Tahiti, le 3 octobre 2024 - En décembre dernier, le texte de loi qui a permis la délégation par l’OPT du service public des télécommunications à sa filiale Onati a été jugé “contraire aux exigences constitutionnelles de liberté d'accès à la commande publique” par le Conseil d’État. Au mois de juin, le tribunal administratif donnait deux mois au président du Pays pour remettre les règles à plat. Avec beaucoup de retard, le Pays a choisi de sortir un texte qui permet de ne surtout rien changer. La proposition de loi est dans les mains du Cesec qui doit rendre son avis mardi prochain.
En décembre 2023, saisi par le tribunal administratif de la Polynésie française, le Conseil d’État avait estimé que l’attribution de la délégation de service public des télécommunications accordée en 2019 sans mise en concurrence par l’OPT à sa filiale Onati s’était faite sur des bases règlementaires “contraires aux exigences constitutionnelles de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats”.
Le Délégation de service public de la holding OPT auprès de sa propre filiale Onati s’était effectivement déroulée sans publicité, sans mise en concurrence et sans cahier des charges ni contrat.
Le tribunal administratif de Papeete a tiré les conséquences de cette décision du Conseil d’État en demandant au président de la Polynésie française de “convoquer le conseil des ministres afin que soit arrêté un projet de loi du Pays en vue d’abroger les alinéas 1 à 5 de l’article LP. 28 de la loi du Pays n° 2009-21 du 7 décembre 2009 dans un délai de deux mois”.
Visiblement peu stressé par cette injonction, le Pays a mis plus longtemps pour sortir un texte qui contourne l’esprit de la loi et tente de sauver le soldat OPT de cette fâcheuse situation. Aussi, pour ne pas répondre aux injonctions du Conseil d’État et du tribunal administratif, le Pays, dans un projet de loi, change le code des Postes et télécommunications pour y renforcer, contre le principe même de mise en concurrence, la position dominante de l’OPT sur le secteur. “Dans le secteur des télécommunications, l’établissement public OPT est autorisé à attribuer directement à l’une de ses filiales, après agrément du gouvernement […] la gestion du service public dont il a la responsabilité.”
Circulez, il n’y a plus rien à voir. Le Pays joue sur les alinéas 2 à 5 de la loi de Pays sur les modalités de passation et d’exécution des délégations de service public de 2019 qui prévoient que, par exception, un établissement public peut confier une délégation de service public de gré à gré à l’une de ses filiales, manière d’imposer une exception dans son propre code des marchés publics au nez et à la barbe du droit à la concurrence.
En décembre 2023, saisi par le tribunal administratif de la Polynésie française, le Conseil d’État avait estimé que l’attribution de la délégation de service public des télécommunications accordée en 2019 sans mise en concurrence par l’OPT à sa filiale Onati s’était faite sur des bases règlementaires “contraires aux exigences constitutionnelles de liberté d'accès à la commande publique et d'égalité de traitement des candidats”.
Le Délégation de service public de la holding OPT auprès de sa propre filiale Onati s’était effectivement déroulée sans publicité, sans mise en concurrence et sans cahier des charges ni contrat.
Le tribunal administratif de Papeete a tiré les conséquences de cette décision du Conseil d’État en demandant au président de la Polynésie française de “convoquer le conseil des ministres afin que soit arrêté un projet de loi du Pays en vue d’abroger les alinéas 1 à 5 de l’article LP. 28 de la loi du Pays n° 2009-21 du 7 décembre 2009 dans un délai de deux mois”.
Visiblement peu stressé par cette injonction, le Pays a mis plus longtemps pour sortir un texte qui contourne l’esprit de la loi et tente de sauver le soldat OPT de cette fâcheuse situation. Aussi, pour ne pas répondre aux injonctions du Conseil d’État et du tribunal administratif, le Pays, dans un projet de loi, change le code des Postes et télécommunications pour y renforcer, contre le principe même de mise en concurrence, la position dominante de l’OPT sur le secteur. “Dans le secteur des télécommunications, l’établissement public OPT est autorisé à attribuer directement à l’une de ses filiales, après agrément du gouvernement […] la gestion du service public dont il a la responsabilité.”
Circulez, il n’y a plus rien à voir. Le Pays joue sur les alinéas 2 à 5 de la loi de Pays sur les modalités de passation et d’exécution des délégations de service public de 2019 qui prévoient que, par exception, un établissement public peut confier une délégation de service public de gré à gré à l’une de ses filiales, manière d’imposer une exception dans son propre code des marchés publics au nez et à la barbe du droit à la concurrence.
Le principe de la dérogation
Cette disposition est prise pour permettre “de gagner en efficacité dans le cadre de la fourniture des services publics en optimisant les moyens mis en œuvre à cet effet, tout en faisant baisser le coût et en améliorant sa qualité, au profit de l’ensemble des opérateurs et de la population”.
Cela permet surtout de bloquer la porte aux concurrents locaux comme Vodafone et Viti, mais aussi à de potentiels concurrents extérieurs comme Free qui avait, un temps, émis l’hypothèse de venir s’implanter en Polynésie.
