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Des mâles stériles pour anéantir le moustique Aedes polynesiensis


Ces mâles Wolbachia, élevés en laboratoire, ont très bien résisté au transport et aux conditions rencontrées sur le terrain. Leur action a eu un réel impact sur la fertilité des femelles sauvages]i", explique Hervé Bossin, entomologiste médical à l'Institut Louis Malardé (ILM).
Ces mâles Wolbachia, élevés en laboratoire, ont très bien résisté au transport et aux conditions rencontrées sur le terrain. Leur action a eu un réel impact sur la fertilité des femelles sauvages]i", explique Hervé Bossin, entomologiste médical à l'Institut Louis Malardé (ILM).
PAEA, le 9 novembre 2014. Le laboratoire d'entomologie médicale de l'Institut Louis Malardé mène, depuis deux ans, un travail de recherche pour mieux contrôler la nuisance des moustiques Aedes notamment l’Aedes polynesiensis. Après une étude de faisabilité il y a deux ans, à Tetiaroa, nouveaux lâchers de mâles stériles auront lieu dans quelques mois sur l'atoll. L'objectif : éliminer la nuisance.

Vivre sans subir continuellement la nuisance des moustiques et sans craindre les maladies dont ces insectes sont les vecteurs ? Un rêve qui pourrait prochainement être une réalité en Polynésie. Une réalité qui sera testée, à toute petite échelle, à Tetiaroa, avec le soutien logistique du groupe Pacific Beachcomber (The Brando) et de la Tetiaroa Society, la station de recherche créée sur l'atoll à l'ouverture de l'hôtel.
En fin d'année 2012, la stérilisation du moustique Aedes polynesiensis par la bactérie Wolbachia - également utilisée par des chercheurs en Australie, en Amérique latine et en Asie sur l'Aedes aegypti, avait obtenu des résultats probants.

Un premier lâcher de plus de 100 000 mâles Aedes polynesiensis stérilisants avait été effectué durant une dizaine de semaines sur l'un des motu de Tetiaroa. En s'accouplant avec les femelles sauvages ces mâles Wolbachia bloquent toute descendance. Chose importante, les moustiques mâles ne piquent pas, ils ne sont donc source d’aucune nuisance et ne transmettent pas de maladies. "Ces mâles Wolbachia, élevés en laboratoire, ont très bien résisté au transport et aux conditions rencontrées sur le terrain. Leur action a eu un réel impact sur la fertilité des femelles sauvages", explique Hervé Bossin, entomologiste médical à l'Institut Louis Malardé (ILM).
La faisabilité de cette méthode de lutte biologique innovante étant démontrée, une phase de recherche plus opérationnelle est en préparation avec le programme Tetiaroa AeLIMIN+. Il va s'agir cette fois de lâcher des moustiques mâles Wolbachia en plus grand nombre pour obtenir une réduction drastique voire même peut-être l’élimination de l’Aedes polynesiensis sur le motu traité. Une opération financée notamment par une convention du Contrat de projets Etat/Pays de 14,5 millions de Fcfp, signée le 24 octobre dernier.

Ces lâchers de mâles Aedes polynesiensis stérilisants sur Tetiaroa n'auront toutefois lieu qu'au prochain hiver austral à partir d’août ou septembre 2015. La saison, relativement sèche et fraîche, engendre une diminution naturelle de la population de moustiques sur l'atoll permettant ainsi le lâcher d’un moins grand nombre de mâles pour atteindre l’objectif. D'ici là, le laboratoire d'entomologie de l'ILM doit finaliser son protocole de production de masse de ces moustiques stériles, en lien avec d'autres laboratoires et centres d'études européens.

L'utilisation de la bactérie Wolbachia pour stériliser l’Aedes polynesiensis suit les travaux en cours dans d'autres pays
contre l’Aedes aegypti. Au Brésil, en octobre, des lâchers de moustiques «immunisés» contre la dengue par cette même bactérie ont débuté à Rio de Janeiro. Cette étude sera dupliquée prochainement en Indonésie pour "vacciner" les moustiques Aedes aegypti dans une ville d'un demi-million d’habitants. N'ayant pas les mêmes moyens, l'ILM a concentré son étude sur le moustique Aedes polynesiensis présent uniquement dans le Pacifique sud et néanmoins vecteur principal de la filariose et secondairement de la dengue, du zika et du chikungunya. Ainsi, l'opération Tetiaroa AeLIMIN+ n'a aucun équivalent dans le monde. "Dans un milieu insulaire, le risque de ré-infestation par des moustiques sauvages est par principe plus faible et sa progression plus lente que sur des territoires continentaux.
A l'échelle d'un motu, d'une faible superficie, isolé en mer comme à Tetiaroa, on peut espérer que l’élimination du moustique Aedes polynesiensis à l’aide des mâles Wolbachia sera durable
" argumente Hervé Bossin.

C'est bien cette hypothèse que l'opération menée à Tetiaroa viendra valider ou pas. Si le succès est au rendez-vous, l'introduction de moustiques polynésiens stériles pour réduire ou anéantir la nuisance de ces insectes pourrait être reproduite sur d'autres îles isolées, d'autres atolls. Pour les grandes îles comme Tahiti, où l'urbanisation est nettement plus importante, et ou l’Aedes aegypti abonde, l'expérience ne pourra pas être reproduite telle quelle.

Des moustiques immunisés contre la dengue

Au début du mois d'octobre dernier, une fondation de Rio de Janeiro a commencé à effectuer des lâchers de moustiques "immunisés" contre la dengue, une méthode biologique alternative aux moustiques transgéniques. "On leur a inoculé en laboratoire la bactérie Wolbachia qui bloque le développement du virus de la dengue et d’autres arboviroses comme le chikungunya. On lâche ces moustiques pour qu'ils se reproduisent avec les moustiques sauvages. Leur progéniture ne transmettra plus la dengue" explique le biologiste Gabriel Sylvestre Ribeiro.
C'est la première fois qu'un pays d'Amérique latine tente cette expérience déjà en cours d’évaluation au Vietnam et en Indonésie.

(AFP)

Recensement de moustiques en cours

Pour savoir comment combattre efficacement un ennemi, le mieux est de bien connaître les forces dont il dispose ! C'est dans ce sens que l'Institut Louis Malardé, en partenariat avec le Centre d'hygiène et de salubrité publique a lancé depuis le début de l’année, à Tahiti, un recensement des moustiques. Le but est de cartographier la répartition des deux espèces, Aedes aegypti et Aedes polynesiensis, responsables de la transmission des maladies comme la dengue et le chikungunya et de mesurer précisément le nombre de moustiques auquel nous sommes exposés –en saison sèche, et en saison humide- Ces actions de surveillance entomologique devraient être renforcées l’an prochain et le réseau étendu à d’autres îles.

Rédigé par Mireille Loubet le Dimanche 9 Novembre 2014 à 18:48 | Lu 2823 fois