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Contrat d'armement avec Taïwan : Paris réplique aux avertissements de Pékin


Paris, France | AFP | mercredi 13/05/2020 - La France a balayé mercredi les critiques de la Chine concernant un contrat d'armement avec Taïwan et a invité Pékin à se concentrer sur le Covid-19 plutôt que sur une polémique ancienne.

"Face à la crise du Covid-19, toute notre attention et tous nos efforts doivent être focalisés sur la lutte contre la pandémie", a déclaré le ministère français des Affaires étrangères, au lendemain d'une mise en garde de Pékin à Paris.

La Chine a exhorté mardi la France à "annuler" un contrat d'armement avec Taïwan, soulignant qu'une telle transaction vers cette île revendiquée par Pékin et dirigée par un gouvernement rival pourrait "nuire aux relations sino-françaises".

Le contrat porte sur des équipements pour des frégates vendues en 1991 par la France à la marine taïwanaise, une affaire qui avait provoqué une grave crise diplomatique entre Paris et Pékin.

Le ton monte de nouveau entre les deux pays, un mois après la convocation de l'ambassadeur de Chine à Paris pour des propos liés au coronavirus, malgré une volonté apparente de désescalade après chaque incident et même si la France a besoin de la Chine pour ses approvisionnements en masques.

Pékin a engagé une vigoureuse campagne diplomatique pour vanter la supériorité de son modèle sur celui des Occidentaux dans la lutte contre la pandémie de coronavirus.

Les Etats-Unis et plusieurs de leurs alliés accusent pour leur part la Chine de ne pas avoir réagi efficacement dans les premières semaines de l'épidémie et d'avoir minimisé ses effets.

 "Une seule Chine"

Le président français Emmanuel Macron a aussi pointé des zones d'ombre dans la gestion de l'épidémie en Chine. Pékin, qui a revu à la hausse le nombre de ses victimes, dément toute dissimulation dans son bilan.

La polémique vient maintenant se focaliser sur Taïwan, sujet ultra-sensible pour Pékin qui considère l'île de 23 millions d'habitants comme l'une de ses provinces et fustige toute relation officielle entre des pays étrangers et Taipei.

"Dans le cadre de la déclaration franco-chinoise de 1994, la France met en œuvre la politique d’une seule Chine et continue d’appeler au dialogue entre les deux rives du détroit", assure-t-on pourtant au Quai d'Orsay.

Pendant de nombreuses années, Taïwan a été considéré comme le représentant officiel de la Chine, jusqu'à ce que les Nations unies basculent vers Pékin en 1971. D'autres pays et organismes internationaux lui ont emboîté le pas.

L'île n'est plus reconnue que par 15 Etats dans le monde, pour la plupart des nations pauvres d'Amérique latine et du Pacifique. Le Vatican reste le dernier en Europe.

"Il n'y a pas de doute que le sujet de Taïwan est redevenu sensible pour la Chine depuis le début de l'année", avec la réélection de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, relève François Godement, conseiller pour l'Asie à l'Institut Montaigne à Paris.

Pékin s'agace aussi de la campagne menée par une douzaine de pays, dont les Etats-Unis, pour accorder le statut d'obervateur à Taïwan à la prochaine assemblée de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) les 18 et 19 mai.

"Engagements contractuels"

Antoine Bondaz, spécialiste de la Chine à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris, pointe dans un tweet "la difficulté pour Pékin de trouver le juste équilibre entre réaction et surréaction" dans l'affaire du contrat français. 

"La France respecte strictement les engagements contractuels qu'elle a formés avec Taiwan et n’a en rien changé sa position depuis 1994", souligne de son côté le ministère français des Affaires étrangères.  

En 1991, Paris avait signé la vente de six frégates Lafayette à Taïwan pour un montant de 2,8 milliards de dollars, provoquant une glaciation des relations diplomatiques franco-chinoises.

Cette transaction est à l'origine de soupçons de rétro-commissions allouées à des intermédiaires et des personnalités politiques françaises, mais l'enquête française a buté à plusieurs reprises sur le secret défense et s'est terminée sur un non-lieu. Plusieurs personnes ont été condamnées pour corruption à Taïwan et des morts suspectes ont émaillé ce qui est devenu "l'affaire des frégates".

La marine taïwanaise a indiqué le 7 avril 2020 dans un court communiqué qu'elle comptait moderniser ces frégates.

Une source proche du dossier a confirmé à l'AFP qu'un contrat a bien été passé par le ministère taïwanais de la Défense pour la modernisation du système de lanceur de leurres Dagaie qui équipe les six frégates.

D'après des médias taïwanais, le coût de la transaction serait de plus de 800 millions de dollars taïwanais (24,6 millions d'euros).

le Mercredi 13 Mai 2020 à 12:14 | Lu 389 fois