Jean-Paul signe la pétition au milieu du lagon.
TAIARAPU EST, le 20 janvier 2016. Depuis un an, un débat agité anime les foyers de Tautira, commune la plus à l'Est de Tahiti. Un camp demande à être séparé de la commune associée, l'autre veut rester affilié à Taravao pour plus d'efficacité économique. Pour les familles du Fenua Aihere, que la route n'atteint pas, ce sont les pontons délabrés et l'eau non-potable (mais payée à prix d'or) qui fait pencher la balance vers la sécession.
"Jean-Paul est à tai (sur le lagon), mais il veut signer" explique un électeur du Fenua Aihere au comité 808, après avoir lui-même signé la pétition confirmant la demande des citoyens de la commune associée de Tautira de s'affranchir de la tutelle de Taravao. "Pas de problème, tu as sa pièce d'identité, là ?". Confirmation, photo de la pièce d'identité, puis les deux bénévoles prennent leur petite embarcation pour rejoindre le sus-nommé Jean-Paul dans le lagon.
Et c'est là que se déroule une scène emblématique de ce que peut être la démocratie directe dans les îles. Le pécheur écoute les arguments des deux pétitionnaires, pose ses questions, puis signe la pétition au milieu du lagon paradisiaque, de barque à barque. Une signature supplémentaire, qui pousse encore un peu plus Tautira vers un changement de statut.
Pour comprendre ces remous en faveur de la défusion de Taiarapu-Est, il faut remonter à mars 2014 et aux dernières élections municipales. Lors d'un duel entre autonomistes, qui a été gagné sur le fil par Anthony Jamet (avec 17 élus au conseil municipal contre 16), l'ancienne mairesse de la commune orientale a dû céder sa place. Avec le départ de Béatrice Lucas, les maires délégués des trois communes associées à Taravao ont également dû céder leurs sièges à des élus du nouveau pouvoir en place. "The winner takes it all", telle est la règle des communes associées.
Démocratie ou politique ?
Sauf qu'à ce jeu de chaises musicales, il arrive que certains citoyens se sentent lésés. Ainsi à Tautira, où Juliette Nuupure (à l'époque alliée de Mme Lucas) a remporté haut la main l'élection auprès de ses propres électeurs, mais a dû céder son poste de maire délégué à Patricia Romea, soutenue par le nouveau maire de Taravao. Les militants de l'ancienne élue ont crié au déni de démocratie, et ont rapidement organisé un comité, nommé "comité 808" d'après le nombre de voix de la liste de Juliette Nuupure.
Un comité qui ne se contente pas de demander un changement de maire délégué. Car ce dernier affront était la goutte qui fait déborder le vase. Entre l'eau non-potable, les pontons municipaux délabrés où les enfants prennent la navette scolaire, les 20 kilomètres à faire pour faire signer le moindre papier à la mairie de Taravao et un certain sentiment d'abandon, une partie de la population est mûre pour un changement de statut.
Depuis son lancement il y un peu plus d'un an, la procédure pour demander la défusion de la commune fait le plein de soutiens et avance très rapidement. Pour Arnold Toheira, coordinateur du comité 808, "l'année dernière il y a eu une décision anti-démocratique de la part de la commune de Taiarapu-Est, c'est pour ça que le peuple se lève aujourd'hui. Et depuis l'élection, Tautira est un peu délaissée. Quand l'état injecte de l'argent pour Tautira, la totalité de la somme n'arrive pas ici, parce que c'est Taravao qui gère l'argent. Certains pontons pour les enfants scolarisés sont dans un état lamentable, il y a beaucoup de problèmes pour les familles."
Le village contre ses campagnes
Début 2015, ce comité déposait au haut-commissariat une pétition de quelques 800 signatures (sur 1300 électeurs) demandant la défusion. "Selon le texte, après avoir demandé la défusion de Tautira, il faut laisser un délai de un an. Il est passé, donc aujourd'hui on repasse chez les gens pour confirmer la demander afin qu'elle soit validée au niveau du haut-commissariat" détaille Arnold Toheira.
"D'abord nous devons récolter les signatures d'un tiers des électeurs et le haut-commissariat va les passer au contrôle avec les photos des pièces d'identité qu'ils nous ont demandées. La prochaine étape ce sera le haussaire qui va envoyer un commissaire-enquêteur dans le village pour poser des questions à tout le monde. 'Pourquoi voulez-vous ou ne voulez-vous pas la défusion ?' Une fois ce travail fait, le haut-commissaire va constituer une commission, composée du conseil municipal, de la population de Tautira qui vote sur Tautira et de celle qui ne vote pas mais a une parcelle de terre, commission qui décidera si la défusion est acceptable ou pas."