Les conditions dans lesquelles cette délégation de service public a été passée vont même au-delà du simple fait de permettre aux autres opérateurs de prendre la charge et venir challenger le service public des télécommunications. Un appel d’offre a aussi pour intérêt de servir l’obligation de transparence en imposant de définir le périmètre des missions déléguées, lesquelles missions constituent le cœur de la DSP et des biens mis à la disposition du délégataire. Or à ce jour, l’OPT n’a toujours pas exécuté la décision du tribunal administratif de Papeete du 25 juin 2023 l’enjoignant de produire l’intégralité des éléments de la DSP.
Le projet de loi du Pays “poursuit l’objectif d’instaurer en droit polynésien un régime de quasi-régie comportant des dispositions s’inspirant de celles existant en métropole, tout en tenant compte des spécificités du secteur des télécommunications en Polynésie française”, poursuit l’exposé des motifs de la proposition de loi. Le texte s’appuie sur une conclusion du rapporteur du Conseil d’État qui rappelait que “des dérogations peuvent être apportées par la loi aux principes généraux du droit de la commande publique eu égard à la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d’un équipement ou d’un service déterminé” mais aussi pour “tenir compte de la nécessité d’assurer la cohérence du réseau des concessions […] et de maintenir la péréquation des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution”.
Cela permet surtout de bloquer la porte aux concurrents locaux comme Vodafone et Viti, mais aussi à de potentiels concurrents extérieurs comme Free qui avait, un temps, émis l’hypothèse de venir s’implanter en Polynésie.
Les conditions dans lesquelles cette délégation de service public a été passée vont même au-delà du simple fait de permettre aux autres opérateurs de prendre la charge et venir challenger le service public des télécommunications. Un appel d’offre a aussi pour intérêt de servir l’obligation de transparence en imposant de définir le périmètre des missions déléguées, lesquelles missions constituent le cœur de la DSP et des biens mis à la disposition du délégataire. Or à ce jour, l’OPT n’a toujours pas exécuté la décision du tribunal administratif de Papeete du 25 juin 2023 l’enjoignant de produire l’intégralité des éléments de la DSP.
Le projet de loi du Pays “poursuit l’objectif d’instaurer en droit polynésien un régime de quasi-régie comportant des dispositions s’inspirant de celles existant en métropole, tout en tenant compte des spécificités du secteur des télécommunications en Polynésie française”, poursuit l’exposé des motifs de la proposition de loi. Le texte s’appuie sur une conclusion du rapporteur du Conseil d’État qui rappelait que “des dérogations peuvent être apportées par la loi aux principes généraux du droit de la commande publique eu égard à la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d’un équipement ou d’un service déterminé” mais aussi pour “tenir compte de la nécessité d’assurer la cohérence du réseau des concessions […] et de maintenir la péréquation des tarifs d’utilisation des réseaux publics de distribution”.
On ne touche à rien
Selon le droit métropolitain dont s’inspire cette loi de Pays, le contrat de quasi-régie implique que la DSP soit confiée à un opérateur “dédié” aux besoins de cette dernière. L’idée fondatrice étant que cet opérateur soit un prolongement administratif de la personne publique. À ce titre, il doit réaliser 80% de son activité pour le service public et les activités réalisées sur le marché concurrentiel doivent revêtir un caractère marginal.
Suivant cette logique, une société devrait être constituée pour se charger du service public des télécommunications. Cela permettrait d’ailleurs aux trois opérateurs de disposer d’un accès égalitaire aux infrastructures financées par le Pays. Or, si ce contrat de quasi-régie est confié à Onati, comme il en résulte de l’exposé des motifs de cette loi de Pays, on peut légitimement s’interroger sur la répartition des activités d’Onati qui demeure encore à ce jour l’opérateur de télécommunications majeur en Polynésie et ne semble pas réaliser 80% de son activité en faveur du service public.
Le Pays s’appuie sur une dernière considération du rapporteur public qui expliquait que “il ne fait guère de doute que les spécificités polynésiennes peuvent justifier des dérogations aux principes de la commande publique”.
Un projet de loi modificatif donc, pour ne surtout rien modifier et une proposition qui a tout de la manœuvre dilatoire afin de repousser le plus longtemps possible l’obligation de mettre la délégation de service publique en concurrence via un appel d’offre.
Suivant cette logique, une société devrait être constituée pour se charger du service public des télécommunications. Cela permettrait d’ailleurs aux trois opérateurs de disposer d’un accès égalitaire aux infrastructures financées par le Pays. Or, si ce contrat de quasi-régie est confié à Onati, comme il en résulte de l’exposé des motifs de cette loi de Pays, on peut légitimement s’interroger sur la répartition des activités d’Onati qui demeure encore à ce jour l’opérateur de télécommunications majeur en Polynésie et ne semble pas réaliser 80% de son activité en faveur du service public.
Le Pays s’appuie sur une dernière considération du rapporteur public qui expliquait que “il ne fait guère de doute que les spécificités polynésiennes peuvent justifier des dérogations aux principes de la commande publique”.
Un projet de loi modificatif donc, pour ne surtout rien modifier et une proposition qui a tout de la manœuvre dilatoire afin de repousser le plus longtemps possible l’obligation de mettre la délégation de service publique en concurrence via un appel d’offre.