mais la flambée des prix avait déjà commencé avant le Covid ?
“Déjà, il faut savoir qu'il y a un grand manque de logements ici. Il manque actuellement 13 000 à 14 000 logements sur le marché. On se trouve en pénurie de logements depuis un moment. L'économie de l'immobilier, elle est très simple : il y a une confiance et une stabilité dans l'économie, on investit dans l'immobilier. Mais pendant des années, il y a eu un manque d'investissement (entre 2004 et 2015), donc le parc ne s'est pas renouvelé d'un côté et d'un autre côté, on s'est retrouvé avec une économie qui a été très correcte et très stable pendant des années, ce qui fait que la demande de réinvestissement est là. De plus, les intérêts bancaires, jusqu'à il y a encore deux ou trois mois, étaient bas (un peu en dessous de 2%).”
L'attrait pour les faibles taux d'intérêt a pris le dessus sur les prix des biens pour déclencher l'acte d'achat ?
“Il est évident que si l'argent est bon marché, si on a la capacité de rembourser, pourquoi pas investir ? Les taux sont tout petits, donc si on peut rembourser, on emprunte.”
Vous analysez le marché immobilier en Polynésie depuis 2020, année d'arrivée du Covid. Quelles conséquences a-t-il eu sur le marché ?
“Les gens pensent qu'on parle du marché local, mais le marché local a toujours une ressemblance avec le marché mondial. Ce qu'il s'est passé avec le Covid, c'est que les gens ont été confinés pendant un certain temps chez eux et tous ont compris que leur chez-eux n'est pas assez bon. Avant le Covid, ils se levaient le matin, allaient au travail, revenaient le soir, la plage le week-end... Tout d'un coup est arrivé le confinement, on s'aperçoit qu'on est dans la maison. Pour celui qui avait un studio, c'est devenu une cellule, celui qui avait un F2 voulait un F3, le F3 voulait un F4, etc. Tout le monde a trouvé que son logement n'était pas suffisant. Donc du jour au lendemain, on a eu énormément de gens qui voulaient faire un 'upgrade' de leur bien immobilier. Sauf que l'offre est très limitée, avec une demande grandissante, les prix ont grimpé partout. Surtout dans les périphéries. Pour Tahiti, c'est Moorea, Punaauia, même la Presqu'île. C'est ce qui a entraîné la flambée des prix partout dans le monde.”
Mais la flambée des prix avait déjà commencé avant le Covid ?
“Déjà, il faut savoir qu'il y a un grand manque de logements ici. Il manque actuellement 13 000 à 14 000 logements sur le marché. On se trouve en pénurie de logements depuis un moment. L'économie de l'immobilier, elle est très simple : il y a une confiance et une stabilité dans l'économie, on investit dans l'immobilier. Mais pendant des années, il y a eu un manque d'investissement (entre 2004 et 2015), donc le parc ne s'est pas renouvelé d'un côté et d'un autre côté, on s'est retrouvé avec une économie qui a été très correcte et très stable pendant des années, ce qui fait que la demande de réinvestissement est là. De plus, les intérêts bancaires, jusqu'à il y a encore deux ou trois mois, étaient bas (un peu en dessous de 2%).”
L'attrait pour les faibles taux d'intérêt a pris le dessus sur les prix des biens pour déclencher l'acte d'achat ?
“Il est évident que si l'argent est bon marché, si on a la capacité de rembourser, pourquoi pas investir ? Les taux sont tout petits, donc si on peut rembourser, on emprunte.”
"La loi des 50% a freiné les transactions"
Pour tenter de freiner la hausse des prix et la spéculation, le gouvernement a pris des mesures. La première, c'est la loi sur les plus-values, appliquée depuis le 1er janvier 2022. L'imposition sur la plus-value si la vente a lieu dans les cinq premières années suivant l'achat est passée de 20% à 50%. Après un an d'application, a-t-elle eu l'effet escompté ?
“Non, je pense qu'elle a fait le contraire. C'est vrai que la spéculation existe, partout. Mais le problème n'est pas là, le problème c'est qu'il y a un gros manque de logements. Donc on se retrouve avec encore moins de logements qui pourraient être sur le marché à cause de la loi des 50%. Donc les prix ne tombent pas. Ça n'a pas freiné du tout. Ça a freiné les transactions, oui. Ça veut dire qu'il y a moins de frais d'enregistrement qui arrivent dans les caisses du gouvernement et ça continue à alimenter le manque d'offre de logements.”
