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Cour d'assises : 25 ans de prison pour le père meurtrier et incestueux


Cour d'assises : 25 ans de prison pour le père meurtrier et incestueux
PAPEETE, mercredi 13 mars 2013. L’affaire de l’assassinat de Gianna Spies, 45 ans tuée à Papara en 2011 par son propre père a révélé de terribles secrets de famille. Depuis trois ans, le père entretenait une relation incestueuse avec sa fille sur fond d’argent et d’alcool. Après deux jours d’audience dans la salle de la cour d’assises de Papeete, après avoir entendu les détails de l’enquête par le menu avec les diverses reconstitutions des faits, les explications des experts en médecine légale, en psychologie, en balistique, les témoins et les proches, celui que l’on aura le moins entendu, c’est l’accusé.

Jeannot Tuhiri, un homme frêle de 69 ans, de petite taille, les cheveux poivre et sel n’a jamais pu expliquer son geste meurtrier envers sa fille. Pas plus durant l’instruction de l’affaire qu’au tribunal devant les jurés, plus de deux ans après les faits. Même si en fin d’audience il demande pardon sans grande émotion, il ne donne aucune explication. Pour la partie civile défendant Ido Tehei, l’amant de Gianna, gravement blessé à la tête par le premier tir de Jeannot Tuhiri, ce dernier serait un tortionnaire. On a appris au premier jour de l’audience que Jeannot Tuhiri entretenait des relations sexuelles tarifées avec sa fille depuis trois ans, le plus souvent alors qu’elle était en état d’ébriété. «Il la tenait avec l’argent quand elle était alcoolisée. Il profitait donc de son état de faiblesse pour abuser d’elle» explique Me Viviane Genot, l’avocate de la partie civile. Gianna, battue et trompée par son mari depuis des années, était une femme malheureuse surveillée de près par un père incestueux et jaloux. Ce 25 janvier 2011 alors qu’elle a eu des relations sexuelles (par voie vaginale et anale) avec son père au petit matin, Gianna va prendre un café chez une voisine de la même servitude de Papara pour se confier. Elle ne va pas bien, sait que son père la pourchasse. D’ailleurs le voici qui arrive et la somme de venir avec lui chez Ido son amant qui habite tout près, afin que tous les trois s’expliquent sur la situation qui plonge toute la famille dans la honte. Il est 8h48. Elle n’a plus que sept minutes à vivre.

Si elle suit docilement son père au début de la servitude, sur les derniers mètres Gianna se raidit, s’accroche à deux mains au portail d’une voisine. Il faut que Jeannot l’arrache à sa prise, la tire par les cheveux pour arriver jusque chez Ido. Pour l’avocat général, il n’y a pas de doute : Gianna a vu l’arme, le pistolet Smith et Wesson calibre 38 que son père porte à la ceinture de son short «elle a vu la mort arriver» précise-t-il. Me Benoît Malgras a une autre explication. Jeannot Tuhiri a pris le pistolet parce qu’il se sentait menacé par l’amant de sa fille. Ido Tehei avait établi un listing complet des incidents qui depuis plusieurs mois agitaient la paisible servitude de Papara en raison de sa liaison avec Gianna. Plusieurs fois, divers membres de la famille Tuhiri étaient venus l’intimider. Il était prêt à déposer plainte.

Quand le père et la fille arrivent au portail d’Ido Tehei, il ne reste plus que 50 secondes avant que les coups de feu soient tirés. Quelques mots semblent avoir été échangés en tahitien, mais la conversation ne s’éternise pas. «Jeannot Tuhiri était dans le brouillard, dans un état second, Ido Tehei brandit sa plainte, Jeannot tire, il a été provoqué par Ido» détaille Me Malgras, mettant le passage à l’acte sur le coup d’une forte colère. La première balle touche Ido Tehei au crâne. Il s’écroule, inconscient. Dans un geste instinctif de protection, Ido a détourné légèrement la tête. La balle le prend de côté au lieu de face, cela lui sauve la vie. A côté Gianna hurle « instinctivement, Jeannot tire vers les cris» poursuit Me Malgras. Si la première balle part en l’air, la seconde touche mortellement sa fille.

Pour la partie civile et l’avocat général, il s’agit d’une exécution. Une expertise a effectivement avancé l’hypothèse que Gianna était accroupie, les mains sur la tête quand elle est atteinte par une balle mortelle au cou. Le canon du P38 est alors au maximum à 40 cm de nuque. Comme toujours deux thèses s’affrontent : la défense évoque «un enchaînement malheureux qui conduit à ce drame», la partie civile et l’avocat général voient les faits comme «une exécution». La preuve est qu’après les tirs, Jeannot n’appelle même pas les secours. La défense réclame une peine mesurée de 15 ans de prison au maximum pour cet homme de 69 ans, l’avocat général requiert la réclusion criminelle à perpétuité. Après en avoir délibéré pendant deux heures, les jurés ont condamné Jeannot Tuhiri à 25 ans de réclusion criminelle. Ils ont estimé qu'il y avait eu préméditation et qu'il était coupable d'assassinat. Il y aura dans quelques mois un autre procès sur cette affaire devant un tribunal civil cette fois. Il conviendra en effet de déterminer quelles séquelles physiques ont engendré la blessure au crâne subie par Ido Tehei et d'envisager quels devront être les dommages et intérêts. L'affaire Gianna n'est pas encore totalement close.



Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 13 Mars 2013 à 18:00 | Lu 3227 fois