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Destruction de la Saintonge : la municipalité se divise


Arue le 7 décembre 2022 – La mairie de Arue, la Villa Saintonge, devrait disparaître. Le projet de destruction fait l'objet d'une polémique au sein du conseil municipal. Alors que la majorité définit l’édifice comme un “vestige de l’empire colonial”, l’opposition préfère parler de “patrimoine historique”. Construite en 1892 pour accueillir le comte Victor Raoulx, riche colon, la demeure est aujourd’hui en mauvais état. 
La majorité municipale de Arue entend détruire sa mairie dès que possible. La Villa Saintonge serait remplacée par une structure à “l’image du savoir-faire polynésien”, explique Jacky Bryant, troisième adjoint au maire de Arue. En face, le Tapura no Arue conteste fermement. “Il existe des solutions pour sauvegarder la demeure, nous, on a des projets qui ont du sens. C’est une vieille dame qu’il faut traiter avec respect”, clame Léo Marais, élu de l’opposition sur la liste Tapura no Arue. 

Site dégradé

Avec ses 130 ans d’histoire, la maison commence à fatiguer. À l’heure actuelle, le site est fermé au grand public. Les locaux administratifs de la mairie s’organisent autour de quatre unités provisoires. Un premier bilan, demandé en 2018 par l’ancienne majorité, attestait de la dangerosité du lieu. “Il y a de gros problèmes de sûreté, notamment au niveau des charpentes. La sécurité de notre personnel est la priorité”, affirme Jacky Bryant. Il y a trois mois, une nouvelle évaluation a été commandée par la majorité de Teura Iriti. “Les conclusions sont les mêmes qu’en 2018, la Saintonge ne peut pas être habitée, et une restauration serait trop onéreuse”, plaide le troisième adjoint.

“Jamais on ne nous a proposé d’assister à une réunion. On a été pris de court quand l’annonce du projet de démolition est tombée dans la presse”, s’étonne Tepuanui Snow, élu de l’opposition dans la liste Ia Ora Arue. Léo Marais rejoint ses dires, “j’ai envoyé un courrier à Madame Iriti pour lui demander de me livrer les deux évaluations. Je n’ai eu aucun retour. On aurait aimé lire les deux études techniques, pour trouver ensemble des solutions”, confesse Léo Marais.
 
“La contradiction de l’opposition me fait doucement rire. Si elle tient vraiment au site, pourquoi ne pas avoir fait les démarches pour qu’il soit considéré comme monument historique avant ?”, balance Jacky Bryant. Selon Léo Marais, les démarches de classification, “sont lourdes et coûteuses”. “Tout devient compliqué, notamment pour les travaux, on ne peut plus utiliser n’importe quels matériaux”, complète-t-il. 

Des projets divergents

“La première étape est de trouver une société de démolition pour amorcer les devis et démarches. Après, on pourra fixer les orientations du type d’infrastructure attendu. La ligne directrice est de répondre à deux objectifs : être à l’image d’une Polynésie qui a un savoir-faire traditionnel et répondre aux besoins du service public. Il faut que ça permette de regrouper tout le monde dans un lieu unique, avec un style d’architecture qui se retrouve sur nos hôtels par exemple”, développe Jacky Bryant.


Les projets de l’opposition diffèrent. “La restauration du bâtiment aurait pu se faire en faisant appel aux compagnons du bâtiment. On pouvait très bien sauvegarder la mairie tout en formant des jeunes polynésiens aux métiers du bâtiment. Si on commence à effacer toute l’histoire de la Polynésie, ce n’est pas sérieux. C’est vraiment une histoire de cœur, ça n’a rien à voir avec la politique”, riposte Léo Marais.
 “Préserver la mémoire de la demeure, pourquoi ne pas construire un petit musée devant la propriété ? C’est un lieu gorgé d’histoires passionnantes. Il faut garder l’architecture extérieure, qui fait partie du patrimoine colonial de la Polynésie. À l’intérieur, il faut pouvoir aménager de manière efficace et fonctionnelle l’espace administratif”, défend Tepuani Snow. La majorité et l’opposition se rejoignent au moins sur un point : “Redessiner les bureaux de la municipalité”. Les administrés devraient être consultés début 2023.

Rédigé par Guillaume Marchal le Mardi 6 Décembre 2022 à 18:10 | Lu 2879 fois