La deuxième mesure, c'est la “taxe des 1 000%”, qui prévoyait une majoration de 1 000% des droits de vente des acquéreurs qui étaient sur le territoire depuis moins de 10 ans. Appliquée en mai 2022 puis gelée en juillet, avant d'être annulée en novembre, quelles en ont été les conséquences ?
“Ça a été très compliqué. Parce qu'il y a plein de gens qui étaient au milieu de compromis de vente, et ça doublait le prix des maisons du jour au lendemain. Le gouvernement a très bien compris qu'il a fait une grosse erreur. C'était plutôt une mesure où on avait mal réfléchi pour préparer les législatives et essayer de piétiner un peu le camp adverse. Mais on s'est aperçu que ça coûtait plus cher, parce qu'à la fin des législatives, ils se sont retrouvés avec trois députés indépendantistes. Ça a fait l'effet complètement inverse de ce qu'ils voulaient faire. On a essayé de rassurer la clientèle en expliquant qu'on allait faire un recours, mais c'est vrai qu'on était un peu perdu. Si c'était passé, ça aurait tué gravement le marché. Des Tahitiens qui avaient fait carrière à l'étranger, s'ils voulaient revenir et acheter, ils payaient le double. Pour moi, c'était une loi discriminatoire.”
Le marché immobilier local est également dépendant, en partie, de ce qu'il se passe à l'étranger. Vous dites que la guerre en Ukraine a eu des répercussions jusqu'au marché immobilier polynésien ?
“Le marché du matériel de construction est influencé par rapport au coût des matières premières, qui sont eux-mêmes influencés par les coûts du transport. Déjà, pendant le Covid, les prix des conteneurs avaient augmenté, et depuis la guerre en Ukraine, on voit que le gaz et le pétrole augmentent. Donc automatiquement, tout coûte beaucoup plus cher pour acheminer un conteneur ici. Cette augmentation des prix se rabat sur les matériaux de construction. Donc beaucoup de promoteurs se retrouvent avec un programme qu'ils ont vendu il y a deux ans en VEFA, et quand ils font maintenant des appels d'offres pour avoir des entrepreneurs, ils s'aperçoivent que tout a augmenté et qu'avec le prix de vente de leurs appartements, ils sont en perte. Donc ils ne peuvent pas construire... Deuxièmement, les ménages, quand ils vont au supermarché et que tout a augmenté, ils ont beaucoup moins d'argent pour investir dans l'immobilier.”
L'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie et les résultats des élections territoriales ici peuvent-ils avoir des répercussions sur le comportement du marché ?
“Pendant qu'il y avait une période de ballotage en Nouvelle-Calédonie où ils devaient voter pour le référendum, c'est vrai qu'on avait vu un certain intérêt des Néo-Calédoniens pour la Polynésie, mais on n'en a pas vu beaucoup faire le pas. Et localement, il y a beaucoup de doute qui s'est mis dans la tête des gens suite à la gestion du Covid. Et comme je le disais, pour investir dans l'immobilier, il faut une stabilité. Mais je ne le ressens pas encore sur le marché. Il y a aujourd'hui toujours autant de transactions.”
"Il faut des mesures fiscales qui permettent de sortir des logements sociaux"
On a les chiffres du nombre de transactions annuelles ?
“Moi je ne les ai pas. En 2016, il y avait un début de volonté de communiquer les prix dans certains secteurs, mais ça a été publié une fois et on ne les a jamais revus. Pour lutter contre la hausse des prix, j'avais proposé de donner de la transparence et des datas aux gens, qui leur permettraient d'évaluer par eux-mêmes la valeur d'un bien. Avec les enregistrements des notaires, on sait exactement ce qui a été acheté et à quel prix. En créant un data qui est public sur internet avec les prix pour tel bien, de tel surface, avec tant de pièces et situé à tel endroit, ça permettrait de mettre du calme dans la transaction. On manque de transparence. Si vous cherchez un bien à tel endroit, vous pourriez rentrer dans un site comme ça les critères et vous auriez tous les biens qui s'y sont vendus et ça vous donnerait une fourchette. Un propriétaire, par sa nature, veut toujours le maximum et demande un chiffre exorbitant et l'acquéreur veut payer le minimum possible. À nous, agents immobiliers, de faire comprendre où se situe le prix raisonnable. Si on avait un site comme ça, cette discussion serait beaucoup plus facile, car les gens se seraient déjà renseignés et on resterait dans le raisonnable. C'est un outil qu'on pourrait mettre en place très rapidement, il faut une volonté politique de le faire mais c'est jouable.”
