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Deux ans d'inéligibilité requis à l'encontre du maire de Nuku Hiva


Le maire de Nuku Hiva, mardi au palais de justice, en compagnie de son avocat, Me Benoît Malgras.
Le maire de Nuku Hiva, mardi au palais de justice, en compagnie de son avocat, Me Benoît Malgras.
PAPEETE, 21 août 2018 - Une peine de 2 ans d'inéligibilité, 5 millions Fcfp d'amende avec sursis et 5 mois d'emprisonnement avec sursis a été requise mardi à l'encontre du représentant Tapura, maire de Nuku Hiva, Benoît Kautai, pour "détournement de fonds publics" et "escroquerie aggravée" dans une affaire de surévaluation de chantiers routiers subventionnés aux Marquises. Le jugement est mis en délibéré au 4 septembre prochain.

"Je fais confiance dans la justice", a insisté Benoît Kautai, mardi en marge de son procès en correctionnelle pour les délits de détournement de fonds et corruption. Les faits que lui reproche la justice ont été commis entre septembre 2012 et novembre 2013. Cité à comparaître mardi en correctionnelle au côté de sa directrice administrative et financière (DAF) de l’époque, Jacqueline Kiersnowski, il leur est reproché d’avoir trompé les services de la Délégation au développement des communes (DDC), et la Polynésie française, en transmettant des factures de travaux surévaluées dans le cadre d’une demande de subvention pour le bétonnage de deux portions de route sur l’île de Nuku Hiva, aux Marquises. Les importants reliquats de matériaux ainsi obtenus avaient été utilisés frauduleusement pour conduire deux autres chantiers de bétonnage sur des routes, servitudes et accès chez des particuliers de la commune marquisienne, le tout à quelques mois des élections municipales de 2014.

Initialement évalués sur la base des tarifs qu’auraient facturés une entreprise privée de travaux publics, ces travaux avaient été réalisés en régie par la municipalité.

Des faits pour lesquels Benoît Kautai s’est timidement expliqué à la barre, mardi matin, en disant avoir été "abusé" par ses services techniques avant de reconnaître qu’une fois la présence d’importants reliquats en matériaux constatée il avait "ordonné" à ses services de les utiliser pour d’autres travaux. "Tout cela a été fait dans l’intérêt du développement de la commune", a souligné Me Malgras lors de sa plaidoirie, en rappelant aussi que l'élu n’avait bénéficié d’aucun enrichissement personnel, dans cette opération. "C’est une aubaine qui s’est présentée".

L'avocat conteste également l'existence d'un délit d’escroquerie aggravée : "Il n’y a absolument aucune manœuvre concertée et préméditée en vue détourner des fonds publics, à l’origine. C’est simplement que ce reliquat a été affecté, certes au mépris des règles des subventions, mais pas au mépris de la loi pénale". Il a fait appel à la clémence du tribunal, face aux réquisitions du ministère public.

De son côté, l’ancienne directrice administrative et financière de Nuku Hiva, aujourd’hui retraitée, dit avoir agi de "bonne foi" et "sans réelle information de terrain" au moment de valider des faux, afin d’imputer aux dépenses subventionnées les dépenses liées au travail d’employés municipaux sur des bétonnages non couverts par l’aide de la DDC. "Ce que l’on reproche à Mme Kiersnowski, c’est de ne pas avoir su, ou de ne pas avoir cherché à savoir", a plaidé Me Esther Revault, pour la défense de l’ancienne DAF de Nuku Hiva, après avoir détaillé les processus de validation comptable au sein de l’administration municipale. "C’est un peu léger pour entrer en voie de condamnation". Elle demande la relaxe de sa cliente.

Le ministère public venait de déplorer "la mauvaise foi" des réponses données au tribunal par les deux prévenus, lors de l’instruction à l’audience, mardi. Il a requis sur la base des délits de détournement et d’escroquerie aggravée. Il demande à l’encontre du maire de Nuku Hiva la condamnation à 2 ans d’inéligibilité, 5 millions de francs d’amende avec sursis et 5 mois d’emprisonnement avec sursis et la prononciation d'une condamnation à 5 millions de francs d’amende avec sursis et 5 mois d’emprisonnement avec sursis à l'encontre de Jacqueline Kiersnowski.

Le jugement du tribunal correctionnel est mis en délibéré et sera rendu le 4 septembre prochain.

Cette affaire de travaux publics à Nuku Hiva avait d’abord été dénoncée, sur la base d’un recours en annulation du scrutin des dernières élections municipales, porté devant le tribunal administratif par des opposants politiques de Benoît Kautai, quelques semaines après sa réélection à la mairie de Nuku Hiva. Ce n’est qu’une fois cette procédure déboutée, qu’un signalement avait été fait à la justice par la Polynésie française, en mai, suivie d’une plainte déposée en octobre 2014 par le secrétaire général du gouvernement, avec constitution de partie civile, pour détournement et escroquerie aggravée. Benoît Kautai était encore à l’époque affilié à opposition au gouvernement Fritch. Il fait aujourd’hui partie du groupe Tapura Huiraatira à l’assemblée de la Polynésie française. C’est peut-être ce qui explique que le Pays ait demandé mardi le renvoi du jugement sur intérêts civils "afin d’évaluer avec précision le montant du préjudice".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 21 Août 2018 à 14:21 | Lu 2239 fois