Tahiti Infos

Edouard Fritch : "Notre souci aujourd’hui, c’est de tout faire pour créer de l’emploi"


PAPEETE, 11 janvier 2016 - A l'occasion de la traditionnelle cérémonie des vœux à la presse, lundi à la Présidence, Edouard Fritch est amené à réagir aux dernières déclarations des leaders patronaux qui reprochent au gouvernement de ne pas avoir privilégié la synergie avec les partenaires sociaux en 2015 et attendent une amélioration de cette situation à l'avenir, dans l'intérêt de la relance économique et d'une amélioration sur le terrain de l'emploi.

Les patrons s’impatientent. Le Medef parle de rendez-vous manqués en 2015 alors que le gouvernement avait cette année l’assurance du soutien des employeurs. La CGPME demande à ce que le gouvernement "se mette au travail, fasse des textes". Que pouvez-vous leur annoncer pour 2016 ?

Edouard Fritch : Je rencontre le patronat jeudi matin et je répondrai à toutes leurs préoccupations. Je ne veux surtout pas qu’il y ait de polémique autour des dernières interventions de nos responsables patronaux.
Quant au soutien du patronat (en 2015) : vous imaginez aller présenter des textes à l’assemblée avec le soutien de 25 élus ? Je ne pouvais pas le faire. Je sais que les réformes ne sont pas toujours bien accueillies parce qu’il y a des mesures difficiles à prendre, des économies à faire, des efforts demandés aux uns et aux autres. J’ai attendu d’avoir une ambiance plus sereine. Chose que j’ai obtenue. J’ai une majorité depuis un mois, laissez-nous le temps de nous organiser
.

13 emplois créés entre juin 2014 et juin 2015 (selon la CGPME) ou un peu moins de 400 selon la CPS sur l’année 2015, ce n’est pas suffisant face aux 2000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. Quels engagements prenez-vous vis-à-vis de cette situation en 2016 ?

Edouard Fritch : Regardez la métropole, en matière de création d’emplois. Ce n’est pas facile. Le monde est en crise. Je n’ai jamais eu la prétention de recréer une Polynésie joyeuse et heureuse en l’espace de 18 mois. Si la Polynésie a vécu ses heures de gloire et de bonheur, c’est en grande partie dû au soutien de la métropole. L’Etat n’a plus les mêmes moyens qu’hier.
Aujourd’hui, j’ai envie de
voir Hao se conclure le plus vite possible. Les investisseurs n’ont pas à cette heure-ci déposé leur étude d’impact… Je veux bien aller vite ; mais je ne peux pas enfreindre la réglementation et me retrouver demain au tribunal ; être un Président poursuivi en justice. (…) Mais je vous assure que 2016 sera une bonne année. Nous allons lancer des chantiers pour le logement social. Ce sera le premier gros effort que le Pays fera dans ce domaine depuis 10 ans. (…) Je pense que des emplois viendront avec la relance de la construction en matière de logements. (…) Je veux bien répondre aux préoccupations exprimées par le patronat, mais je suis obligé de tenir compte de l’intérêt général. Et c’est ce que nous faisons : plus avec moins d’argent.

En Polynésie, 25000 personnes sont sans emploi. Qu’êtes-vous en mesure de leur promettre pour 2016 ?

Edouard Fritch : Notre souci aujourd’hui, c’est de tout faire pour créer de l’emploi. Malheureusement, au niveau de l’administration, nous n’avons pas les moyens. Vous le savez tous les rapports (qu’il s’agisse de celui de Bolliet ou de l’Igas) recommandent que le Pays réduise sa masse salariale. C’est une obligation pour nous : 33 milliards sur un budget de 110 milliards, c’est beaucoup. Il faut effectivement que nous prenions des mesures. L’une d’entre elles est que certains fonctionnaires détachés par l’Etat en Polynésie française puissent rapidement laisser leur place à nos cadres polynésiens (…). Je veux que cette notion d’océanisation des cadres devienne une réalité. Je prévois d’en parler au Président de la République lors de son prochain déplacement, pour que nous puissions bénéficier d’une mesure du type des "400 cadres" comme en Nouvelle Calédonie. (…).

L’embauche par le secteur privé peut répondre à ce besoin de création d’emplois. Le patronat déplore un manque de synergie entre ses besoins et l’action du gouvernement, un manque de communication.

Edouard Fritch : Je leur ferai des propositions. Nous sommes au lendemain du week-end où toutes ces déclarations ont été faites. Je vais interroger mes ministres sur ce fameux manque de communication. J’ai été vigilant ces derniers mois. J’ai demandé à mes ministres d’être ouverts, d’accueillir ces gens qui ont besoin de communiquer avec nous. Mais je vais institutionnaliser une cadence de rencontre entre les syndicats patronaux ou de salariés et le gouvernement afin que l’on s’oblige tous à se mettre autour d’une table. Bien sûr que nous sommes enclins à prendre des mesures pour qu’il y ait plus d’embauches dans ce pays. Je sais ce qu’il faudrait faire : réduire les cotisations patronales ; que le Pays paye à la place des employeurs tout ou partie des cotisations. Mais je sais aussi que le Pays n’a pas les moyens. J’aimerais soutenir la perliculture, soutenir la pêche aussi (…). Mais avec quels moyens vais-je le faire ? Nous sommes encore dans cette partie du redressement financier du Pays et je ne veux pas augmenter l’imposition des contribuables. Ca suffit. Nous sommes dans la deuxième année du redressement. J’espère que je pourrai investir ces économies dans le redressement du pays.

Vous savez que vous êtes attendu sur ce front de l’emploi. Ce sera certainement le sujet central des prochains rendez-vous électoraux. Pensez-vous surmonter cette épreuve ?

Edouard Fritch : Je l’espère de tout mon cœur. Mais je ne veux pas raconter d’histoires. Créer de l’emploi, ce n’est pas une petite affaire. Mon prédécesseur à pris des mesures pour cela. Je les mets en chantier. Mais regardez ce qu’il se passe en métropole. Le Président de la République va être dans d’immenses difficultés parce qu’il ne pourra pas créer suffisamment d’emplois. La mécanique exige aujourd’hui que nous agissions sur la réglementation en matière d’emploi, en matière d’impôts… Mais tout cela se déroule favorablement lorsque le Pays est lui-même en situation financière favorable. Aujourd’hui nous avons des difficultés. Les deux prochaines années seront importantes. Il y a des choses à imaginer avant que les grands chantiers ne s’ouvrent en Polynésie. Je suis prêt à en discuter avec le patronat. Vous savez, l’Etat a aussi ses difficultés financières (…). L’Etat n’a plus les moyens. Il faut faire avec ce que nous avons. Aides-toi et le ciel t’aidera, dit-on. Et c’est ce que je rappelle à tout le monde à l’occasion de ces vœux. On va se débrouiller.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 11 Janvier 2016 à 14:12 | Lu 5177 fois