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D'autres surprises climatiques ne sont pas à exclure, avertit une spécialiste de l'ozone


Crédit Handout / Susan SOLOMON / AFP
Crédit Handout / Susan SOLOMON / AFP
Paris, France | AFP | mardi 20/03/2023 - Figure de la lutte contre le trou de la couche d'ozone, Susan Solomon pense que l'opinion publique est désormais mûre pour influer sur les politiques climatiques. Mais la scientifique, ancienne experte climat de l'ONU, rappelle que l'évolution du climat nous réserve aussi de potentielles surprises.

Le rapport du Giec publié lundi, synthèse de quelque 10.000 pages de travaux sur les neuf dernières années, peut sembler constituer le dernier chapitre de notre compréhension du réchauffement climatique.

Mais "c'est loin d'être le dernier mot", assure auprès de l'AFP Susan Solomon, professeure de l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT). Elle se dit elle-même surprise par ces récentes recherches qui montrent de manière inattendue que le changement climatique menace de ralentir la reconstitution de la couche d'ozone, bouclier protecteur de la Terre contre les rayons ultraviolets nocifs du soleil.

Lorsque le trou dans la couche d'ozone a été découvert, est-ce apparu immédiatement comme une catastrophe ? 
Oui, c'était un événement hors du commun. On découvrait tout à coup que l'ozone diminuait de moitié au-dessus de l'Antarctique à certaines périodes de l'année. Et nous ne savions pas pourquoi. J'avais 29 ans lorsque le trou a été découvert, en 1985, et, scientifiquement, c'était très enthousiasmant. En 1986, j'ai dirigé une expédition en Antarctique. Nous avons mesuré tout ce qui était imaginable : l'ozone, mais aussi le monoxyde et le dioxyde de chlore, toutes les molécules qui absorbent l'ozone, et nous avons pu montrer qu'elles étaient complètement déréglées. 

Mon idée était que les nuages stratosphériques polaires et la chimie des surfaces étaient peut-être à l'origine de ce phénomène, et ça s'est avéré.

Le protocole de Montréal (élimination progressive des molécules appauvrissant la couche d'ozone) a été signé en septembre 1987. Qu'est-ce qui a permis aux gouvernements d'agir si vite ?
C'est l'histoire des trois P : c'était "personnel", car les cancer de la peau et la cataracte font peur ; c'était "perceptible" parce qu'on pouvait voir à la télévision ces images spectaculaires, faciles à expliquer. Et des solutions "pratiques", réalisables, ont été trouvées assez rapidement. Il s'agit d'une remarquable réussite scientifique et politique.

Le changement climatique n'a pas suscité la même mobilisation d'urgence, pourquoi ?
Les gens commencent à se sentir concernés, en particulier les jeunes. C'est un véritable stimulant pour les politiques. Le plus gros problème est que les gens pensent que les solutions sont inapplicables, mais c'est faux. Ils doivent réaliser combien cela va nous coûter si nous ne faisons rien. 

Quelles sont les principales questions auxquelles il faut encore répondre concernant les effets du changement climatique ?
De nombreuses études tentent de comprendre comment les trajectoires des tempêtes vont changer. Allons-nous par ailleurs connaître davantage de vagues de froid arctique extrêmes ? Ce n'est pas une conséquence du réchauffement qui saute aux yeux, mais c'est un problème. A quelle vitesse vont aussi fondre les calottes glaciaires? Il y a beaucoup d'incertitudes et cela concerne les habitants des côtes du monde entier.

Des questions restent en suspens également sur l'approvisionnement en nourriture et en eau.

Ce qui m'effraie ce sont les phénomènes au croisement entre la biologie et la physique, souvent les plus difficiles à comprendre. On assiste à un déclin de 30% de la population d'insectes dans le monde, sans que nous sachions en détail pourquoi. C'est une époque formidable pour être climatologue, mais d'un autre côté, il se passe chaque année quelque chose d'important et d'effrayant.

Vos dernières recherches ont montré que la fumée des incendies de forêt australiens de 2019-20 s'est combinée aux restes de CFC encore dans l'atmosphère pour dégrader la couche d'ozone. Le changement climatique pourrait-il affecter sa reconstitution ?
On a tendance à penser que si l'on arrête de polluer, la pollution disparaît. Mais les chlorofluorocarbones ont une durée de vie de 50 à 150 ans et il faut attendre que l'ozone se reconstitue. Les incendies, potentiellement plus fréquents et plus intenses avec le changement climatique, peuvent ralentir ce processus. Je ne m'attendais pas aux conséquences des incendies en Australie, c'est un autre choc.

le Mardi 21 Mars 2023 à 05:25 | Lu 454 fois