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Deux chiens néo-zélandais pour sauver Rimatara et Ua Huka du rat noir


Dora (femelle terrier de trois ans) et Whisky (mâle croisé terrier de 18 mois) s'acharnent sur un jouet imprégné de l'odeur du rat.
Dora (femelle terrier de trois ans) et Whisky (mâle croisé terrier de 18 mois) s'acharnent sur un jouet imprégné de l'odeur du rat.
PAPEETE, le 21 août 2015 - L'association Manu, divers partenaires publics ou privés et les communes de Ua Huka et de Rimatara ont investi 5 millions Fcfp pour faire venir deux chiens chasseurs de rats de Nouvelle-Zélande. Leur unique mission sera d'empêcher le rat noir de pénétrer sur les deux seules îles épargnées de Polynésie.

De toute la Polynésie, seules deux îles importantes sont encore épargnées par l'invasion du rat noir. Ce sont Rimatara aux Australes et Ua Huka aux Marquises. Et ce n'est pas une coïncidence, ce sont les dernières îles où survivent deux espèces de petits perroquets autrefois typiques de nos îles : les 'ura (Lori de Kuhl) et les pihiti (Lori ultramarin). Les pihiti de Ua Huka sont d'ailleurs les tous derniers représentants au monde de cette espèce colorée et amicale (elle n'avait jamais connu de prédateur dans son évolution).

Pour les sauver, l'association Manu a un nouveau plan, aidé par les deux communes concernées, l'État, la Diren et divers partenaires privés (la Fondation Prince Bernhard Nature Fund, PII, le fonds Te Me UM, Air Tahiti et Vini). Ce plan a été d'acheter deux chiens détecteurs de rats, qui sont arrivés de Nouvelle Zélande vendredi matin à l'aéroport de Faa'a. L'opération aura coûté 5 millions de francs en tout, dont trois millions Fcfp juste pour acheter les chiens qui ont reçu neuf mois de dressage chacun. Le reste inclut le transport et la formation des salariés des associations sur place.

Whisky a reçu un collier de fleurs à son arrivée.
Whisky a reçu un collier de fleurs à son arrivée.
Ils permettront de rendre efficace à 100% l'inspection des marchandises arrivant de Papeete par bateau et par avion, et d'éviter ainsi que le rat noir s'introduise sur les îles. Ils complèteront le dispositif déjà mis en place depuis trois ans par Manu et les associations locales Rima’ura et Vaiku’a i te manu o Ua Huka : pose de tapettes pour vérifier que ces îles sont toujours indemnes ; l'entretien de 30 stations de dératisation autour des quais et de l’aéroport ; l'inspection à vue des marchandises importées sur l'île. Les goélettes Aranui III, Taporo IX et le Tuhaa Pae IV, l’huilerie de Tahiti, le Port Autonome de Papeete et les transporteurs Air Tahiti et Air Archipel sont également partenaires de cette biosécurité et ont mis en place des pièges et des procédures anti-rats dès Papeete.



Guus Knopers et Philippe Raust qui portent Dora et Whisky, entourés de Jean Kapé et Caroline Blanvillain, vétérinaire de l'association.
Guus Knopers et Philippe Raust qui portent Dora et Whisky, entourés de Jean Kapé et Caroline Blanvillain, vétérinaire de l'association.
Guus Knopers, dresseur de Whisky et Dora

"Je suis dresseur de chien en Nouvelle-Zélande. Là-bas nous les dressons pour des missions très diverses, pour la police, la biosécurité, pour des organisations privées … Pour la chasse aux rats, nous choisissons des chiens qui ont une pulsion de chasse importante, et quand ils trouvent les rats nous les récompensons avec des jouets, ainsi leur instinct les encourage à aller chasser plus, et on continue ça encore et encore jusqu'à ce qu'on puisse les amener dans des endroits infestés de rats où on les lâche pour chasser les rats toute la journée.

Outre la chasse, il faut aussi leur apprendre à être très obéissants et très sociaux, il faut qu'ils puissent travailler avec d'autres personnes et qu'ils apprécient d'être caressés même par des inconnus. Ces chiens ont été dressés pendant neuf mois. En nouvelle Zélande nous avons 69 "chiens prédateurs" comme on les appelle, ils chassent les rats, les furets et les belettes, et on les utilise aussi pour trouver des espèces gravement menacées, mais clairement sans les blesser. Ils trouvent des kiwis, des Takahē et autres. Mais en Polynésie, ils ne serviront qu'à la chasse au rat, spécifiquement ceux des bateaux.

Mon programme maintenant est de rester ici trois semaines et demi pour entrainer les nouveaux maitres de ces chiens à communiquer avec eux, les comprendre, leur donner des ordres, poursuivre leur entrainement…"


Philippe Raust, président de Manu

"Ces chiens sont dans la continuité d'une opération qui a commencé il y a déjà trois ans, principalement sur deux îles qui sont importantes pour la biodiversité polynésienne, Rimatara et Ua Huka, où il y a des oiseaux qui sont uniques à ces îles et au monde. Ce sont principalement deux petits perroquets qu'on appelle des loris. Jusqu'ici, pour prévenir l'introduction d'espèces étrangères, ça se faisait au travers d'inspections visuelles avec des patentés que la SOP a formé. Mais il apparait que la technique la plus fiable est celle des chiens détecteurs. Les inspections se feront sur les denrées qui arrivent de Tahiti pour détecter surtout les rats noirs, qui sont les plus dangereux. Ils grimpent aux arbres et atteignent facilement les nids pour dévorer les œufs et les couvées. Là ce qu'on veut c'est trouver les rats noirs, car il y a déjà des rats polynésiens sur place qui posent moins de problèmes puisqu'ils sont moins grimpeurs et les oiseaux survivent très bien malgré leur présence. Donc on veut éviter l'introduction des rats noirs, que les chiens les attrapent si jamais il y en a qui arrivent à se glisser.

Les communes de Rimatara et Ua Huka participent très largement à l'opération, et il faut les remercier, elles se sentent absolument concernées par la conservation de leurs espèces locales. D'autant qu'il y a d'autres avantages. Nous on travaille pour la biodiversité, mais les avantages secondaires sont loin d'être négligeables. Il y a les avantages économiques avec la protection des cocoteraies et des plantations, et des avantages sanitaires pour la population, pour éviter d'avoir des rats qui trainent et propagent les maladies. "

Un pihiti (crédit : JP Mutz)
Un pihiti (crédit : JP Mutz)

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 21 Août 2015 à 13:48 | Lu 3598 fois