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Cyndi Patu, une vocation : aider


Tahiti, le 4 janvier 2023 - Actuellement responsable ressources humaines à la plateforme Covid, Cyndi Patu anime en plus, sur son temps libre, l’association Ohana Here. L’association a été créée en 2020 juste avant la crise, par une poignée de mères au foyer. Celles-ci aspiraient à plus de reconnaissance au sein de leur couple. Très vite, Ohana Here a étendu ses actions pour soutenir les familles polynésiennes dans le besoin.  
 
Elle a un emploi en contrat CAE, une famille de trois enfants, une association baptisée Ohana Here. Cyndi Patu, 26 ans, a une volonté à toute épreuve, ou presque. “Parfois, je me dis que si ça continue comme ça je vais arrêter”, avoue-t-elle. Mais elle fait une pause, repense à la dernière distribution de cadeaux qui a eu lieu en décembre, aux visages éclairés des familles de son ancien quartier lors des journées récréatives. Et en un souffle, elle retrouve suffisamment d’énergie pour repartir. Pour Cyndi Patu, voir les autres heureux est un cadeau. Elle a besoin “d’aider à côté”.

Premier emploi en 2021

Cyndi Patu a 28 ans. Elle est née à Tahiti. Elle est allée au lycée du Taaone jusqu’en terminale mais n’a pas passé le baccalauréat. “Je suis tombée enceinte”, explique-t-elle. Elle a eu trois enfants dont elle s’est occupée jusqu’à ce que son dernier fils entre à l’école. “Ensuite j’ai cherché du travail parce que le salaire du papa ne suffisait pas à couvrir les frais.” Elle a déposé son CV partout où elle pouvait. Le type d’emploi ou de contrat importait peu, “j’avais juste besoin de trouver quelque chose”. Elle a finalement obtenu un entretien pour entrer à la plateforme Covid. “J’étais vraiment stressée, mais ça c’est bien passé.” Elle a été prise en contrat d’accès à l’emploi (CAE) en mai 2021 pour deux années.
 
La plateforme compte une vingtaine de personnes, elle gère l’organisation des vaccinodromes ouverts le week-end, suit l’épidémie de covid-19, veille à l’application des gestes barrières. Cyndi Patu y a démarré comme agent de renfort au secrétariat. Depuis, elle a évolué, elle est responsable des ressources humaines. “Ce qui me plaît, ce sont les échanges avec le personnel, j’apprends tous les jours de chacun et du métier.” Elle s’occupe des plannings du personnel médical et des CAE, des congés, de la rémunération, de la logistique du matériel en fonction des besoins. Lorsqu’elle a intégré la plateforme, elle avait déjà fondé Ohana Here, son association qui aide, guide et oriente toute famille en détresse.

"Une belle réussite"

Ohana Here a été créée en 2020, avant la crise sanitaire. “Au tout début, on était vraiment deux à lancer le projet”, se rappelle Cyndi Patu. Plusieurs mamans du quartier Teparepare de Punaauia où vivait Cyndi Patu sont venues rapidement les rejoindre. Au sein de leur foyer, elles se sentaient dévalorisées. “Les maris qui, eux, gagnaient de l’argent, n’avaient pas de considération pour elles, ou trop peu, on s’est dit pourquoi ne pas fonder une association pour montrer que nous aussi on pouvait faire quelque chose ?” Certaines femmes violentées avaient besoin de sortir de chez elles. “Alors nous avons fondé Ohana Here.”
 
Avant de formaliser et d’officialiser la structure, le petit groupe de femmes a organisé un événement dans le quartier. Le jour de la Saint-Valentin 2020, il a proposé un repas partagé non pas pour fêter l‘amour au sein des couples mais pour célébrer l’amour au sein des familles. “On était une trentaine de personnes, tout le monde a apporté un petit quelque chose à manger.” En amont, Cyndi Patu avait récupéré des projecteurs, des chapiteaux pour projeter un dessin-animé et mettre les convives à l’abri. “Cela a été une belle réussite !” Un bureau a été constitué dans la foulée, Maryse Tematahotoa a pris la présidence, Cyndi Patu, le poste de secrétaire, l’association a vu le jour le 4 mars 2020.

"J'étais née là-bas"

“Qu’est-ce qu’a fait Ohana Here depuis ?”, reprend Cyndi Patu, “tellement de choses !”, répond-elle. Les réussites se sont enchaînées. Les familles ont célébré les grands rendez-vous de l’année : fête des mères, fête des pères, Halloween, Noël. En 2021 et en 2022, l’association a même pu remplir un traineau de Noël. En 2021, 164 enfants issus de familles défavorisées ont été gâtés, en 2022, ils étaient 224. “Lorsque l’on a établi la liste des bénéficiaires cette année, on s’était fixé un maximum de 200, mais je n’arrive pas à dire stop”, rapporte Cyndi Patu. Un appel au don a été lancé du 21 novembre au 9 décembre dernier par la fondation Anavai. L'intégralité des dons collectés a permis d’acheter des présents pour les enfants âgés entre 1 et 17 ans, habitants les communes de Papenoo, Mahina, Pirae, Papeete, Faaa, Punaauia, Papara, Huahine et Tahaa. Si les premières intentions de Ohana Here étaient de venir en aide aux familles du quartier, elles ont évolué. “On a ouvert la porte à tous. On ne se focalise plus seulement sur Punaauia qui a déjà de nombreuses associations actives.”
 
Pendant le confinement, Ohana Here en lien avec la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité, a pu distribuer des bons alimentaires. Des journées récréatives ont été organisées dans le quartier, autour de l’île de Tahiti, mais aussi –et cela reste gravé dans les mémoires–, à Moorea sur un motu. En effet, la sortie a suivi l’expulsion du quartier en 2022. “Il y avait une vingtaine de familles, on était franchement endeuillé, après l’expulsion, on était détruit”, livre Cyndi Patu qui a elle-même vécu cette expulsion. “Cela été très dur, j’étais née là-bas.”
 
Au-delà de la sortie à Moorea, Ohana Here a travaillé avec les mairies, l’Office polynésien de l’habitat (OPH), l’Agence immobilière sociale de Polynésie française (AISPF) pour reloger tout le monde. “Une seule personne n’a pas trouvé, car elle ne souhaitait pas payer un loyer”, précise Cyndi Patu qui, avec son mari et ses enfants, apprécie finalement d’avoir changé de logement. “Mon aînée m’en a voulu au début car les enfants ne sont plus dans la même école, mais c’est du passé. On a plus de confort, on a le courant et de l’eau chaude !” À Teparepare c’est un groupe électrogène qui fournissait l’énergie. “La maison était simple, on vivait bien, on ne se plaignait pas, mais c’est mieux à présent.”
 
Cyndi Patu rêve pour demain d’un emploi fixe. Car ses enfants grandissent, et avec eux leurs besoins. Concernant Ohana Here, elle sait que si elle s’arrête, son association finira par entrer en sommeil. “Nous sommes très peu de membres actifs. Si je m’arrête, elle s’arrête”. Alors, après la grande distribution de cadeaux de décembre qui a tout de même duré deux jours, elle a fait une pause. Une courte pause, avant de repartir pour de nouveaux projets. Pour aller de l’avant, elle s’appuie sur les réalisations d’hier. “Ce sont vraiment de très belles expériences.”
 

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 4 Janvier 2023 à 17:57 | Lu 1084 fois