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Des formations pour sortir de l'illettrisme, mal endémique de la Guadeloupe


Helene VALENZUELA / AFP
Helene VALENZUELA / AFP
Pointe-à-Pitre, France | AFP | mercredi 07/01/2025 - En Guadeloupe, l'illettrisme touche une personne sur six parmi les 18-64 ans. Face à ce phénomène qui s'explique en partie par la langue maternelle et le faible niveau de diplôme, des initiatives existent pour redonner à ces adultes autonomie et confiance.

Megguy Naine fait partie des 16% de Guadeloupéens en difficulté face à l'écrit. Longtemps, cette mère de famille de 36 ans a peiné à lire des consignes, à calculer ou même à aider sa fille à faire ses devoirs.

"Les mathématiques, c'était un casse-tête. Quand ma fille me demandait de l'aider, je me disais: +Comment une maman n'arrive pas à aider son enfant alors que je suis allée à l'école?+", confie-t-elle.

Tout a changé grâce à une formation de remise à niveau proposée par l'association Saint-Jean Bosco à Gourbeyre, dans le sud de la Guadeloupe, en partenariat avec un centre de formation local. 

En intégrant un atelier d'insertion, Megguy Naine a suivi un programme mêlant apprentissages théoriques et travaux pratiques et obtenu un certificat, le CléA, qui atteste notamment de la maîtrise de la lecture et de l'écriture.

"C'étaient des trucs que j'avais appris, mais que j'ai oubliés (...) Là, ça va mieux", explique la jeune femme.

Selon une étude de l'Insee publiée en novembre, 16% des 18-64 ans rencontrent des difficultés face à l'écrit en Guadeloupe. Parmi eux, 12% font face à des difficultés jugées fortes et 19% disent éprouver des lacunes en calcul.

Des difficultés qui touchent davantage ceux qui n'ont pas le français comme langue maternelle ou qui vivent dans des quartiers prioritaires, selon l'Insee. L'étude souligne d'autres facteurs aggravants, comme le faible niveau de diplôme ou l'âge.

À Saint-Jean Bosco, la pédagogie repose sur des mises en situation pratiques. Dans le jardin créole, Megguy et ses collègues se forment à la culture maraîchère tout en développant des compétences de base, notamment en calcul.

Une approche qui permet aux bénéficiaires de dépasser leurs blocages. "Maintenant, quand je vais faire mes achats, je connais les pourcentages et je me débrouille mieux", sourit Yordan Bulgare, 27 ans.

- Solutions locales -

Ce jour-là, dans le jardin, les bénéficiaires présentent leur travail au sous-préfet de la Guadeloupe en charge de la cohésion sociale, Arnaud Duranthon, venu délivrer les certifications et les attestations de compétences CléA.

Pour lui, la lutte contre l'illettrisme "est la clef de la plupart des politiques de cohésion sociale et d'insertion" sur l'île antillaise. 

"L'illettrisme est clairement un enjeu important en Guadeloupe", ajoute-t-il, appelant à une "mobilisation générale", notamment des entreprises, qui ignorent parfois les problèmes de leurs salariés.

Le taux de chômage en Guadeloupe s'établit à 19%, plus du double du chiffre hexagonal. Mais selon l'Insee, les deux tiers des personnes en difficulté avec l'écrit et le calcul n'ont pas d'emploi.

Jessica Oublié, coordinatrice de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme en Guadeloupe, insiste également sur la nécessité d'adapter les dispositifs mis en oeuvre au contexte local. "Nous allons publier un atlas de l'illettrisme pour vulgariser les informations" existantes, dit-elle.

Et dès 2025, un diplôme universitaire (DU) de "formateur d'adultes en situation d'illettrisme" doit être mis en place en Guadeloupe, une première pour les Outre-mer. Particularité, ce DU intègrera le créole, maîtrisé par 90% des Guadeloupéens, comme levier pédagogique.

Grâce à sa formation, Megguy Naine envisage pour sa part de travailler dans le maraîchage et peut enfin accompagner sa fille dans ses études. "Maintenant je peux aider ma fille, on partage des moments, ça me rend fière", conclut-elle avec un sourire.

le Mercredi 8 Janvier 2025 à 06:13 | Lu 161 fois