Tahiti Infos

Décolonisation : la délibération de Géros devrait logiquement être transmise au Conseil d'État


À gauche, Richard Tuheiava, le directeur de cabinet d'Antony Géros, Me Millet au centre et Vito Maamaatuaiahutapu, le secrétaire général du Tavini à droite, lors de l'audience de ce mardi au tribunal administratif. Crédit photo : Thibault Segalard.
À gauche, Richard Tuheiava, le directeur de cabinet d'Antony Géros, Me Millet au centre et Vito Maamaatuaiahutapu, le secrétaire général du Tavini à droite, lors de l'audience de ce mardi au tribunal administratif. Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 14 janvier 2025 - Le Conseil d'État devrait logiquement être saisi ce mercredi par le tribunal administratif de Papeete, qui devrait transmettre à Paris la demande d'annulation formulée par le haut-commissaire à propos de la délibération votée en décembre dernier à Tarahoi sous l'initiative d'Antony Géros. Cette délibération vise à ouvrir le dialogue sur la décolonisation et faire cesser les “violations du droit fondamental à l’autodétermination du peuple polynésien”.
 
Comme attendu, le rapporteur public a préconisé, ce mardi, de transmettre au Conseil d’État la demande d’annulation formulée par le haut-commissaire concernant la délibération adoptée par Tarahoi le 13 décembre dernier. Cette délibération, initiée par Antony Géros, président de l’assemblée, visait à permettre le dépôt de recours préalables auprès des autorités de l’État, ainsi que devant toutes les juridictions françaises et internationales compétentes, notamment l’ONU. L’objectif affiché : engager un dialogue de décolonisation afin de faire cesser, selon les termes de la délibération, les “violations du droit fondamental à l’autodétermination du peuple polynésien”, en référence à la Charte des Nations unies et à la Déclaration universelle des droits de l’Homme.
 
Dans ses conclusions, le rapporteur public a donc demandé au tribunal administratif de Papeete de solliciter l’avis du Conseil d’État, comme le prévoit la loi organique de 2004, en qu'à d'affaire traitant les "excès de pouvoir". Pour justifier sa demande d’annulation, le haut-commissaire arguait que l’assemblée avait outrepassé ses compétences, estimant que seul l’exécutif était habilité à porter une telle initiative. Le président du tribunal a annoncé qu’une décision serait rendue ce mercredi, afin de préserver les délais en cas de transmission officielle au Conseil d’État, ce dernier disposant de trois mois pour se prononcer. À noter que si Tony Géros était absent lors de l'audience, Richard Tuheiava, son directeur de cabinet, et Vito Maamaatuaiahutapu, secrétaire général du Tavini, étaient eux bien présents.
 
“Refus de dialogue” et procès d'intention
 
Cependant, les débats ne se sont pas limités à une analyse strictement juridique. Me Thibaud Millet, avocat de l’assemblée, a exprimé sa “déception” face à ce qu’il a qualifié de “refus de dialogue” de la part de l’État. Selon lui, la délibération incriminée ne faisait que demander l’ouverture d’un “dialogue avec l’État français”. “Pour la première fois dans l’histoire de la République française, l’autodétermination d’un peuple est exprimée de manière totalement pacifique et conforme à la légalité”, a-t-il ajouté, avant de déplorer “une politique de l’État peu propice à un climat pacifique et apaisé”. Il a conclu en affirmant que l’État cherchait à “interdire l’idée même du dialogue”. “C'est ça, le sens de ce recours.”
 
Face à ces critiques, la représentante du haut-commissariat a rappelé que l’audience de ce mardi “n’avait pas vocation à faire le procès de l’État français”, mais à examiner la compétence juridique de l’assemblée dans cette affaire. “Il ne s’agit pas ici de savoir quelle est la position de l’État sur l’autodétermination, mais uniquement de vérifier si cette délibération est légale ou non”, a-t-elle insisté, regrettant ce “procès d'intention”.
 
Une suite en mars avec le soutien du président ?
 
Me Millet a également annoncé que cette affaire ne constituait que le premier acte d’une “aspiration plus large”, prévoyant d’autres contentieux et actions menés à différents niveaux. Ces prochaines actions ne se feront pas uniquement via Tarahoi, mais avec “d'autres groupes, d'autres personnes, vous en aurez la surprise”.
 
La possibilité d’une implication future de Moetai Brotherson dans cette stratégie a été évoquée. Si aucune confirmation n’a été apportée, Me Millet a jugé qu’une telle collaboration serait “une excellente chose”. De son côté, Richard Tuheiava, présent à l’audience, a indiqué que la question de la participation du président de la Polynésie serait abordée lors d’un congrès du Tavini prévu en mars. “Je ne sais pas encore. Le parti doit se rassembler en mars, on décidera à ce moment-là.” D'autant que si Moetai Brotherson et l'exécutif venaient à se joindre aux velléités de Tony Géros, cela donnerait du crédit au tour de force du tāvana de Paea, puisque ce dernier avait estimé, après avoir fait voter la délibération en décembre, que le président du Pays “aurait dû le faire à sa place”.

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 14 Janvier 2025 à 14:37 | Lu 1318 fois