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Economie : une loi pour interdire l’abus de position dominante en Polynésie


Economie : une loi pour interdire l’abus de position dominante en Polynésie
Vingt-cinq ans après la métropole, la Polynésie française est sur le point de se doter d’un droit de la concurrence. Ce texte majeur pour l’économie polynésienne sera étudié vendredi 23 septembre au CESC, et pourrait être adopté avant la fin de l’année par l’assemblée de la Polynésie française. Cette « loi du Pays portant réglementation de la concurrence » sanctionnera l’abus de position dominante, sous le contrôle de la DGAE, et sous l’autorité du juge d’instruction.

En métropole, c’est une Autorité de la concurrence qui exerce ce contrôle depuis 1986. En Polynésie, une loi de pays similaire dort dans les tiroirs depuis plus de 5 ans. Mais elle n’a jamais été une priorité des gouvernements qui se sont succédés. Peut-être en raison de l’instabilité politique. Peut-être aussi parce qu’elle vise directement les grands groupes polynésiens, qui sont aujourd’hui, pour la plupart, en situation de monopole.

Attention, être dominant sur un marché ne constitue pas une infraction. C’est abuser de cette situation dominante qui en est une. Or la Polynésie est structurellement exposées à ce risque, comme le rappellent Tamatoa Bambridge, Florent Venayre et Julien Vucher-Visin dans une étude commune, La gouvernance du système économique polynésien en question, Comment protection et absence de concurrence obèrent la croissance (voir ci-dessous). Ils y rappellent les principaux handicaps de notre économie : « Faible niveau de concurrence dans la plupart des secteurs de l’économie, activités de réseau en situation de monopole et peu réglementées, (…) impossibilité de lutter contre les ententes ou encore relative résignation des consommateurs sur les prix et la qualité. »

Ententes horizontales et verticales prohibées

Pour qu’il y ait abus de position dominante, trois conditions doivent être remplies. Premièrement, bien sûr, l’existence d’une position dominante. Deuxièmement, une exploitation abusive de cette position, par exemple un déréférencement sans motif légitime ou la "mise en place d’entraves dans la mutualisation de certaines infrastructures réseaux". Enfin, troisième condition, cet abus doit gêner effectivement l’émergence d’une concurrence.

C’est contre ces travers que la loi sur la concurrence luttera. « Elle va apporter un cadre général permettant d’avoir une concurrence saine et loyale entre les entreprises. Elle permettra d’éviter que le poids de certains groupes n’impose des manières de travailler à des commerçants plus petits » résume le directeur de la DGAE, Patrice Perrin.

La loi interdira les ententes horizontales, c’est-à-dire entre des acteurs économiques d'un même niveau. En France, les opérateurs de téléphonie mobile Orange, Bouygues et SFR avaient été condamnés en appel en 2006 à une amende record de 534 millions d'euros pour entente illicite sur les prix. La loi sanctionnera aussi les ententes dites verticales, entre un distributeur et un fournisseur par exemple.

"Un progrès, pas une révolution"

Reste à savoir ce que deviendra la loi, une fois votée. « Bien sûr que la loi sera appliquée », tranche Patrice Perrin. « Il n’y aura pas d’autorité de la concurrence, donc son application passera par des sanctions pénales. Or le juge est aussi indépendant, si ce n’est plus, qu’une autorité administrative » se félicite le directeur de la DGAE. De plus, « la procédure leur garantira l’anonymat, ou presque » affirme Patrice Perrin, dont les services recueilleront les plaintes.

En 2012, la loi devrait toutefois être appliquée avec une certaine souplesse, pour donner aux sociétés locales le temps de s’y conformer. Certaines sociétés vont toutefois devoir rapidement revoir leurs pratiques. Qui ? « Les exemples ne sont pas obligatoirement indispensables » élude Patrice Perrin. Si la loi est adoptée, une cellule de la concurrence sera mise en place en Polynésie au 1er janvier 2012. Un agent métropolitain de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) doit être recruté pour l’occasion par la DGAE, sur un poste déjà existant.

Ce texte sera un progrès pour l’économie polynésienne. « Ça va bouger dans les tous les aspects de l’économie polynésienne, y compris les marchés publics. Oui, ça va faire avancer certaines choses » prédit déjà Patrice Perrin. « Cette loi est une avancée, mais pas une révolution » relativise le rapporteur du texte au CESC, Aline Baldassari-Bernard. Lundi matin, la commission du CESC a rédigé le projet d’avis qui sera soumis au conseil vendredi. Il est impossible d’en connaître la teneur avant. Etonnée par la curiosité des journalistes, A. Baldassari-Bernard redoute les malentendus. « Beaucoup de gens attendent ce texte en pensant qu’il va ouvrir toute l’économie polynésienne à la concurrence. Ce n’est pas ça du tout » rappelle-t-elle.

le Lundi 19 Septembre 2011 à 16:27 | Lu 1876 fois