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Emeutes: l'utilisation du LBD de nouveau au centre des critiques


Crédit GUILLAUME SOUVANT / AFP
Crédit GUILLAUME SOUVANT / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 10/08/2023 - L'utilisation par les forces de l'ordre du lanceur de balles de défense (LBD), arme mise en cause récemment dans plusieurs cas de blessures et un décès, et déjà pendant la crise des "gilets jaunes", est contestée par les défenseurs des droits humains mais jugée nécessaire par le ministère de l'Intérieur.

En écho aux violences urbaines qui ont suivi pendant une semaine la mort de Nahel, mineur de 17 ans tué par un policier le 27 juin à Nanterre, 31 enquêtes ont été confiées à l'IGPN, la police des polices, et une à son équivalent pour la gendarmerie, l'IGGN, concernant les agissements des forces de l'ordre. 

Parmi les personnes touchées par de probables tirs de LBD figurent Mohamed Bendriss, 27 ans, décédé à Marseille, et Hedi, 21 ans, amputé d'une partie du crâne après avoir été blessé la même nuit du 1er au 2 juillet dans la cité phocéenne.

Qu'est-ce qu'un LBD ? 
Le LBD, utilisé en France depuis 2009 à la suite du "flashball", est une arme dite de "force intermédiaire" utilisée par la police et la gendarmerie nationales, qui doivent en user de façon "nécessaire" et "proportionnée" au regard de la dangerosité de la menace, selon l'instruction du ministère de l'Intérieur du 2 août 2017. Il s'agit d'éviter le recours aux armes à feu.

Des balles de caoutchouc de 40 mm de diamètre sont envoyées à une distance de "10 à 50 mètres" ou de "3 à 35 mètres". En deçà, cette arme "peut générer des risques lésionnels plus importants" qu'un simple choc. De plus, le tireur, habilité, ne peut viser la tête mais seulement le torse et les membres supérieurs ou inférieurs.

Durant la crise des "gilets jaunes", plusieurs personnes ont perdu un œil. Laurent Nuñez, alors secrétaire d'Etat à l'Intérieur, avait recensé plus de 13.000 tirs de LBD de la part des forces de l'ordre.

Dans ce contexte, l'Intérieur a publié en 2020 une nouvelle doctrine du maintien de l'ordre décrétant que les tireurs doivent dorénavant être assistés d'un "superviseur" chargé d'"évaluer la situation d'ensemble et les mouvements des manifestants".

Pourquoi ces armes sont-elles critiquées ?
Selon l'avocat Arié Alimi, membre du bureau de la Ligue des droits de l'Homme, la plupart des blessés par LBD "ne sont pas des personnes dangereuses" mais plutôt des dommages collatéraux à proximité des affrontements.

Me Alimi dénonce notamment l'utilisation des LBD dans le cadre du maintien de l'ordre lorsque l'environnement compte de nombreuses "cibles en mouvement" et "beaucoup de gens".

Une critique partagée par l'Action des chrétiens contre la torture (Acat): "Le maintien de l'ordre, qui doit être préventif, devient de plus en plus répressif", engendrant un risque de "glisser vers des traitements cruels, inhumains et dégradants".

Amnesty France demande "une suspension du LBD 40 tant qu'une enquête n'aura pas été faite auprès du fabricant et des forces de sécurité", selon son président Jean-Claude Samouiller.

De son côté, la Défenseure des droits, dans un rapport publié en 2022, recommande d'interdire l'utilisation de ces armes pour le maintien de l'ordre.

Quelle utilité pour les forces de l'ordre ?
Christophe Korell, président d'une association qui vise à rapprocher citoyens et policiers, explique que "les policiers ont du mal à imaginer des interventions difficiles sans avoir la possibilité de faire l'usage du LBD, ça les rassure et ça les a sortis de situations délicates un certain nombre de fois".

Dans son dernier schéma de maintien de l'ordre, publié en 2021, l'Intérieur estime que "les armes de force intermédiaire sont nécessaires" pour faire face à des scènes de violence, assurant que "chaque usage de ces armes est tracé".

L'IGPN a constaté 7 blessures dues à un LBD sur un total de 79 blessures dans le cadre d'interventions policières recensées en 2021.

Qu'en est-il ailleurs en Europe ?
Ces armes sont interdites notamment dans les pays scandinaves, en Irlande, en Autriche et dans la plupart des Länder allemands. Au Royaume-Uni, leur usage reste rarissime et interdit en maintien de l'ordre. 

Au Portugal et en Espagne, les forces de l'ordre peuvent y avoir recours. Mais les polices régionales en Catalogne et au pays Basque ont renoncé à l'utilisation de balles en caoutchouc après deux incidents en 2012: la perte d'un œil par une manifestante à Barcelone et la mort d'un supporter de l'Athletic Bilbao.

le Jeudi 10 Août 2023 à 05:58 | Lu 520 fois