Le jeune militant nous explique que dans le Fenua Aihere, sa pétition fait le plein auprès des 200 électeurs qui y vivent. D'où la campagne de signature en bateau : la route n'arrive pas jusque là, la population vit d'agriculture et de pêche, les services publics sont rares. Les habitants espèrent qu'une commune de Tautira défusionnée prendrait leurs problèmes plus à bras le corps. Mais les avis sont bien plus contrastés dans le village, où l'on craint qu'une commune de Tautira coupée des ressources financière du bassin économique de Taravao soit rapidement asphyxiée. Un débat qui devrait continuer encore quelques années à animer les marchés du samedi.
"Jean-Paul est à tai (sur le lagon), mais il veut signer" explique un électeur du Fenua Aihere au comité 808, après avoir lui-même signé la pétition confirmant la demande des citoyens de la commune associée de Tautira de s'affranchir de la tutelle de Taravao. "Pas de problème, tu as sa pièce d'identité, là ?". Confirmation, photo de la pièce d'identité, puis les deux bénévoles prennent leur petite embarcation pour rejoindre le sus-nommé Jean-Paul dans le lagon.
Et c'est là que se déroule une scène emblématique de ce que peut être la démocratie directe dans les îles. Le pécheur écoute les arguments des deux pétitionnaires, pose ses questions, puis signe la pétition au milieu du lagon paradisiaque, de barque à barque. Une signature supplémentaire, qui pousse encore un peu plus Tautira vers un changement de statut.
Pour comprendre ces remous en faveur de la défusion de Taiarapu-Est, il faut remonter à mars 2014 et aux dernières élections municipales. Lors d'un duel entre autonomistes, qui a été gagné sur le fil par Anthony Jamet (avec 17 élus au conseil municipal contre 16), l'ancienne mairesse de la commune orientale a dû céder sa place. Avec le départ de Béatrice Lucas, les maires délégués des trois communes associées à Taravao ont également dû céder leurs sièges à des élus du nouveau pouvoir en place. "The winner takes it all", telle est la règle des communes associées.
Démocratie ou politique ?
Sauf qu'à ce jeu de chaises musicales, il arrive que certains citoyens se sentent lésés. Ainsi à Tautira, où Juliette Nuupure (à l'époque alliée de Mme Lucas) a remporté haut la main l'élection auprès de ses propres électeurs, mais a dû céder son poste de maire délégué à Patricia Romea, soutenue par le nouveau maire de Taravao. Les militants de l'ancienne élue ont crié au déni de démocratie, et ont rapidement organisé un comité, nommé "comité 808" d'après le nombre de voix de la liste de Juliette Nuupure.
Un comité qui ne se contente pas de demander un changement de maire délégué. Car ce dernier affront était la goutte qui fait déborder le vase. Entre l'eau non-potable, les pontons municipaux délabrés où les enfants prennent la navette scolaire, les 20 kilomètres à faire pour faire signer le moindre papier à la mairie de Taravao et un certain sentiment d'abandon, une partie de la population est mûre pour un changement de statut.
Depuis son lancement il y un peu plus d'un an, la procédure pour demander la défusion de la commune fait le plein de soutiens et avance très rapidement. Pour Arnold Toheira, coordinateur du comité 808, "l'année dernière il y a eu une décision anti-démocratique de la part de la commune de Taiarapu-Est, c'est pour ça que le peuple se lève aujourd'hui. Et depuis l'élection, Tautira est un peu délaissée. Quand l'état injecte de l'argent pour Tautira, la totalité de la somme n'arrive pas ici, parce que c'est Taravao qui gère l'argent. Certains pontons pour les enfants scolarisés sont dans un état lamentable, il y a beaucoup de problèmes pour les familles."
Le village contre ses campagnes
Début 2015, ce comité déposait au haut-commissariat une pétition de quelques 800 signatures (sur 1300 électeurs) demandant la défusion. "Selon le texte, après avoir demandé la défusion de Tautira, il faut laisser un délai de un an. Il est passé, donc aujourd'hui on repasse chez les gens pour confirmer la demander afin qu'elle soit validée au niveau du haut-commissariat" détaille Arnold Toheira.
"D'abord nous devons récolter les signatures d'un tiers des électeurs et le haut-commissariat va les passer au contrôle avec les photos des pièces d'identité qu'ils nous ont demandées. La prochaine étape ce sera le haussaire qui va envoyer un commissaire-enquêteur dans le village pour poser des questions à tout le monde. 'Pourquoi voulez-vous ou ne voulez-vous pas la défusion ?' Une fois ce travail fait, le haut-commissaire va constituer une commission, composée du conseil municipal, de la population de Tautira qui vote sur Tautira et de celle qui ne vote pas mais a une parcelle de terre, commission qui décidera si la défusion est acceptable ou pas."
