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Conférence/ débat à l’Assemblée : fiscalité et budget vus par les universitaires


Jean-Marc Régnault.
Jean-Marc Régnault.
L’assemblée de Polynésie française, dans le cadre d’une convention signée avec l’UPF (Université de Polynésie française) organise désormais des sessions de conférences-débats. Une première matinée a eu lieu ce mardi 25 septembre, et abordait la fiscalité sous une approche historique par Jean-Marc Régnault ( docteur en histoire, maître de conférences à l’UPF). De son côté, Marc Debène, professeur de droit public à l’UPF exposait le pouvoir financier de l’assemblée de la Polynésie française. Dans l’assistance de la salle John French Teariki, plusieurs dizaines de personnes, dont des représentants de l’assemblée ont assisté aux exposés des universitaires.

Le premier sujet ou «la petite histoire de la fiscalité polynésienne et des égoïsmes persistants» tendait à démontrer, notamment en citant divers discours et déclarations des hommes politiques polynésiens ou de rapporteurs métropolitains, entre 1900 et nos jours, que l’impôt sur les revenus est une nécessité sociale. D’ailleurs, l’idée de la création d’un impôt sur le revenu, plus équitable car ne pesant pas sur la consommation, mais le niveau des revenus des contribuables, est abordée depuis longtemps. Dès 1949, Pouvanaa’a Oopa l’évoque. Il parle alors d’un «impôt sur les revenus progressif en remplaçant l’injuste prélèvement sur les produits de consommation». En 1977, Frantz Vanizette, président de l’assemblée de Polynésie propose une nouvelle fiscalité pour «faire participer chaque citoyen à l’effort collectif». Mais les années passent, les décennies aussi, et quelles que soient les rares volontés politiques de réfléchir un impôt sur le revenu ou même à une modification de la fiscalité locale, elles se heurtent immédiatement à un front de contestation très fort. Or, depuis la fin du CEP, la manne financière de la France est largement moins favorable au territoire, et une réforme fiscale complète aurait dû être engagée, ce qui n’a pas encore été fait. C’est du moins l’avis exprimé ce matin par Jean-Marc Régnault. Au point que l’historien universitaire a été interrogé sur les motivations réelles de son exposé. Emma Algan, représentante du groupe Ia Ora Te Fenua à l’assemblée a vivement réagi : «On peut s’interroger sur les objectifs de cette présentation. L’intervention est orientée manifestement. Elle est intéressante sur le plan chronologique des faits du passé, mais c’est choquant. Tout le monde sait que les fondamentaux de notre économie s’écroulent, mais depuis 2004, certaines voix s’expriment sur la réforme de la fiscalité, mais ce ne sont toujours que des souhaits».


Marc Debène.
Marc Debène.
La deuxième conférence, plus technique, sur le pouvoir financier de l’assemblée de la Polynésie française, par Marc Debène a été moins polémique. L’exposé, tendait néanmoins à démontrer la nécessité de mettre en place des outils d’évaluation des politiques publiques, comme cela existe au niveau de l’Etat depuis août 2001 avec la mise en place de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances). Marc Debène rappelait notamment qu’en Polynésie il n’existe pour l’heure ni loi de finances, ni loi de financement de la protection sociale, ni loi de programmation. Depuis 1900, la Polynésie française dispose en tant que colonie, d’une autonomie budgétaire et fiscale, confirmée et précisée par la loi d’autonomie de 2004 (et les suivantes en 2007 et 2011), mais si l’assemblée de Polynésie française vote la loi et contrôle l’action du gouvernement, il manque la 3e phase, celle de l’évaluation des politiques publiques. «Il faudrait une réforme de fond en matière budgétaro-comptable» concluait Marc Debène.

Jacqui Drollet, président de l’assemblée de Polynésie française en profitait pour dire à l’assistance ce qu’il a annoncé jeudi dernier lors de l’ouverture de la session budgétaire. A savoir, une convention de partenariat avec l’Assemblée nationale à Paris en vue de mettre en place justement les évaluations des politiques publiques. «Le pouvoir d’évaluer pourrait être confié par le biais du règlement intérieur de l’assemblée aux commissions législatives. J’espère que l’assemblée de la Polynésie française me suivra et votera cette modification du règlement intérieur que je vais proposer durant la session budgétaire». Sandra Lévy-Agami, représentante indépendante titillait cependant le mode opératoire des élus locaux : «La question fondamentale est : où veut-on aller et quels moyens on y met ? Cela peut bouleverser le fonctionnement des élus à l’assemblée qui ont traditionnellement le comportement de la meute où le chef décide et le groupe suit».

Rédigé par Mireille Loubet le Mardi 25 Septembre 2012 à 17:09 | Lu 1460 fois