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Crash d’Air Moorea : l’association 987 dénonce un climat d’impunité


Crash d’Air Moorea : l’association 987 dénonce un climat d’impunité
Cinq ans après l’accident du Twin Otter de la compagnie Air Moorea, qui avait fait 20 victimes le 9 août 2007, l’association 987 de défense des familles des victimes de la catastrophe organisait une cérémonie commémorative, jeudi.
Plusieurs banderoles ont été tirées sur le rond point de l’avenue Povanaa’a Oopa dénonçant : « Crash Air Moorea : 5 ans, 20 morts, 0 condamnation ».

>>Lire aussi : Crash d’Air Moorea : cinq ans après, le mystère demeure

L’investigation menée à la suite de cette catastrophe par le Bureau enquête accident (BEA) a mis en évidence des « dysfonctionnements majeurs » dans les procédures de la compagnie aérienne Air Moorea, et notamment l’absence de traçabilité des pièces détachées, des systèmes de contrôle erronés, et le non respect des prescriptions du constructeur dans le cadre des opérations de maintenance.

Plusieurs actions en justice ont été engagées par l’association 987 : administrative, au pénal, au civil.

Nikolaz Fourreau, le président de l’association, pointe du doigt une lenteur judiciaire qui laisse le sentiment d'un climat d'impunité :

Tahiti infos : L’association 987 a engagé diverses procédures en justice pour clarifier les causes et définir les responsabilités liées à l’accident du 9 août 2007. Où en sont ces démarches aujourd’hui ?

Nikolaz Fourreau : Toutes les familles et l’association ont porté plainte à la suite du décès de 20 personnes dans cet accident d’avion. L’instruction pénale a été menée par le juge Redonnet depuis le début. Si les deux ou trois premières années ont été extrêmement constructives, si le dossier c’est alors bien étoffé, il n’en demeure pas moins que depuis deux ans l’instruction s’est endormie, par la volonté des mis en examen et de leurs actes de procédure et par le fait de lenteurs administratives qui ont parfois été ressenties comme quelque chose de scandaleux. Aujourd’hui, on ne peut pas espérer la tenue d’un procès avant 2013 ou 2014, alors que les dossiers étaient quasiment constitués dès la fin 2010.

Tahiti infos : Vous avez installé plusieurs banderoles, sur le rond point du front de mer. Vous y dénoncez un certain climat d’impunité. Est-ce la perception que vous avez du traitement de cette affaire ?

Nikolaz Fourreau : Depuis cinq ans, il y a des personnes impliqués qui ont pris leur retraite. D’autres ont eu des promotions au sein de la SA Air Tahiti. Tous ces gens continuent à exercer dans l’aviation civile, polynésienne ou européenne, en toute impunité. Le rapport du BEA (Bureau enquête accident, ndlr) a mis en évidence des dysfonctionnements graves au niveau des procédures de contrôle, de la maintenance, des fautes liées à l’exercice de la profession… Et pour autant, ces personnes continuent à exercer.
Le procès devra servir à indiquer les personnes qui sont responsables et qui doivent répondre de leur faute.


Tahiti infos : Au-delà de la mise en évidence de ces responsabilités, pensez-vous que cela pourrait mettre en relief des problèmes liés aux procédures de maintenance dans l’aviation en Polynésie ?

Nikolaz Fourreau : Notre association a également pour but d’éviter qu’un tel accident se reproduise. L’accident d’avion qui s’est produit aux Marquises il y a une vingtaine d’années avait déjà permis au BEA de révéler diverses irrégularités dans la maintenance et le contrôle des appareils. En 2007, le bureau d’enquête a mis en évidence les mêmes problèmes. Dernièrement, l’avion du Haut Commissaire a perdu une pièce au décollage. Qu’attend-t-on pour agir ? Nous sommes dans un Pays caractérisé par l’insularité : on ne peut pas se défaire de l’avion ; mais il doit s’agir d’un mode de transport extrêmement sûr et surveillé par des organes de contrôle stricts : c’est le rôle de l’aviation civile. Les compagnies également doivent intégrer la sécurité comme une priorité de premier ordre.

Tahiti infos : Aujourd’hui vous commémorez les victimes de l’accident du 9 août 2007. Quelles actions envisagez-vous par la suite ?

Nikolaz Fourreau : Des procédures civiles sont en cours, notre action au pénal est complètement ensevelie dans une lenteur scandaleuse. Le rôle de l’association est d’activer ces procédures.

Tahiti infos : Avez-vous le sentiment qu’il y a la volonté d’étouffer cette affaire ?

Nikolaz Fourreau : Il me semble que certaines personnes n’ont plus comme priorité de trouver les responsables. Il y a eu des émotions générées par cet accident en 2007, dans la population ; mais aujourd’hui, le choc passé, on a le sentiment d’un désengagement. (…) Il faut que le procès pénal se tienne pour que les coupables soient reconnus et que les familles puissent avancer sans avoir le sentiment que cet accident n’est rien aux yeux de la Justice et de la société en général.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 9 Août 2012 à 16:15 | Lu 1666 fois