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Confrontations et mise en examen pour corruption pour Hubert Haddad dans l'affaire de la SEP


Mis en examen lundi soir, Hubert Haddad a été confronté ce mercredi à l'ancien directeur de la SEP Karl Meuel et à son ex-bras droit Michel Yonker, dans le bureau du juge Mayer.
Mis en examen lundi soir, Hubert Haddad a été confronté ce mercredi à l'ancien directeur de la SEP Karl Meuel et à son ex-bras droit Michel Yonker, dans le bureau du juge Mayer.
PAPEETE, le 22 juin 2016 - Six ans après le rapport accablant de la chambre territoriale des comptes sur la gestion, entre 1997 et 2007, de la société d'économie mixte Société Environnement Polynésien (SEP) par son directeur général Karl Meuel, principal dirigeant sur cette période et mis en examen pour détournement de fonds en 2011, la justice semble vouloir accélérer le règlement du dossier au pénal.


L'homme d'affaire Hubert Haddad, convoqué lundi dans le bureau du juge d'instruction Laurent Mayer, en est ressorti de longues heures plus tard, dans la soirée, avec une mise en examen pour "corruption active". Libre, il a été placé sous contrôle judiciaire strict. Il a interdiction de quitter le territoire de la Polynésie française. Son passeport lui a été confisqué. Il doit en outre s'acquitter d'une caution de 5 millions de francs.

Une confrontation entre l'ancien directeur général de la SEP Karl Meuel, Michel Yonker, ex-bras droit de l'homme d'affaire à l'époque, et Hubert Haddad, a par ailleurs eu lieu ce mercredi toute la journée. Les deux premiers avaient déjà été mis en examen dans ce dossier respectivement pour "détournement de fonds par personne chargé d'une mission de service public" et "complicité de corruption passive".

Paiement avant facturation

Dans le rapport de la chambre territoriale des comptes (CTC) à l'origine de l'ouverture de cette enquête au pénal, les magistrats de la juridiction financière s'étaient émus de "la relation privilégiée" dont avaient bénéficié "les sociétés du groupe 2H et celles proches de M. Hubert Haddad" avec la SEP. Spécialisé dans la communication et la publicité, le conglomérat 2H s'occupait des différentes campagnes d'information sur le tri sélectif de cette société d'économie mixte : spots télé, supports publicitaires, etc.

"Entre 2003 et 2008, les montants facturés à la SEP par le groupe 2H ont été multipliés par sept alors que dans le même temps les sommes dépensées au titre des campagnes d'information et de sensibilisation au tri sélectif n'ont été multiplié que par quatre", s'inquiétait ainsi la CTC qui s'étonnait par exemple de l'achat par la SEP, en 2007, de gadgets de communication pour un montant de 18, 2 millions de francs, des gadgets vendus avec un "coefficient multiplicateur (…) bien supérieur à ceux constatés sur des sites internet de confection d'objets publicitaires de même nature".
La justice soupçonne l'homme d'affaire d'avoir distribué une partie des bénéfices générés par cette association sans concurrence à l'ancien directeur général de la SEP, en échange de sa bienveillance vis-à-vis de ses sociétés et des marchés passés avec elles.

Le train de vie dispendieux du directeur

"La SEP a ainsi réglé, en 2006, une facture de 7,9 millions de francs pour la confection de plans de Tahiti comprenant des encarts publicitaires SEP et dont la surface peut difficilement correspondre au prix facturé" note la CTC, citant un exemple parmi tant d'autres. "Alors que la SEP connaît des difficultés croissantes de trésorerie, expliquant l’augmentation des dettes envers son prestataire principal, gérant notamment le CET et le CRT, les dépenses de communication réalisées auprès d’entités du groupe 2H et d’autres sociétés proches de M. Hubert Haddad font l’objet d’un paiement dès la commande, parfois avant même l’établissement de la facture correspondante et bien avant la réalisation de la prestation, ce qui équivaut à des avances de trésorerie faites à ces sociétés".

La justice qui soupçonne par ailleurs l'ancien DG Karl Meuel d'avoir usé de ces relations "privilégiées" pour organiser le remboursement d'une partie "des primes et indemnités illégitimes et avances illégales" qu'il s'était octroyé pendant des années, toujours selon la CTC, et qui lui ont valu sa mise en examen pour détournement de fonds : "Un examen plus approfondi fait apparaître un train de vie du directeur général qui tranche avec la situation financière de la société. Le directeur général a ainsi fréquenté des hôtels dispendieux à Paris, Lyon, Sydney ou Los Angeles, en ayant une forte propension à faire appel au room service et au service de blanchisserie de ces établissements, au point que parfois ces frais étaient supérieurs au prix de la chambre seule. D’autres dépenses au cours de ces déplacements ou à Tahiti semblent n’avoir pas de rapport avec le fonctionnement d’une société en charge du traitement des déchets (…) La comptabilité de la SEP comporte un compte 425.100, réservé depuis 2006 aux avances versées au profit de M. Karl Meuel. Celui-ci s’est octroyé une avance de 2 518 793 Fcfp en 2005 et une autre de 7 498 264 Fcfp en 2006. Ainsi, au 1er janvier 2007, le montant des avances accordées à M. Meuel s’élevait à 12 237 264 F CFP, soit une somme correspondant à près d'une année de rémunération brute".

La CTC qui remarquait enfin qu'après avoir connu une croissance exponentielle depuis 2002, pour atteindre plus de 9 millions de francs en 2006, ces frais de représentation et de déplacement avaient fini par décroître en 2007… à compter de l’annonce du contrôle de la chambre.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mercredi 22 Juin 2016 à 18:08 | Lu 2284 fois