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Du ferme requis contre un grutier pour la mort d'un docker


Tahiti, le 7 juin 2022 – Le procès pour homicide involontaire d'un grutier ainsi que des dirigeants des sociétés Sat Nui et J.A Cowan, poursuivis après le décès d'un docker de 33 ans le 3 juillet 2012 au port de Papeete, s'est ouvert mardi. Alors que la victime avait été écrasée par un conteneur lors d'une manœuvre nocturne, le procureur de la République a requis six mois de prison ferme à l'encontre du grutier et des amendes de trois millions de Fcfp contre Sat Nui et J.A. Cowan. Décision le 21 juin. 
 
Quasiment dix ans jour pour jour après le décès, le 3 juillet 2012, d'un docker de 33 ans qui avait été mortellement heurté par un conteneur sur le port de Papeete, le procès pour homicide involontaire d'un grutier ainsi que des entreprises d’aconage Sat Nui et J.A. Cowan, s'est enfin ouvert mardi matin devant le tribunal correctionnel.
 
Ce dramatique accident avait eu lieu le 3 juillet 2012 en début de soirée. La victime, un manœuvre employé par l'entreprise J.A Cowan, était en train de réceptionner un conteneur sur un bateau. Ce conteneur avait immédiatement été fixé sur le quai du bateau mais le grutier, ne s'apercevant pas qu'il était encore accroché à la grue, avait relevé cette dernière. Compte tenu de la puissance de l'engin, le conteneur avait été arraché du sol et projeté sur la victime qui avait, tel que l'a précisé le président du tribunal, été “littéralement écrasée”. La grue en question appartenait à la société Sat Nui qui l'avait donnée en location à la société J.A. Cowan et avait mis son personnel à sa disposition. Notons que cet événement tragique était intervenu alors qu'un autre docker, victime d'une chute de six mètres, avait déjà perdu la vie deux mois auparavant. Lors de l'enquête portant sur le décès du 3 juillet, l'inspection du travail avait relevé que Sat Nui et J.A. Cowan n'avaient pas respecté les règles, à savoir qu'elles n'avaient pas procédé à la mise en place d'un plan de prévention et de sécurité. 
 
Problèmes conjugaux
 
Après de multiples renvois, le procès du grutier qui avait procédé à la manœuvre fatale ainsi que des sociétés J.A. Cowan et Sat Nui –représentés par leurs dirigeants, Quito Braun-Ortega et Éric Malmezac–, s'est tenu durant de longues heures mardi. Effondré à l'évocation des faits, le grutier a indiqué qu'il n'avait “rien vu” et qu'il ne s'était pas rendu compte que le conteneur n'avait pas été correctement décroché de la grue. Alors que des témoins avaient relevé que le jour des faits, ce grutier avait l'air “préoccupé”, l'homme a confirmé à la barre qu'il était distrait par des problèmes d'ordre conjugal puisque sa compagne voulait le quitter.
 
“C'est triste de dire cela, mais cet homme n'aurait pas dû se trouver là” a commenté Éric Malmezac lors de son audition avant d'affirmer que “la victime n'aurait pas dû venir sur le pont avant que le chargement ne soit définitivement posé”. Pour le patron de J.A. Cowan, Quito Braun Ortega, “la soudaineté de la remontée de la grue a crée le drame”. “Il n'y a pas de défaillance mécanique mais une faute d'inattention grave” a conclu l'homme d'affaires pour qui cette “catastrophe aurait pu être évitée”.
 
Selon les avocates des parties civiles, Mes Merceron et Gaultier, “cet accident n'aurait jamais dû se produire et ce, d'autant que la victime n'était pas du tout coutumière des travaux d'aconage puisqu'elle était essentiellement employée pour travailler aux activités de déménagement de la société J.A. Cowan”.
 
Prison ferme et amendes
 
Lors de ses réquisitions, le procureur de la République a soutenu que le grutier avait effectué “ses tâches de façon tout à fait distraite” car il était “accaparé par ses problèmes conjugaux”. Six mois de prison ferme et 700 000 Fcfp d'amende ont été requis contre le prévenu. Concernant les sociétés Sat Nui et J.A. Cowan, le représentant du ministère public a déploré que les “deux entreprises travaillent ensemble sans aucune concertation malgré des organisations différentes”. Des amendes de trois millions de Fcfp ont été requises contre les deux sociétés et deux autres amendes de 500 000 Fcfp ont également été demandées à l'encontre de Vicenzo Silvestro et d'Éric Malmezac. 
 
En défense pour Éric Malmezac et la société Sat Nui, Mes Chicheportiche et Henriot ont plaidé la relaxe en affirmant qu'à l'époque des faits, Éric Malmezac n'était pas “le responsable pénal” de l'entreprise alors que son directeur général était “en charge de la formation du personnel en matière de sécurité”. Pour l'avocate de J.A. Cowan, Me Algan, la “relaxe s'impose” puisque les deux sociétés n'étaient, légalement parlant, pas en situation de “coactivité” et donc pas soumises à l'élaboration d'un plan commun de sécurité. Enfin, pour la défense du grutier, Me Nougaro a asséné qu'il n'était pas “audible” que toutes les responsabilités soient “mises sur les épaules” de son client. Le tribunal rendra sa décision le 21 juin. 
 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 7 Juin 2022 à 19:46 | Lu 5056 fois