Photo : AFP
Port-Louis, Île Maurice | AFP | vendredi 20/10/2016 - Ce n'est au départ qu'un gentil brouhaha de conversations animées. Mais alors que les chevaux attaquent le dernier virage, la clameur monte, inexorablement, pour finir en une explosion assourdissante passée la ligne d'arrivée.
Un homme exulte, saute sur place, agitant frénétiquement les bras en l'air, heureux parieur qui a vu "son" cheval, "The Deacon", remporter la deuxième course. A Maurice, les courses hippiques font figure de seconde religion et cela fait plus de 200 ans que ça dure.
Situé à deux pas du centre-ville de la capitale, surplombé par une majestueuse chaîne montagneuse, le Champ-de-Mars à Port-Louis attire chaque samedi un condensé de la société mauricienne, toutes communautés et classes sociales confondues.
Sur cet archipel de l'océan Indien, l'histoire des courses hippiques se confond avec l'Histoire: leur introduction en 1812 relève d'une insolite "diplomatie équine", dont les résultats ont dépassé les attentes de ses promoteurs.
1810. Le dernier gouverneur français de celle qu'on appelait alors l"Isle de France" capitule devant la supériorité militaire des Britanniques. Ces derniers voulaient alors mettre fin à l'hégémonie française sur l'océan Indien et sécuriser la route commerciale des Indes, perturbée par les attaques de corsaires français contre les navires marchands anglais.
La nouvelle administration britannique est toutefois désireuse d'entretenir de bonnes relations avec les colons blancs franco-mauriciens, pour beaucoup de grands propriétaires fonciers. L'acte de capitulation de 1810 stipulait d'ailleurs qu'ils pouvaient conserver leur religion, leurs lois et leurs coutumes.
C'est dans ce contexte que le nouveau gouverneur britannique Sir Robert Farquhar et son épouse Maria, d'origine française, décident d'organiser des courses hippiques à Port-Louis "pour rassembler Anglais et Français sur un terrain d'entente, afin que l'ambiance dans le pays soit meilleure", explique Khalid Rawat, assistant du directeur général du Mauritius Turf Club.
- Devant toute la population -
Le 15 juin 1812, un communiqué annonce l'ouverture d'un champ de courses et "le jeudi 25 juin 1812, les trois premières courses sont courues au Champ-de-Mars devant finalement toute la population de l'île", relate M. Rawat.
"Car il n'y a pas que les Français et les Anglais qui étaient présents (...), les autres communautés de l'île s'étaient donné rendez-vous sur le Champ-de-Mars pour ne pas rater ce nouveau spectacle", ajoute-t-il.
Le Mauritius Turf Club, régulièrement présenté comme le troisième plus vieux club hippique toujours en exercice au monde, était né.
Deux siècles plus tard, la passion est intacte et les quatre grandes courses de l'année, comme la Maiden Cup - équivalent mauricien du Prix de l'Arc de Triomphe à l'hippodrome de Longchamp (Paris) - attirent encore plusieurs dizaines de milliers de spectateurs: Mauriciens d'origines hindoue, tamoule, chinoise mais aussi musulmans, Créoles et descendants britanniques ou français.
En ce samedi ordinaire du mois d'octobre, quelque 2.000 passionnés ont consacré leur après-midi à parier, triturant et relisant un des épais magazines consacrés aux courses de la semaine.
Dans l'enceinte ombragée du club, des aficionados installés dans une petite tribune observent dans le paddock les chevaux en lice pour la prochaine course. Signes de nervosité suspects, bandage à une patte... chacun cherche des indices pour déterminer son prochain pari.
A quelques pas de là, dans la cour, des bookmakers prennent les paris tandis que les joueurs sont invités à dépenser leur argent avec un slogan osé: "Zoué lizié fermé!" (Jouez les yeux fermés, en créole).
Toutes les demi-heures, quelques notes de trompette résonnent dans les haut-parleurs, signalant l'imminence d'une course, le speaker prenant le relais pour en détailler les cotes et les favoris.
- Côté loges ou côté piste ? -
Kristy Ballah, un banquier de 33 ans, est tout sourire. Passionné par les chevaux depuis son plus jeune âge, il a investi l'année dernière avec plusieurs membres de sa famille dans le cheval "The Deacon" qui vient de remporter sa course.
Le Champ-de-Mars, "c'est un endroit où tout le monde se sent à l'aise pour venir en famille, peu importe l'appartenance sociale. C'est comme une seule famille", explique le jeune homme en costume cravate.
A la nuance près que riches et pauvres ne voient pas le spectacle du même endroit: quand la haute société mauricienne est installée dans les loges de l'hippodrome, tenue correcte exigée et jumelles en main, les Mauriciens plus modestes sont en face, à l'intérieur du champ de courses, dont l'accès est gratuit.
Personne ne semble s'en formaliser. Comme l'explique Clecy Jhury, 60 ans, ancien employé dans une école, tout le monde vient en famille pour "le divertissement". "Pour les paris, c'est plus un badinage. Gagner c'est bon, perdre, c'est bon aussi", philosophe ce jeune retraité.
"J'aime venir ici, l'amusement est génial. Je préfère les courses (au football à la télévision) parce que c'est en direct, en live!", confirme Franco Genave, qui à 24 ans enchaîne "les petits boulots".
Il faudra bien chercher dans les allées bondées du centre de l'hippodrome pour trouver une voix dissonante. Si, comme le souligne M. Rawat, du Mauritius Turf Club, "de père en fils, le Mauricien est turfiste", Anaïs, 20 ans, avoue elle sans sourciller: "Moi, les chevaux, je m'en fous: je suis venue pour parier et faire de l'argent".
