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Deux peines de 5 ans d’inéligibilité requises contre Flosse en deux jours


Gaston Flosse, mercredi 25 mars au palais de justice de Papeete. Le leader politique devait répondre des délits de faux et usage de faux et de détournement de fonds publics, dans l'affaire du SED
Gaston Flosse, mercredi 25 mars au palais de justice de Papeete. Le leader politique devait répondre des délits de faux et usage de faux et de détournement de fonds publics, dans l'affaire du SED
PAPEETE, 25 mars 2015 - Une peine de 2 ans ferme et 5 ans d’inéligibilité a été requise contre Gaston Flosse, mercredi après-midi dans le second volet de l’affaire du SED, visant les délits de détournement de fonds publics et de faux et usage de faux. L’affaire est mise en délibéré jusqu’au 23 juin prochain.

"Mais qu’est-ce qu’il vous a fait ? Quel compte avez-vous à régler avec Gaston Flosse ?", à voix forte maître Quinquis débute sa plaidoirie en s'adressant au procureur de la République. Mercredi vers 15 heures, José Thorel venait de dérouler un réquisitoire au vitriol en finissant par déclarer : "Gaston Flosse a un casier judiciaire tel que c’est un véritable morceau d’anthologie judiciaire : je ne vais pas requérir une peine d’amende". Et de fait, il demande 2 ans de prison ferme et 5 ans d’inéligibilité, en répression des délits de détournement de fonds publics par personne investie d’un mandat public, et de faux et usage de faux dans le deuxième volet de l'affaire du SED, le service de renseignement de la présidence Flosse de 1997 à 2004.

"La question que l’on peut se poser c’est : Est-ce qu’il y a une justice ou non ?", s’était étonné Gaston Flosse en début de matinée, visiblement ému jusqu’aux larmes, en s’acheminant seul vers la salle d’audience du tribunal correctionnel de Papeete. Après le réquisitoire, il parlait dorénavant d’acharnement judiciaire sur sa personne.

La veille, un sévère réquisitoire avait déjà demandé au tribunal un an de prison ferme et de 5 ans d’inéligibilité à l’encontre du Vieux Lion, dans le premier volet de ce procès du SED, sur la question d’atteinte à la vie privée. Les deux jugements sont mis en délibéré et seront rendus le 23 juin prochain.

La chambre territoriale des comptes avait évalué à 623 millions les dépenses engagées de 1997 à 2004, pour permettre le fonctionnement du SED.

Officiellement créé le 13 mai 1997 afin de "réaliser toute étude prospective dans les domaines économiques, scientifiques et culturels" le Service d'étude et de documentation (SED) contrôlait en réalité une cellule de renseignements, le "bureau du manifeste", placée sous la responsabilité de deux vétérans des services secrets français.

"Bricolage judiciaire"

Tous les documents relatifs à ce service de renseignement de la présidence ont été détruits en mai 2004. Mais l’instruction a établi que cette cellule est allée jusqu’à employer 19 personnes sous contrat cabinet, avec la fausse qualité "d'agent administratif ou de technicien". Ils recevaient en réalité d'emblée une formation aux techniques de la filature, du renseignement, avec la mission d'espionner des opposants politiques à Gaston Flosse, des journalistes, jusqu'à ses maîtresses et même certains de ses collaborateurs voire des responsables syndicaux.

"M. Flosse dirigeait un pays qui n’est pas un état et voulait avoir son propre service de renseignements généraux. Ca ne lui était pas permis ; il l’a quand même fait", a noté José Thorel dans son réquisitoire.

Quand le fond est mauvais, on s’en prend volontiers à la forme. Après avoir évoqué en vain une question prioritaire de constitutionnalité, la défense de Gaston Flosse a d’abord plaidé l’impossibilité pour le tribunal de retenir le principe de connexité dans ce dossier. Gaston Flosse est cité à comparaître pour détournement par une COPJ qui lui a été signifiée en décembre 2014 après qu’une enquête préliminaire ait été ordonnée en août. "Venir en mars 2015 plaider un dossier dont on connaissait tous les éléments dès 2005 après la plainte d’Oscar Temaru, vous avouerez que c’est cocasse", a remarqué Me Quinquis. "Fallait-il attendre 2014 pour se rendre compte que ce dossier pouvait avoir d’autres qualifications ?". L’avocat de Gaston Flosse dénonce un "bricolage judiciaire (…) 10 ans après les faits, alors que la prescription en matière délictuelle est de 3 ans".

Il a en outre rappelé que Gaston Flosse est déjà sous le coup d’une condamnation définitive pour détournement de fonds publics dans l’affaire dite des emplois fictifs. Et l’avocat de demander : "Si ce dossier devait s’analyser comme tel, pourquoi diable n’a-t-il pas été intégré dans la même procédure ?"

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 25 Mars 2015 à 16:17 | Lu 2385 fois