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Deux femmes jugées pour des agressions sexuelles sur leurs codétenues


Tahiti, le 20 août 2024 – Deux femmes incarcérées à Nuutania ont été jugées, mardi en correctionnelle, pour des agressions sexuelles commises sur trois de leurs codétenues. Au terme d’une audience durant laquelle les différentes parties sont chacune revenues sur la notion du consentement, les deux prévenues ont été condamnées à quatre mois de prison avec sursis.
 
De l’avis de tous, c’est une affaire “particulière” et “atypique” qui a été jugée mardi par le tribunal correctionnel : le cas de deux quadragénaires incarcérées à Nuutania auxquelles il était reproché d’avoir commis des agressions sexuelles sur trois de leurs codétenues. Des victimes que les experts psychiatres ont toutes qualifiées de “vulnérables”.
 
Cette affaire survenue en milieu carcéral avait éclaté lorsqu’une détenue avait expliqué à un agent de l’administration pénitentiaire que les deux quadragénaires, incarcérées dans une cellule du module “Respect” à la suite de condamnations relatives à des violences, se livraient sur elle à des attouchements répétés, des caresses et à des allusions obscènes et ce, jusqu’à plusieurs fois par jour. La situation avait fini par devenir “invivable”. Deux autres détenues entendues dans le cadre de l’enquête avaient, elles aussi, relaté des faits similaires commis sans violence, ni contrainte.
 
“Réaction frontale”
 
Si elles avaient, auparavant, pu reconnaître des propos et des gestes “déplacés”, les deux quadragénaires mises en cause ont fermement nié les faits à la barre du tribunal mardi. Des “dénégations” surprenantes pour le président du tribunal qui s’est ouvertement interrogé sur la raison pour laquelle les plaignantes auraient pu mentir. Ce à quoi l’une des prévenues lui a opposé qu’elle avait surpris l’une des victimes avec de l’ice et que c’était donc pour cela que cette dernière l’avait injustement accusée.
 
Avocat de la seule des trois victimes à s’être constituée partie civile dans ce dossier, Me Adrien Huguet a rappelé lors de sa plaidoirie que même si l’on pouvait “s’interroger sur la notion du consentement” dans le cadre de cette affaire, puisqu’il n’y a pas eu de “réaction frontale” de la part de sa cliente face aux deux prévenues, il n’en demeure pas moins que les faits, corroborés par le nombre des victimes et par le témoignage d’une autre détenue, étaient établis. L’avocat a également suggéré que la qualification de harcèlement sexuel aurait été plus appropriée dans cette affaire.
 
Du ferme requis
 
S’engageant dans le même raisonnement que l’avocat de la partie civile, le procureur de la République a lui aussi rappelé la particularité du contexte carcéral car “en détention, tout le monde fait attention à ne surtout pas faire remonter les choses” et que la “contrainte de l’enfermement” avait peut-être elle-même empêché certaines réactions des victimes.
 
Considérant que les deux prévenus persistaient à aborder les faits comme “un jeu” sans grande importance plutôt que de les considérer comme ce qu’ils sont, des “agressions sexuelles intolérables”, le représentant du ministère public a requis quatre mois de prison ferme à l’encontre des deux intéressées.
 
“Un univers carcéral qui brouille les cartes”, une difficulté à envisager les relations interpersonnelles dans le quartier féminin de la prison et une “absence d’intentionnalité” doublée d’un doute sur la “matérialité des faits” : Lors de sa plaidoirie, l’avocat des deux prévenues, Me Sylvain Fromaigeat a lui aussi abordé la notion du consentement en rappelant qu’aucune des victimes n’avaient fait état d’une “atteinte à leur personne” et qu’elles n’avaient jamais émis “aucun geste de parole ou de refus”. Une situation d’autant plus “confuse” que les plaignantes se rendaient “volontairement” dans la cellule des deux quadragénaires dont la porte est souvent ouverte puisqu’elles sont incarcérées dans le module “Respect” qui permet une plus grande liberté de mouvement aux détenues qui y sont incercérées.
 
Après en avoir délibéré, le tribunal a finalement condamné les deux femmes à une peine similaire, soit quatre mois de prison avec sursis probatoire pendant deux ans.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 20 Août 2024 à 14:55 | Lu 3645 fois