Un homme exulte, saute sur place, agitant frénétiquement les bras en l'air, heureux parieur qui a vu "son" cheval, "The Deacon", remporter la deuxième course. A Maurice, les courses hippiques font figure de seconde religion et cela fait plus de 200 ans que ça dure.
Situé à deux pas du centre-ville de la capitale, surplombé par une majestueuse chaîne montagneuse, le Champ-de-Mars à Port-Louis attire chaque samedi un condensé de la société mauricienne, toutes communautés et classes sociales confondues.
Sur cet archipel de l'océan Indien, l'histoire des courses hippiques se confond avec l'Histoire: leur introduction en 1812 relève d'une insolite "diplomatie équine", dont les résultats ont dépassé les attentes de ses promoteurs.
1810. Le dernier gouverneur français de celle qu'on appelait alors l"Isle de France" capitule devant la supériorité militaire des Britanniques. Ces derniers voulaient alors mettre fin à l'hégémonie française sur l'océan Indien et sécuriser la route commerciale des Indes, perturbée par les attaques de corsaires français contre les navires marchands anglais.
La nouvelle administration britannique est toutefois désireuse d'entretenir de bonnes relations avec les colons blancs franco-mauriciens, pour beaucoup de grands propriétaires fonciers. L'acte de capitulation de 1810 stipulait d'ailleurs qu'ils pouvaient conserver leur religion, leurs lois et leurs coutumes.
C'est dans ce contexte que le nouveau gouverneur britannique Sir Robert Farquhar et son épouse Maria, d'origine française, décident d'organiser des courses hippiques à Port-Louis "pour rassembler Anglais et Français sur un terrain d'entente, afin que l'ambiance dans le pays soit meilleure", explique Khalid Rawat, assistant du directeur général du Mauritius Turf Club.
- Devant toute la population -
Le 15 juin 1812, un communiqué annonce l'ouverture d'un champ de courses et "le jeudi 25 juin 1812, les trois premières courses sont courues au Champ-de-Mars devant finalement toute la population de l'île", relate M. Rawat.
"Car il n'y a pas que les Français et les Anglais qui étaient présents (...), les autres communautés de l'île s'étaient donné rendez-vous sur le Champ-de-Mars pour ne pas rater ce nouveau spectacle", ajoute-t-il.
Le Mauritius Turf Club, régulièrement présenté comme le troisième plus vieux club hippique toujours en exercice au monde, était né.
Deux siècles plus tard, la passion est intacte et les quatre grandes courses de l'année, comme la Maiden Cup - équivalent mauricien du Prix de l'Arc de Triomphe à l'hippodrome de Longchamp (Paris) - attirent encore plusieurs dizaines de milliers de spectateurs: Mauriciens d'origines hindoue, tamoule, chinoise mais aussi musulmans, Créoles et descendants britanniques ou français.
En ce samedi ordinaire du mois d'octobre, quelque 2.000 passionnés ont consacré leur après-midi à parier, triturant et relisant un des épais magazines consacrés aux courses de la semaine.
Dans l'enceinte ombragée du club, des aficionados installés dans une petite tribune observent dans le paddock les chevaux en lice pour la prochaine course. Signes de nervosité suspects, bandage à une patte... chacun cherche des indices pour déterminer son prochain pari.
A quelques pas de là, dans la cour, des bookmakers prennent les paris tandis que les joueurs sont invités à dépenser leur argent avec un slogan osé: "Zoué lizié fermé!" (Jouez les yeux fermés, en créole).
Toutes les demi-heures, quelques notes de trompette résonnent dans les haut-parleurs, signalant l'imminence d'une course, le speaker prenant le relais pour en détailler les cotes et les favoris.
- Côté loges ou côté piste ? -
Kristy Ballah, un banquier de 33 ans, est tout sourire. Passionné par les chevaux depuis son plus jeune âge, il a investi l'année dernière avec plusieurs membres de sa famille dans le cheval "The Deacon" qui vient de remporter sa course.
Le Champ-de-Mars, "c'est un endroit où tout le monde se sent à l'aise pour venir en famille, peu importe l'appartenance sociale. C'est comme une seule famille", explique le jeune homme en costume cravate.
A la nuance près que riches et pauvres ne voient pas le spectacle du même endroit: quand la haute société mauricienne est installée dans les loges de l'hippodrome, tenue correcte exigée et jumelles en main, les Mauriciens plus modestes sont en face, à l'intérieur du champ de courses, dont l'accès est gratuit.
Personne ne semble s'en formaliser. Comme l'explique Clecy Jhury, 60 ans, ancien employé dans une école, tout le monde vient en famille pour "le divertissement". "Pour les paris, c'est plus un badinage. Gagner c'est bon, perdre, c'est bon aussi", philosophe ce jeune retraité.
"J'aime venir ici, l'amusement est génial. Je préfère les courses (au football à la télévision) parce que c'est en direct, en live!", confirme Franco Genave, qui à 24 ans enchaîne "les petits boulots".
Il faudra bien chercher dans les allées bondées du centre de l'hippodrome pour trouver une voix dissonante. Si, comme le souligne M. Rawat, du Mauritius Turf Club, "de père en fils, le Mauricien est turfiste", Anaïs, 20 ans, avoue elle sans sourciller: "Moi, les chevaux, je m'en fous: je suis venue pour parier et faire de l'argent".