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Congrès du Tavini : Deux générations, deux visions, un seul objectif


Tahiti, le 5 avril 2025 – Le congrès du Tavini qui s'est tenu ce samedi à Vaitupa devant plus de 500 militants a surtout été l'occasion de revenir aux fondamentaux du parti en remettant au premier plan le combat souverainiste du parti indépendantiste. Mais il a aussi été question des municipales avec la confirmation du soutien du Tavini à Tematai Le Gayic sur Papeete. Plus surprenant, le shérif Emile Vernaudon fait son grand retour en briguant à nouveau la mairie de Mahina. Une candidature qui gêne un peu aux entournures au regard de la probité des élus prônée par le Tavini.
 
Si les chaises n'étaient pas toutes remplies et ont commencé à se vider vers midi, le congrès du Tavini a quand même rassemblé, au plus fort de la matinée, plus de 500 personnes ce samedi à Vaitupa. “On aurait aimé avoir encore plus de monde”, a concédé Moetai Brotherson, “mais nos élus, nos adhérents, nos sympathisants, les archipels ont participé à distance en suivant sur Facebook”. Un congrès qui a débuté par la prise de parole d'Oscar Temaru en reo tahiti. Avant de refaire l'historique de son combat pour l'indépendance, il a annoncé d'emblée que le Tavini soutenait la candidature de Tematai Le Gayic à Papeete, avec le soutien sur sa liste de Minarii Galenon qui a d'ailleurs semblé assez surprise par cette annonce. Ses espoirs de se présenter à Moorea ont ainsi été douchés d'autant que comme nous l'a précisé le président du Pays, il a “interdit” à tous ses ministres d'être “candidats à quelque mairie que ce soit”, à commencer par lui-même qui n'est “candidat à rien”.
 
“Pour moi, le prochain maire de Papeete s'appelle Tematai Le Gayic", s'est-il réjoui puisqu'il soutenait cette candidature face notamment à Heinui Le Caill qui l'a joué fairplay.
 

Entre renouveau et recyclage

Mais la surprise est venue du côté de Mahina avec le grand retour de son shérif, Émile Vernaudon, qui entend bien reconquérir sa commune avec le soutien du Tavini dont il a été le partenaire en 2004 au sein de la coalition UPLD (Union pour la démocratie) avec le Ia Mana te Nunaa'a de Jacquie Drollet et Heiura les Verts de Jacky Bryant. À 81 ans, bon pied bon œil, celui qui a été condamné pour détournements de fonds publics et qui a réussi l'exploit de se faire réélire tāvana depuis sa cellule de Nuutania, a été très applaudi quand il est monté à la tribune. Mais ses casseroles judiciaires ne collent pas vraiment avec l'étiquette de probité des élus prônée par le Tavini. “Ce n'est effectivement pas tout à fait aligné avec certaines valeurs du Tavini. C'est aussi quelqu'un qui n'a pas l'âge de ses artères, il est en super forme. Il a bientôt 82 ans donc je ne sais pas quel message on veut envoyer”, a réagi Moetai Brotherson qui se range derrière le “choix du comité du Tavini de Mahina qui a été validé par le comité directeur du Tavini dont je ne fais pas partie”. Un peu gêné aux entournures lui aussi, Anthony Géros a quant à lui précisé qu'il fallait qu'Émile Vernaudon “vienne avec le solde de tout comptes de son passé parce que sinon, il ne pourra pas se présenter”.
 
Moetai Brotherson prendra sa retraite politique en 2035
 
Entre Tematai Le Gayic, 24 ans, et Émile Vernaudon, 82 ans, c'est le grand écart qui symbolise finalement les deux courants, et les deux visions qui co-existent au sein du parti bleu et blanc. D'un côté avec Oscar Temaru et les vieux caciques du parti qui préfèrent s'appuyer sur l'expérience pour mener le combat sur le terrain politique, et de l'autre avec Moetai Brotherson qui défend davantage le renouvellement en faisant de la place aux jeunes. Il a d'ailleurs annoncé qu'il mettrait fin à sa carrière politique en 2034, ce qui lui laisse “451 semaines” pour “préparer cette relève”. Parce qu'“un parti politique, c'est comme un lagon. Si l'eau ne se renouvelle pas, il finit par mourir, donc il faut préparer la relève”. Pourtant, la limitation du nombre de mandats inscrite au programme du Tavini pour les territoriales a été mise de côté ce samedi par Antony Géros qui a proposé une résolution repoussant cette question aux calendes grecques, autrement dit une fois que la Polynésie sera indépendante.

Car ce congrès de samedi n'avait pas pour objectif principal de présenter les candidats pour ces élections municipales. Il s'agissait plutôt de réaffirmer la stratégie pour ces élections de l'année prochaine, basée sur le socle idéologique du parti. Un combat pour l'accession de la Polynésie française à sa souveraineté qui doit être porté jusque dans les communes. Une tactique que ne partage pas nécessairement Tematai Le Gayic mais qui ne pose pas de “difficulté” selon Tony Géros qui a été élu maire de Paea avec sa casquette indépendatiste, tout comme “Oscar Temaru qu'on n'arrive pas à détrôner”.
 
“L'indépendance est à l'Histoire ce que la souveraineté est au droit”
 
“Le Tavini est un parti de lutte avec un objectif clair : l'accession de la Polynésie à sa pleine souveraineté. Mais est-ce que l'indépendance est une fin en soi ? ça ne sert à rien si c'est pour retomber dans des formes d'interdépendance le lendemain”, a lancé Moetai Brotherson depuis la tribune, réaffirmant qu'il faut travailler sur le long terme car “l'indépendance économique est un leurre”. Antony Géros, de son côté, a joué sur la sémantique pour mettre tout le monde e d'accord en expliquant que “l'indépendance est à l'Histoire ce que la souveraineté est au droit”. Autrement dit, la première étape est d'appliquer le droit en permettant à la Polynésie d'accéder à sa souveraineté dans le cadre du processus onusien. L'indépendance, ce sera pour plus tard. Le numéro 2 du parti a encore une fois martelé que le président du Pays était dans son rôle en tenant un “discours de précaution” dont le parti doit “s'affranchir” pour poursuivre un combat politique qui, sinon, “n'aura servi à rien”. Pour Oscar Temaru, “c'est surtout l'esprit qui n'est pas prêt”.
 
Ce combat va en tout cas désormais pouvoir s'appuyer sur le fameux projet de constitution d'un État fédéral de Mā’ohi Nui qu'a présenté Richard Tuheiava et qui s'inspire de la Constitution américaine, de la Ve République et du régime micronésien (lire encadré). Une “base de travail” qui peut être “utile” selon Moetai Brotherson, surtout au niveau des archipels. Steve Chailloux de son côté s'est dit “frustré” d'avoir découvert ce document pendant le congrès et “avec d'autres élus”. Il aurait bien aimé être consulté au préalable.
 
Il reste encore visiblement des progrès à faire en termes de communication interne au parti entre les élus de la majorité à l'assemblée et le gouvernement. Mais ce congrès aura permis de resouder la base sur les principes fondamentaux du parti, quitte à perdre une partie de l'électorat qui avait voté bleu en 2023.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Dimanche 6 Avril 2025 à 12:56 | Lu 3154 fois