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Crash Air Moorea : Les familles des victimes en appel au civil


PAPEETE, le 18 mai 2018 - Un peu plus de trois ans après la décision du tribunal civil, les avocats des familles des victimes du crash d’Air Moorea ont demandé, jeudi, devant la cour d'appel de Papeete, la reconnaissance des préjudices d'affection et psychique. Le jugement sera rendu le 23 août de cette année. Le procès pénal débutera, quant à lui, le 8 octobre prochain.

En avril 2015, le tribunal civil avait condamné la compagnie Axa, assureur d’Air Moorea, à indemniser de 100.000 Fcfp à 6 millions, par ayant-droit en fonction du lien de parenté avec la victime. L’indemnité accordée était notamment de 2,5 millions Fcfp par enfant et de 6 millions Fcfp pour le conjoint d'une victime, soit un total de 191, 7 millions de francs pour 17 familles. Les avocats demandaient un peu plus de 2,4 milliards de francs en dédommagement des préjudices causés par cet accident aérien qui avait coûté la vie à 20 personnes, en août 2007.

Dommages psychologiques ; préjudice permanent et exceptionnel ; préjudice d’angoisse ; préjudice d’attente et d’inquiétude ; préjudice de perte d’aide et d’accompagnement : en dépit d’une longue liste de préjudices défendus à la barre par les avocats des victimes du crash d’Air Moorea, le tribunal n’avait alors retenu que l’indemnité au titre du préjudice d’affection au titre de la perte d’un être cher.


Des chiffres et des barèmes

Peu satisfaites de cette décision en première instance, les familles des victimes avaient décidé de faire appel. "Les familles avaient vécu très violemment le jugement en première instance. Elles l'ont vécu comme une marque de mépris", assure Me Claude Lienhard, avocat de la défense.

Ainsi, jeudi dernier, les parties se sont retrouvées devant la cour d’appel pour faire valoir leurs droits.

La compagnie d’assurance se défend en assurant n'avoir jamais émis de difficultés à indemniser les familles. En s’appuyant sur les barèmes et différents tableaux d’indemnisations de précédents accidents aériens, ils entendent prouver que l'indemnisation des familles des victimes de l'accident d'Air Moorea et bien au-dessus de la moyenne.

Rappeler la douleur des familles

De leur côté, les avocats des familles des victimes se sont évertués à montrer la souffrance des familles des victimes. i["Il y a un certain nombre de chefs de préjudices qui n'ont pas été ou justement appréciés ou reconnus. Nous estimons que le préjudice d'affection, c’est-à-dire la perte d'un être cher a été très mal apprécié. On a refusé de reconnaître le dommage psychique, on a refusé de reconnaître le préjudice d'angoisse des personnes qui étaient dans l'avion avant et on a refusé également de reconnaître le préjudice d'attente des personnes qui attendaient des informations et le préjudice de commémoration. Aujourd'hui [NDLR jeudi], nous demandons à la cour ce que nous n'avons pas obtenu en première instance.]i "

À l'issu des débats, Nicolaz Fourreau, le président de l’association 987, s'est dit "révulsé", "nos avocats ont pu exprimer, quand même, toute la dimension humaine, ce que les autres semblent avoir oublié; y compris ceux qui défendaient les structures officielles. C'est quand même la clef du dossier. Ce qui est révulsant c'est que certains ont sacrifié les victimes pour préserver leur égo. Il y a eu des choses calomnieuses qui ont été dites pendant cette audience. Ça n'a fait pas lieu d'être et ça nous renforce dans l'idée d'avoir fait appel à des avocats et juristes spécialistes dans le domaine aérien."

Le jugement sera rendu le 23 août prochain, une deuxième étape avant l'audience pénale prévue le 8 octobre 2018. Les familles attendent ce procès devant le tribunal correctionnel depuis bientôt onze ans.


Le Drame

Le renvoi en correctionnelle des personnes inquiétées en termes de responsabilité est une étape cruciale. Ce procès au pénal débutera enfin le 8 octobre 2018 et s'étalera sur trois semaines. Deux versions du déroulement de l'accident s'opposeront à la barre, devant 140 parties civiles.
En octobre 2015, José Thorel, qui était encore procureur de la République, avait requis le renvoi de 9 individus devant le tribunal correctionnel pour des faits d'homicide involontaire. Il s'agissait alors de sept responsables d’Air Moorea, du service d’Etat de l’Aviation civile en Polynésie, et du Groupement pour la sécurité de l’aviation civile : Freddy Chanseau, Jacques Gobin, Guy Yeung, Jean-Pierre Tinomano, Stéphane Loisel, Didier Quemeneur et Andriamanonjisoa Ratzimbasafy. Le renvoi devant le tribunal correctionnel, en tant que personnes morales, de la société Air Moorea et du Groupement pour la sécurité de l’aviation civile avait aussi été requis. En mars 2017, le juge d'instruction Thierry Fragnoli a officiellement signé la clôture de l'instruction. Dans l'ordonnance rendue par le juge, figuraient des observations allant dans le sens d'un non-lieu partiel pour trois des mis en cause, et six demandes de renvoi devant le tribunal correctionnel pour les autres. Certaines parties civiles avaient fait appel de ces conclusions de non-lieu partiel. Fin juillet, la chambre de l'instruction leur avait donné raison.
Pour mémoire, le vol 1121 d'Air Moorea, un DHC 6-300 Twin Otter, s'est écrasé en mer le 9 août 2007 aux alentours de midi. Les 19 passagers et le pilote sont morts suite à l'accident qui s'est produit quelques minutes après le décollage de l'appareil de l'aérodrome de Tema'e à Moorea. Le jour du drame, l'avion avait déjà effectué trois allers-retours. Il avait subi un contrôle technique deux semaines avant de s'abîmer dans le Pacifique.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Vendredi 18 Mai 2018 à 11:34 | Lu 1865 fois