Tahiti Infos

Durant la crise sanitaire, l'engagement "exceptionnel" de la gendarmerie


Tahiti, le 24 juillet 2023 – Au terme de trois ans passés à la tête de la compagnie des îles du Vent, le lieutenant-colonel Jérôme Godefroy quitte ses fonctions le 1er août. Dans un entretien accordé à Tahiti Infos, il revient sur les problématiques rencontrées sur le terrain et rappelle l'engagement “exceptionnel” de la gendarmerie durant la crise sanitaire. 
 
Quelles sont les thématiques qui vous ont occupé sur le terrain ?

“La lutte contre les violences intrafamiliales en premier lieu alors que nous avons fait face à une hausse de près de 12% en 2022 par rapport à 2021 et actuellement sur les six premiers mois de l'année 2023, à une augmentation de plus de 15% par rapport à 2022. La lutte contre les trafics de stupéfiants ensuite, qui se traduit sur les six premiers mois de l'année 2023 par une augmentation de près de 42% des faits constatés, et plus de 300 mis en cause dans des trafics, usages et reventes. Les atteintes aux biens ont également augmenté de plus de 7% depuis le début de l'année et concernent principalement les cambriolages de résidences principales, secondaires ou de locaux (mairies, écoles, associations, entreprises), les vols de deux roues et les vols à la roulotteEnfin, en matière de sécurité routière, nous avons constaté une augmentation sensible des accidents corporels et mortels en 2022 et qui correspond à une reprise des flux routiers post-crise sanitaire et à un phénomène de décompensation de la population.”

Certaines affaires vous ont-elles particulièrement marqué ?

“Oui, nous avons dû gérer la crise sanitaire avec une fermeture des frontières durant plusieurs mois et un couvre-feu face [aux vagues épidémiques] en 2020 et 2021 qui a nécessité un engagement exceptionnel des militaires de la compagnie avec plus de 10 000 missions, 22 300 personnes contrôlées et 18 600 véhicules. L'expulsion en 2020 d'une centaine d'individus implantés illégalement depuis plusieurs mois sur le marae Arahurahu de Paea, la visite officielle du président de la République en 2021 ainsi que la participation, durant 10 jours, au dispositif de recherches de quatre personnes disparues dans la vallée de la Maroto en octobre 2022, ont été des événements marquants. En matière de police judiciaire, je pense également au meurtre d'une jeune femme à Faa'a en avril 2021 dont le corps n'a jamais été retrouvé ; à l'interpellation en mars 2022 de 32 individus à Moorea impliqués dans plus de 50 cambriolages pour un préjudice dépassant les 15 millions de francs ; ou bien encore au récent démantèlement d'une secte à Moorea.”

Comment avez-vous géré la crise Covid au niveau de votre compagnie ?

“Il a fallu nous préserver nous-même ainsi que nos familles du virus afin de pouvoir être opérationnels en s'imposant des mesures strictes de respect des gestes barrières. Des directives ont été données à l'ensemble des militaires et toutes les autres missions sont passées au second plan. Il y a eu durant cette période un engagement exceptionnel sur le terrain des militaires d'active et de réserve pour s'assurer du respect des mesures prises par l'autorité administrative (respect des gestes barrières, port du masque, respect du couvre-feu et des interdictions de circulation, interdiction des réunions, respect des mesures d'isolement, etc.).”

Le taux de violences intrafamiliales est très élevé sur le territoire. Comment la gendarmerie s’y prend-elle pour lutter contre ce fléau ?

“Au niveau national, malheureusement nous nous plaçons sur le podium. Plus de 1 000 procédures traitées sur la compagnie en 2022 et nous observons cette année une augmentation de 15% par rapport à l'année dernière. La lutte contre les VIF [Violences intrafamiliales, VIF, NDLR] s'appuie sur l'application de 17 mesures d'un plan mis en place par le ComGend et consiste en la tolérance zéro, l'accompagnement des victimes, l'efficience des militaires par la formation et la connaissance du phénomène, l'intervention systématique en facilitant le dépôt de plainte et en diligentant une enquête dans les meilleurs délais et le rapprochement des différents acteurs (partenariat avec les associations, les écoles, collèges et lycées) en y associant également les maires. Une expérimentation est en cours d'un groupe de travail VIF avec la mairie de Punaauia. Le soutien et l'expertise des gendarmes de la Maison de Protection des Familles apporte une vraie plus-value aux unités de terrain.”

Pouvez-vous préciser quelles sont les problématiques propres à Tahiti et Moorea ?

“On retrouve la problématique des VIF sur toutes les communes et d'une façon générale des violences également qui sont souvent concentrées chaque week-end sur fond de consommation excessive d'alcool. Certaines communes sont cependant touchées par des phénomènes identifiés. Ainsi, Moorea-Maiao est particulièrement touchée par les vols. Plusieurs facteurs peuvent l'expliquer : une population touristique (riche) qui baisse sa vigilance et n'adopte pas les règles élémentaires de sécurité cohabite avec une partie de la population désœuvrée et paupérisée par la crise sanitaire. Le secteur de Nivee sur la commune de Hitia’a o te ra fait quant à lui régulièrement l'objet de rassemblements de centaines de véhicules car-bass stationnés dangereusement sur la chaussée et provoquant des nuisances sonores. À Papara, des centaines de mineurs se rassemblent sur la commune chaque week-end où ils s'alcoolisent et s'adonnent à des courses de vélos électriques. Enfin, à Punaauia, des runs de deux roues sont régulièrement observés sur les communes de Faa'a et Punaauia. Je tiens à préciser que nos taux d'élucidation sont largement supérieurs à la moyenne nationale et cela est lié au travail des gendarmes ainsi qu'à la coopération efficace avec les partenaires institutionnels du Pays et des communes.”

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 24 Juillet 2023 à 07:37 | Lu 1792 fois