Y a-t-il un bon moment pour investir dans l'immobilier ? Et faut-il nécessairement essayer d'investir ?
“Il ne faut rien du tout. Le b.a.-ba, c'est que vous ne voulez pas jeter votre argent par les fenêtres. Si vous louez un appartement, vous enrichissez un propriétaire et vous vous appauvrissez tous les mois. Au lieu d'enrichir un propriétaire, il vaut mieux s'enrichir soi-même. Il faut profiter des taux d'intérêt relativement bas, même s'ils sont en train un peu d'augmenter. Quand on regarde 30 ou 50 ans en arrière, l'immobilier, même s'il baisse parfois un peu, il monte tout le temps. Avec la crise de 2008 des subprimes aux États-Unis, l'immobilier a chuté d'une façon drastique, d'au moins 70%. Aujourd'hui, 15 ans plus tard, les prix sont le double par rapport à 2008, donc ça a repris. Dans l'immobilier, la règle est d'acheter dans un marché qui est bas si c'est possible, mais ne vendre jamais si on est dans un cas de détresse. D'abord si on n'a pas besoin d'argent, pas besoin de vendre, et essayez de vendre sans détresse, c'est là que vous ferez de bonnes affaires.”
Vous disiez qu'on manque de logements, mais on voit quand même fleurir des nouvelles constructions ces dernières années ?
“Oui mais ça ne suffit pas. Toutes les résidences ne suffisent pas et on manque aussi de logements sociaux. Pour faire des logements sociaux, vu que le coût des constructions est très onéreux, il faut des mesures fiscales qui permettent de sortir des logements sociaux. Donc il faut une volonté politique. On a aussi un gros problème de foncier. 50% du foncier est indivisible, donc invendable. Donc on manque de foncier. Et pour construire bon marché, il faut un foncier bon marché. Le territoire détient quelques domaines. Ça pourrait éventuellement être mis sur le marché pas cher ou avec des leviers comme la défiscalisation nationale et locale pour avoir des financements pas chers et pour sortir des résidences bon marché. Il y a plusieurs choses qui peuvent être faites et je pense qu'ils sont actuellement en train de réfléchir pour faire des choses dans cette direction-là. Il y a une partie de la population qui ne peut pas investir, mais avant le Covid, elle ne pouvait pas non plus. Là n'est pas le problème, il faut des logements sociaux pour les ménages à petits revenus et il faut aussi des logements pour les autres.”
Quelles sont les perspectives pour 2023 ?
“On va rester positif. Je crois que l'augmentation des taux d'intérêt va faire un peu réfléchir certains acquéreurs, mais je crois que le marché ne va pas flancher. En tout cas, depuis le début de l'année, ce n'est pas le cas. Il va peut-être stagner, mais il ne flanchera pas. L'immobilier a encore de beaux jours devant lui sur le territoire.”
On a atteint une limite ?
“Je pense que ça va continuer à augmenter à un moment ou un autre, parce qu'il y a un manque. Avec les taux d'intérêt, ça va stagner. Si on arrive à rattraper le manque de logements, ça permettra de stabiliser. Mais les prix ne vont pas baisser. Je vois ce qu'il se passe dans le monde entier. La pénurie de biens n'est pas propre à la Polynésie, il y a un problème de manque de stocks partout dans le monde. Par ailleurs, beaucoup pensent que les investisseurs étrangers font augmenter les prix. Je veux rassurer tout le monde, il s'agit d'une trentaine de dossiers par an d'étrangers ici. Ce n'est pas ces 30 étrangers qui font changer le marché. Et ils achètent des biens que ni vous, ni moi ne pouvons acheter. Ils achètent des biens à 200, 300, 500 millions voire 1 milliard de Fcfp. C'est une clientèle privilégiée qui investit beaucoup d'argent ici et qui ramène beaucoup d'argent sur le territoire et je pense qu'il serait super de les accueillir avec un tapis rouge, parce qu'ils ramènent de la devise. L'argent qu'ils dépensent aujourd'hui je ne sais où, ils le dépenseront chez nous. Ils seront obligés d'avoir un pisciniste, un jardinier... Et au bout d'un moment, c'est un entrepreneur qui va créer une petite affaire et qui va embaucher, et ainsi de suite, ça va grandir, et c'est comme ça qu'on construit une économie. Aujourd'hui, il y a pas mal de pays qui ont compris qu'une immigration intelligente est une immigration qui permet de ramener des capitaux dans le pays.”