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Du ferme pour le couple de trafiquants


Mes Hellec et Bennouar, avocats du couple.
Mes Hellec et Bennouar, avocats du couple.
Tahiti, le 23 juin 2023 – Un homme et une femme, parents de quatre enfants dont trois mineurs, ont été jugés jeudi par le tribunal correctionnel en état de récidive légale pour des faits de trafic d'ice et de paka. Déjà condamné dans le cadre de l'affaire Kikilove à trois ans de prison ferme, le prévenu a cette fois écopé de cinq ans de prison ferme. Son épouse, qui comparaissait libre, a quant à elle été condamnée à deux ans de prison ferme assorti d'un mandat de dépôt différé. 
 
Le tribunal correctionnel a jugé, jeudi, un homme sans emploi de 42 ans et son épouse de 40 ans, poursuivis pour s'être livrés, du 1er mars 2022 au 24 avril 2023 à Faa'a, à du trafic d'ice et de paka. L'enquête, comme souvent en matière de trafic de stupéfiants, avait démarré sur la base d'une dénonciation anonyme. Au terme de plusieurs mois d'investigations et d'écoutes téléphoniques, les gendarmes avaient interpellé le couple. Lors de la perquisition menée au domicile familial des prévenus, les forces de l'ordre avaient trouvé quelques grammes d'ice, 580 grammes de paka ainsi que des pipettes, des sachets de conditionnement neufs ou usagés, une balance et deux millions de Fcfp en espèces. Placés en garde à vue, l'homme avait tout de suite reconnu les faits en expliquant qu'il arrivait à dégager environ 400 000 Fcfp de bénéfice mensuel depuis qu'il vendait de l'ice. 
 
Déjà condamné pour avoir servi de nourrice dans le cadre de l'affaire Kikilove à trois ans de prison ferme, le prévenu a assuré à la barre du tribunal jeudi qu'il avait conscience que ce qu'il a fait n'était “pas bien”. Le quadragénaire a ensuite expliqué qu'il avait vendu de l'ice et du paka car “la vie est dure” et qu'il n'a pas de travail “depuis quatre ans”. Alors qu'il affirmait qu'il n'avait pas fait cela pour “s'enrichir” mais pour “payer les factures”, le président du tribunal lui a rappelé qu'il était jugé en état de récidive légale, lui faisant remarquer que cela “aurait pu durer longtemps”.
 
Mariage payé avec l'ice
 
Entendue à son tour, la prévenue – qui a récemment ouvert une agence de location de voitures – a expliqué au tribunal qu'elle gagnait 300 000 Fcfp par mois. “Cela ne suffit pas Madame ? On ne peut pas dire que vous étiez tiraillés par la faim”, lui a rétorqué le président du tribunal. Confronté au fait qu'elle avait aidé son mari dans le trafic en comptant l'argent et en gardant leurs enfants dans la chambre quand ce dernier recevait des clients, la prévenue a tenté de minimiser les faits en indiquant qu'elle ne voulait pas se disputer avec lui. Le président a alors expliqué que le couple s'était marié en 2022 en finançant la cérémonie avec l'argent issu du trafic. “Ce devait être un beau mariage payé avec l'argent de la drogue”, a commenté le président, un brin agacé. Le magistrat a par ailleurs expliqué qu'en un an, la prévenue avait réussi à acquérir deux nouveaux véhicules pour son agence de location.
 
À l’heure des réquisitions, le procureur de la République a tenu à insister sur le fait que le couple a déjà été condamné pour des faits similaires et que cela ne les a pas “dissuadés”. Concernant le prévenu, le représentant du ministère public ne s'est pas étendu. Avant de requérir cinq ans de prison ferme, il a simplement rappelé que l'homme, connu dans le milieu des stupéfiants, avait reconnu s'être adonné au trafic. À propos de la mère de famille, le procureur de la République s'est montré plus prolixe en affirmant qu'elle avait joué un rôle d'intermédiaire. “Elle était présente lors du conditionnement. Les enfants vont et viennent dans le domicile à côté du produit qui n'est même pas caché. Elle n'a pas joué son rôle protecteur de mère.”Le représentant du ministère public s'est par ailleurs ouvertement interrogé sur l'activité professionnelle de la prévenue dans laquelle 80% des recettes sont payées en espèces. Deux ans de prison ferme ont finalement été requis à son encontre. 
 
Des réquisitions beaucoup trop lourdes aux yeux des avocats de la défense pour lesquels il s'agissait d'un dossier “simple” dans lequel leurs clients ont immédiatement reconnu les faits. Me Teremoana Hellec, conseil de la prévenue, s'est ainsi dit “abasourdi” qu'un mandat de dépôt soit requis contre sa cliente qui a trois enfants à charge dont un bébé. Pour la défense de l'autre mis en cause, Me Smaïn Bennouar a demandé au tribunal de faire une “application stricte mais humaine de la loi” en tenant compte du fait qu'il fallait surtout que son client se soigne et travaille. Après en avoir délibéré, le tribunal a suivi les réquisitions du parquet en condamnant le prévenu à cinq ans de prison ferme et son épouse à deux ans de prison ferme assortis d'un mandat de dépôt différé. 
 

Rédigé par Garance Colbert le Vendredi 23 Juin 2023 à 12:11 | Lu 2992 fois