Le jeune militant nous explique que dans le Fenua Aihere, sa pétition fait le plein auprès des 200 électeurs qui y vivent. D'où la campagne de signature en bateau : la route n'arrive pas jusque là, la population vit d'agriculture et de pêche, les services publics sont rares. Les habitants espèrent qu'une commune de Tautira défusionnée prendrait leurs problèmes plus à bras le corps. Mais les avis sont bien plus contrastés dans le village, où l'on craint qu'une commune de Tautira coupée des ressources financière du bassin économique de Taravao soit rapidement asphyxiée. Un débat qui devrait continuer encore quelques années à animer les marchés du samedi.
LES AVIS DE LA POPULATION
Pour : Rosemarie
"J'ai signé, je veux séparer Tautira de Taravao. Par exemple quand on veut faire des papiers à la mairie, notre maire n'est pas là, il faut l'attendre. Mais à Taravao on ne peut pas attendre, il faut prendre le bus. Ce n'est pas pratique, on veut notre maire dans la commune. On s'en fiche des histoires politiques, mais il faut vraiment qu'on ait un maire ici. De toute façon à Taravao ils ont plus d'argent, c'est vrai, mais ils ne l'utilisent pas pour nous..."
"J'ai signé, je veux séparer Tautira de Taravao. Par exemple quand on veut faire des papiers à la mairie, notre maire n'est pas là, il faut l'attendre. Mais à Taravao on ne peut pas attendre, il faut prendre le bus. Ce n'est pas pratique, on veut notre maire dans la commune. On s'en fiche des histoires politiques, mais il faut vraiment qu'on ait un maire ici. De toute façon à Taravao ils ont plus d'argent, c'est vrai, mais ils ne l'utilisent pas pour nous..."
Hésitante : Senorina
"Je suis pour, et ce n'est pas la première fois qu'on demande à être séparés de Taravao. Mais après, il reste des questions qui restent sans réponses, donc je ne vais pas signer pour l'instant. Le jour où on va être séparés, comment on va faire financièrement ? Quel sera le budget de la commune ? J'aimerais bien aller à la réunion d'information la semaine prochaine, et j'espère qu'ils pourront apporter des réponses. Mais je suis pour, parce que je crois qu'ici il y a beaucoup de choses à faire, ne serait-ce que pour développer le tourisme. Ici il y a toujours du monde qui passe, des promeneurs, on aimerait bien savoir comment ça s'organise. Des familles pourraient construire des petits centres artisanaux..."
"Je suis pour, et ce n'est pas la première fois qu'on demande à être séparés de Taravao. Mais après, il reste des questions qui restent sans réponses, donc je ne vais pas signer pour l'instant. Le jour où on va être séparés, comment on va faire financièrement ? Quel sera le budget de la commune ? J'aimerais bien aller à la réunion d'information la semaine prochaine, et j'espère qu'ils pourront apporter des réponses. Mais je suis pour, parce que je crois qu'ici il y a beaucoup de choses à faire, ne serait-ce que pour développer le tourisme. Ici il y a toujours du monde qui passe, des promeneurs, on aimerait bien savoir comment ça s'organise. Des familles pourraient construire des petits centres artisanaux..."
Contre : Joël
"Je suis contre la défusion. Je pense que c'est la population qui a mis en place l'équipe actuelle. Qu'est-ce que tu veux, comme ils ne sont pas passés il faut changer ? Il faut les laisser travailler là, on verra après, on pourra toujours se présenter. Si il faut changer, on rechange. Après, c'est vrai que le maire délégué qu'on a choisi n'a pas été nommée, ce n'est pas normal. Mais il faut un seul patron, pas quatre, et actuellement ça marche bien, pourquoi changer ? On va jusqu'au bout, et on verra après, la démocratie c'est ça. Il faut dire qu'on est au bout de l'île, ici on vit avec l'agriculture et la pêche, on a tout ici, tout le monde est propriétaire d'un terrain. Pas la peine de s'embêter avec la politique."
"Je suis contre la défusion. Je pense que c'est la population qui a mis en place l'équipe actuelle. Qu'est-ce que tu veux, comme ils ne sont pas passés il faut changer ? Il faut les laisser travailler là, on verra après, on pourra toujours se présenter. Si il faut changer, on rechange. Après, c'est vrai que le maire délégué qu'on a choisi n'a pas été nommée, ce n'est pas normal. Mais il faut un seul patron, pas quatre, et actuellement ça marche bien, pourquoi changer ? On va jusqu'au bout, et on verra après, la démocratie c'est ça. Il faut dire qu'on est au bout de l'île, ici on vit avec l'agriculture et la pêche, on a tout ici, tout le monde est propriétaire d'un terrain. Pas la peine de s'embêter avec la politique."