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Data Dealer: le jeu qui dévoile le commerce juteux des données personnelles


Data Dealer: le jeu qui dévoile le commerce juteux des données personnelles
PARIS, 3 août 2013 (AFP) - Comment devenir riche en aspirant les données de millions d'internautes naïfs et les revendant? Afin de sensibiliser le public à l'utilisation des données personnelles sur internet le jeu Data Dealer propose aux joueurs de devenir des capitalistes de l'ère numérique.

Une petite équipe de développeurs, designers de jeux vidéos et de défenseurs des droits des internautes, basée essentiellement à Vienne, a conçu ce jeu en ligne gratuit à visée éducative qui met en lumière l'usage fait de ces données par les sociétés commerciales et les Etats, avec une bonne dose d'humour.

"Il y a tant de données qui sont collectées et la plupart des gens ne savent pas ce qui peut arriver à leurs informations personnelles", explique à l'AFP Wolfie Christl, un membre de cette équipe.

"Si vous leur dites: faites attention aux données que vous laissez sur les réseaux sociaux, c'est ennuyeux, personne ne vous écoute... C'est pour ça que nous avons imaginé un jeu où vous êtes du mauvais côté, on vous propose de récolter les données vous-même et de les revendre. Ca sensibilise les gens bien mieux que si on leur faisait la leçon", poursuit le jeune homme de 36 ans.

Moyens légaux ou illégaux

Dans ce jeu en ligne (datadealer.com) sorti l'an dernier en version allemande et en anglais en mai, le joueur doit remplir sa base de données de profils d'internautes par des moyens légaux ou illégaux. Il se met en rapport avec des trafiquants, qui font profit de leur accès à des bases de données ou les piratent carrément.

Puis le joueur étoffe son stock en créant ses propres compagnies: un site de rencontres où les internautes dévoilent leurs secrets les plus intimes, ou des loteries en ligne, auxquelles ils n'hésitent pas à donner noms, adresses e-mail et une foule d'autres détails précieux, dans l'espoir de décrocher le gros lot.

L'empire numérique du joueur croît vite grâce aux services de cartes de fidélité ou aux tests psychologiques en ligne, autant de mines d'or pour les chasseurs de données personnelles.

Et il commence à enregistrer des profits en revendant ces précieuses données -- habitudes d'achat, orientation sexuelle, niveau d'éducation, de revenus, dossier médical -- à des sociétés de marketing, d'assurances, un gros employeur, voire même la "Central Security Agency", allusion à l'agence de renseignements américains NSA.

"Initialement on s'était concentrés sur les sociétés commerciales (...) Mais quand Edward Snowden a révélé le scandale de la NSA nous avons dû réfléchir rapidement pour apporter ces nouveaux éléments au jeu", explique Wolfie Christl.

L'ex-consultant des services de renseignement américains réfugié en Russie a révélé en juin l'ampleur des programmes de surveillance des communications --téléphoniques et électroniques-- menés par les Etats-Unis, mettant en lumière les collaborations entre les opérateurs téléphoniques, Facebook ou Google et le renseignement américain.

Paradoxalement, l'équipe de Data Dealer utilise elle aussi le réseau social Facebook pour se faire connaître et récolter des fonds pour lancer une nouvelle version multijoueurs du jeu.

"On utilise les services de Facebook qui sont disponibles pour les autres utilisateurs, c'est un moyen de faire passer notre message", explique Wolfie Christl, en reconnaissant "un côté ironique" à utiliser une plateforme dont ils dénoncent les pratiques de captation des données personnelles.

Si le scandale Snowden a fait l'effet d'un électrochoc, les rouages de l'utilisation commerciale des données personnelles sont encore flous pour le grand public. En juin l'association française de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a demandé que Facebook, Twitter et Google+ modifient les conditions d'utilisation qu'elle juge "abusives" car elles permettraient une utilisation "tentaculaire" et "à l'infini" des données personnelles.

Les militants de Data Dealer demandent eux "de la transparence" aux géants de l'internet, pour qu'il soit possible de ne confier des données "qu'aux organisations dignes de confiance".

Rédigé par Par Lucie GODEAU le Samedi 3 Août 2013 à 07:28 | Lu 557 fois