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Des macarons santé pour lutter contre l'obésité


Tahiti, le 31 octobre 2024 – Ce n'est pas le circuit habituel, mais il a été apprécié par les représentants de la société civile qui siègent au Cesec. Ils ont été sollicités ce jeudi par trois élues Tapura de la commission de la Santé de l'assemblée qui travaillent sur un texte visant à instaurer quatre “étiquettes santé”, simples et visibles, à apposer sur les produits trop sucrés, trop salés ou trop gras. Un système inspiré du modèle chilien, plus efficace et ambitieux que le “Nutri-score” européen en matière de lutte contre l'obésité.
 
Le hasard du calendrier a voulu que le jour où les enfants vont célébrer Halloween en se goinfrant de bonbons, le Cesec a reçu trois élues de l'assemblée pour parler santé. Une démarche particulièrement appréciée puisque c'est la première fois que les représentants de la société civile sont sollicités avant même qu'un texte ne soit dans le circuit législatif.
 
Tepuaraurii Teriitahi, Pascale Haiti-Flosse et Cathy Puchon (qui porte spécialement le dossier avec l'appui du maire de Punaauia Simplicio Lissant) ont donc souhaité s'emparer du sujet à bras-le-corps en proposant de légiférer sur la question avec un texte “simple et efficace”. Pour la rédaction de la première mouture de leur proposition de loi, elles se sont donc inspirées du modèle chilien qui a déjà fait ses preuves depuis sa mise en place en 2016. En 18 mois en effet, la consommation de boissons sucrées y a diminué de près de 24% tandis que celle de l'eau en bouteille a augmenté de 5%. Pari réussi donc avec ce système qui va beaucoup plus loin, en matière de lutte contre l'obésité, que le modèle européen “Nutri-score” (basé sur le volontariat des entreprises) qui a montré ses limites.
 
Simple, efficace et visible
 
Comme au Chili donc, l'idée ici est de créer quatre étiquettes santé (Faito tarori teitei – trop de calories ; Faito tihota teitei – trop de sucre ; Faito miti teitei – trop de sel ; et Faito hinu teitei – trop de graisses saturées) à apposer sur le devant des produits alimentaires. Objectif, informer le consommateur dès le premier coup d'œil, sans qu'il n'ait besoin de chercher derrière ou en tout petits caractères, la teneur en calories, en sucre, en sel ou en gras de tel ou tel produit.
 
Mais forcément, cela va avoir un coût. “On ne veut pas que ce soit supporté par les importateurs, les industriels ou les distributeurs”, a répondu Tepuaraurii Teriitahi, interpellée sur ce point par l'un des membres du Cesec. C'est pourquoi la concertation est nécessaire, pour ne pas dire indispensable, et que les élues comptent ensuite s'entretenir avec différents acteurs incontournables comme la Fédération générale du commerce (FGC), la Chambre de commerce (CCISM), le syndicat des industriels de Polynésie (Sipof) ou encore le syndicat des médecins, mais aussi, bien évidemment, le gouvernement.
 
Quoi qu'il en coûte
 
Car il n'est pas question non plus de venir impacter le pouvoir d'achat déjà fragilisé des Polynésiens. “On devra aussi voir avec le gouvernement pour qu'il nous accompagne par exemple en finançant les étiquettes ou la main-d'œuvre pour l'étiquetage”, a-t-elle précisé. “On vient de donner 3,2 milliards à ATN pour équilibrer ses comptes. C'est de l'argent public. L'argent du Pays, c'est le nôtre”, a lancé Christophe Plée, ravi que ce soient des élues de l'assemblée qui s'emparent enfin du sujet. “C'est le politique et la société civile qui doivent fixer des objectifs aux industriels pour qu'ils puissent modifier leur marketing, leur packaging, et leurs recettes sur la durée”, a-t-il encore plaidé, et ce, “quel qu'en soit le coût”.
 
Un coût surtout exorbitant pour la CPS. On le sait, le surpoids et l'obésité sont un véritable fléau en Polynésie puisqu'ils touchent respectivement 70 et 48% de la population. Ce que l'on sait moins, c'est combien cela coûte. Si les dépenses de la maladie pèsent pour “80 milliards de francs” dans le budget de la CPS, selon Patrick Galenon, la part relative à la prise en charge du diabète lourd représente à lui seul “12 milliards de francs”. Et il sait de quoi il parle puisqu'il préside le conseil d'administration de la Caisse de prévoyance sociale. Il a par ailleurs précisé qu'au Chili, entre 2016 et 2020, “l'obésité a baissé de 3%” et qu'en ramenant ce ratio à la Polynésie, cela correspondrait à “2,5 milliards de franc d'économies”.
 
Un premier pas
 
La loi chilienne va même encore plus loin en interdisant la vente de produits caloriques comme les crèmes glacées ou les chips, et même en interdisant aux marques d'utiliser des personnages animés sur leur packaging de céréales notamment. “Rien ne nous empêche d'aller plus loin”, a réagi Tepuaraurii Teriitahi qui veut y aller étape par étape. Avec ses collègues, elles ont bien conscience que le texte qu'elles proposent n'est qu'un début, un tout petit ustensile dans la grande boîte à outils que doit être la prévention. Mais c'est un premier pas qui va dans le sens de la volonté du ministre de l'Économie Warren Dexter de mettre en place une fiscalité comportementale en taxant davantage les produits trop sucrés, trop salés et trop gras, ce texte étant déjà dans les tuyaux.

Enfin, en matière de prévention, la communication sera la clé de la réussite comme l'a souligné Maiana Bambridge, reprenant l'exemple du tri des déchets, avec notamment la fameuse chanson Fa'ata'a te pehu qui a joué un rôle important dans notre rapport au recyclage. Une communication qui rime donc avec éducation car plus on s'y prend tôt, plus les mauvais comportements peuvent être modifiés avant de se transformer en habitudes.
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 31 Octobre 2024 à 14:00 | Lu 2034 fois