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Des mesures pour mieux protéger la communauté LGBT+


Sur le terrain, les acteurs associatifs attendent des engagements fermes et fondent de grands espoirs dans la création de ce nouveau portefeuille ministériel et ses annonces. Crédit photo : Thibault Segalard.
Sur le terrain, les acteurs associatifs attendent des engagements fermes et fondent de grands espoirs dans la création de ce nouveau portefeuille ministériel et ses annonces. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 3 avril 2025 - En présentant, ce jeudi matin, les conclusions du Forum Talanoa, la vice-présidente Chantal Minarii Galenon a fait plusieurs annonces pour soutenir la communauté LGBT+ locale. Parmi elles : la création de places en foyer d’urgence pour les victimes d’agressions ou d’exclusions familiales et, bien que non encore officiellement actée, la possible prise en charge de la PrEP, le traitement préventif contre le VIH.
 
“Le respect des droits de la communauté LGBT+ est une priorité majeure”, a affirmé jeudi matin la vice-présidente Chantal Minarii Galenon. Celle qui porte désormais, depuis le 13 mars dernier, le portefeuille de la communauté LGBT+ – en plus de celui des Solidarités – intervenait à l’occasion de la restitution des travaux du Forum Talanoa, organisé en décembre dernier.
 
Ce forum, inédit dans le Pacifique, avait rassemblé, en décembre dernier, des jeunes militants âgés de 18 à 30 ans, venus de Polynésie française mais aussi d’Australie, de Nouvelle-Zélande, des Samoa ou encore des Fidji. L’objectif : faire émerger une voix océanienne commune autour de la lutte contre les discriminations de genre et la défense des droits humains. L’initiative a permis d’ouvrir un espace de dialogue régional, fondé sur l’échange de pratiques et d’expériences entre sociétés.
 
À l’issue de cette restitution, la vice-présidente a formulé plusieurs annonces qui, si elles sont tenues, pourraient constituer un tournant pour les droits LGBT+ sur le territoire. D’abord, elle a affirmé sa volonté de voir perdurer le Forum Talanoa dans les années à venir, avec le soutien de l’État, mais aussi de partenaires régionaux comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Elle a également insisté sur la nécessité d’inclure “tout le peuple mā’ohi dans notre société”, pointant les exclusions sociales régulières dont souffre la communauté LGBT+.
 
Foyer d'urgence et prise en charge de la PrEP
 
Parmi les mesures évoquées, l’une retient particulièrement l’attention : la possibilité, pour les personnes LGBT+ victimes de violences ou exclues de leur foyer, d’accéder à un hébergement d’urgence, au même titre que les femmes et les enfants. Une avancée saluée par les acteurs associatifs, tant les cas d’expulsions familiales – notamment chez les jeunes transgenres – sont fréquents et peuvent conduire à des situations de grande précarité, voire de prostitution.
 
Autre signal positif : l’éventuelle prise en charge, par le système de santé, de la PrEP, ce traitement préventif contre le VIH qui permet d’éviter la contamination. Si la vice-présidente s’est montrée prudente – “Je ne peux pas vous le confirmer”, a-t-elle déclaré – elle a tout de même laissé entendre que des discussions étaient en cours avec le ministre de la Santé. Une avancée d’autant plus nécessaire que 25 nouveaux cas de VIH ont été détectés sur le territoire en 2024, dont 75 % de transmission locale. Un chiffre alarmant, qui illustre une circulation active du virus en Polynésie.
 
Mais au-delà des annonces, les incertitudes demeurent. Notamment sur les moyens financiers que le gouvernement compte mobiliser pour accompagner ces déclarations d’intention. Interrogée sur ce point, Chantal Galenon a préféré temporiser : “Faire des annonces fortes sur le plan financier pour que rien ne se passe derrière, ça ne sert à rien.” Elle a expliqué vouloir d’abord consulter les associations pour prioriser les actions concrètes. Une enveloppe budgétaire pourrait être déployée en 2026 – sous réserve, bien sûr, d’un feu vert de l’assemblée territoriale.
 
“On commence à s’essouffler”
 
Sur le terrain, les acteurs associatifs attendent des engagements fermes et fondent de grands espoirs dans la création de ce nouveau portefeuille ministérielle et ses annonces. “Nommer un membre du gouvernement en charge des questions LGBT+, c’est un geste très fort. Ça brise les tabous”, se réjouit Karel Luciani, président de l’association Cousins Cousines, l’un des rares collectifs à soutenir cette communauté. “On espère que la DSFE (Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité, NDLR) pourra enfin nous accompagner dans nos projets. Nous ne sommes que des bénévoles, on commence à s’essouffler, on porte beaucoup d’actions et ça devient difficile.”
 
Depuis des années, Cousins Cousines agit sans réel soutien public – hormis une subvention d'État depuis 2020 – et dans un climat souvent hostile. Comme ailleurs dans le Pacifique, les minorités de genre restent fréquemment stigmatisées, largement invisibilisées et parfois même criminalisées – comme la Papouasie Nouvelle-Guinée – dans les politiques publiques.
 
Au-delà des effets d’annonce, c’est donc toute une stratégie politique que le gouvernement devra assumer s’il veut réellement faire de l’égalité des droits un chantier prioritaire. Reste à savoir si, au-delà des mots et de la volonté politique, des moyens suffisants seront donnés. Le Forum Talanoa a ouvert une porte. Il appartient désormais à l’exécutif de ne pas la refermer.
 

Amanda Vanaa, vice-présidente de la Communauté du Christ

Le premier mariage homosexuel célébré au Fenua a eu lieu samedi dernier, dans votre Église de la Communauté du Christ, à Tarona (Papeete). Comment s’est déroulé le cheminement qui a conduit votre congrégation à accepter cette union ?

“Cela fait plusieurs années que nous y réfléchissions. Nous avons eu de nombreuses discussions, des classes autour des Écritures… Un véritable cheminement. Cela a abouti à une conférence nationale, durant laquelle l’ensemble des membres de la communauté en Polynésie se sont réunis pour en débattre. La décision a été adoptée à 90 %. Ensuite, l’Église mère, aux États-Unis, a donné son accord. Depuis le 1er mai 2024, nous sommes donc officiellement autorisés à célébrer des mariages entre personnes de même sexe (...)
Nous soutenons cette communauté (...) Notre rôle n’est pas d’être les sauveurs du monde, mais bien des instruments de paix au service du Seigneur (...) Nous croyons que nous sommes tous des enfants de Dieu".

 
Avez-vous déjà reçu d'autres demandes pour célébrer des mariages entre personnes de même sexe ?

“Personnellement, non. Mais c’est vrai que plusieurs membres de cette communauté sont présents au sein de nos congrégations. Je pense que cette première cérémonie va ouvrir la voie à d’autres mariages à venir.”
 

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 3 Avril 2025 à 17:33 | Lu 1616 fois