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Délinquance : des Assises pour agir mieux et en partenariat


Ouverture des assises en présence du haut-Commissaire.
Ouverture des assises en présence du haut-Commissaire.
PAPEETE, mardi 20 novembre 2012. Les Assises de l’aide aux victimes et de la prévention de la délinquance se déroulent toute la semaine. Organisées par l’Apaj (association polyvalente d’actions judiciaires), ce colloque et séminaire de formation doivent permettre d’échanger et de déboucher sur de nouveaux partenariats.Toutes les personnalités en charge de la délinquance, de la prévention et de l’aide aux victimes et de la répression judiciaire étaient rassemblées, dès hier matin, dans l’un des salons de l’hôtel Intercontinental de Faa’a. Aussi bien le Haut-Commissaire et ses services, le procureur général de la Cour d’appel et le procureur de la République, les états-majors de la police, comme de la gendarmerie, travailleurs sociaux et associations. Car le sujet de la délinquance, et de sa progression au cours des années n’est pas anodin en Polynésie française.

En moyenne, au cours des quatre dernières années, selon des statistiques révélées par le procureur de la République
, José Thorel, les flux des affaires augmentent de 8% par an, particulièrement en ce qui concerne les violences familiales et sexuelles. «On peut parler d’une augmentation objective par une meilleure dénonciation des faits. La loi du silence se lève enfin» confie José Thorel. Le procureur de la République confirme : «les atteintes aux personnes sont les crimes et délits les plus graves, car chacun a droit à sa dignité». Or, ce sont eux qui sont en progression constante. L’Apaj, (association polyvalente d’actions judiciaires) le voit bien. En 2007, les permanences de l’association accueillaient 1156 victimes. En 2011, quasiment le double de personnes est venu se faire épauler par l’association : la preuve de l’efficacité du travail de l’association, mais aussi de l’augmentation des faits de violence.

Avec des spécificités du territoire qu’il va falloir mieux gérer dans le futur proche : Serge Samuel, procureur général l’indiquait : «Sur les 3 000 victimes annuelles de violences en Polynésie française, 900 sont des victimes de violences conjugales» alors qu’il n’existe pas encore d’unité médico-judiciaire d’urgence, dont le projet traîne. Autre inquiétude aussi sur la prise de conscience par les élus de ces phénomènes de délinquance. Hier, aucun membre du gouvernement Temaru n’était présent à l’ouverture de ces assises ; il n’existe que trois CLSPD (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance) en Polynésie à Mahina, Taiparu Est et Pirae. Alors que la loi de 2007, le rend obligatoire pour les communes de 10 000 habitants, la ville de Papeete, centre administratif et économique de Tahiti, n’en est pas encore dotée, pas plus que celle de Faa’a, la commune la plus peuplée de Polynésie où les faits de délinquance sont nombreux. Enfin, en dépit d’un discours rassurant mettant en avant «une délinquance maîtrisée», Jean-Pierre Laflaquière le Haut-Commissaire prévenait : «la crise économique génère une crise sociale et on sait que cela génère une augmentation de la délinquance. L’initiative de ces assises tombe au bon moment. C’est l’occasion de débattre tous ensemble et de développer le partenariat entre nous, en anticipant et non pas en réaction à une situation qui pourrait se détériorer». En clair, il y a vraiment urgence à agir.

Le colonel Valentini (à gauche) avec Séraphin Parra, chef de la DSP.
Le colonel Valentini (à gauche) avec Séraphin Parra, chef de la DSP.
«On a un problème de violence en Polynésie»


Le colonel Patrick Valentini, commandant la gendarmerie en Polynésie française n’a pas fait de langue de bois
en ouverture des assises de la prévention de la délinquance. Il est à la tête des 400 gendarmes en poste dans les différentes brigades territoriales et des 150 gendarmes mobiles qui se renouvellent tous les trois mois et il explique que le «zéro faute n’existe pas». D’autant que les gendarmes en Polynésie ne sont déployés que sur 16 des 118 îles du territoire. Mais il annonce clairement : «on a un problème de violence en Polynésie. Certes, il n’y a pas d’armes à feu, pas encore, mais ça démarre tout petit, au sein du milieu intrafamilial. Partout, on trouve la violence comme le règlement normal de conflit. Ce comportement est beaucoup plus ancré en Polynésie que sur d’autres territoires».


Le colonel va plus loin encore dans son détail de l’analyse des faits : «lors des nuits de week-end, nous avons en moyenne sur Tahiti et Moorea entre 40 et 50 interventions pour des affaires de violence en lien avec une consommation d’alcool ou de stupéfiants. Le record étant à 86 interventions en une seule nuit. La moitié de ces violences s’exerce au sein du couple ou de la famille, l’autre moitié sur la voie publique. Mais sur 30 de ces affaires, à peine 2 ou 3 donneront lieu à des suites judiciaires, parce que parfois les coups sont réciproques, parce qu’il n’y a pas de coopération des victimes. C’est ça le ratio». Le colonel de gendarmerie va plus loin et estime que nombre de ces violences ne sont même pas déclarées «quand je suis aux urgences de l’hôpital en pleine nuit et que je regarde ceux qui entrent, je suis conscient qu’il y a plein de choses qui nous échappent».




Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 19 Novembre 2012 à 16:31 | Lu 1151 fois