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Comptes des partis politiques : Les Orange dans le rouge


Tahiti, le 19 février 2020 - La Commission Nationale des Comptes de Campagne et des financements politiques (CNCCFP) a publié le 15 février dernier au Journal Officiel son “avis annuel sur les comptes des partis et groupements politiques au titre de l'exercice 2018”. Elle a par la même occasion mis en ligne quelques données comptables des formations politiques, dont celles des trois principaux partis polynésiens. Des comptes qui sont passés au crible en décortiquant, au travers d'un examen minutieux, les recettes et dépenses et les situations financières bien distinctes du Tapura, du Tahoeraa et du Tavini.
 
C'est un exercice auquel la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des financements politiques (CNCCFP) s'adonne depuis l'adoption de la loi du 11 mars 1988. Comme chaque année, elle présente dans un avis ses analyses sur le financement des partis politiques mais aussi et surtout veille au respect de certaines obligations légales qui s'imposent dans le cadre de leur financement. En effet, les partis politiques doivent tenir une comptabilité arrêtée chaque année au 31 décembre et certifiée par au moins un commissaire aux comptes et ils doivent par ailleurs déposer leurs comptes auprès de la CNCCFP au plus tard le premier semestre de l’année qui suit. Une obligation de transparence qui peut rapporter gros en terme de financement public. Un exercice administratif et financier auquel les partis polynésiens se sont plus ou moins appliqués, non sans conséquence.
 
Tahoeraa, des finances qui plongent
 
Avec l’exode progressif d'élus orange vers le Tapura et des résultats décevants aux élections législatives de 2017 et aux territoriales 2018, le Tahoeraa ne peut plus beaucoup miser sur les aides publiques, les contribution des élus ou encore des cotisations d'adhérents. Ces deux dernières apparaissent d'ailleurs nulles dans le document de la CNCCFP. Alors que le parti de Gaston Flosse déclarait des recettes de près de 36 millions de Fcfp en 2015, elles n’étaient plus que de 14,6 millions de Fcfp en 2018. Des recettes qui proviennent principalement (46%) de dons de personnes physiques. Mais surtout, la diminution de ces recettes a été plus rapide que celles des dépenses. Le parti orange est ainsi progressivement passé dans le rouge. Alors qu'il dégageait un bénéfice de plus de 7 millions de Fcfp en 2015, le parti enchaine les déficits depuis lors (-2,3 millions de Fcfp en 2017 et -2,8 millions de Fcfp en 2016) avec un exercice 2018 qui se termine à -8,7 millions de Fcfp. Côté dépenses, le document de la CNCCFP relève que le parti orange dépense plus de la moitié de son budget (57%) en “propagande et communication” avec un montant de 13,2 millions de Fcfp dépensé au titre des “congrès, manifestation et université”.
 
Le parti orange désormais privé de financement public
 
Mais c'est surtout une autre information présentée dans le document qui ne va pas améliorer la santé financière du parti de Gaston Flosse. Dans le cadre de la vérification des obligations légales en matière de dépôt des comptes, la CCNFP a été amené à sanctionner le Tahoeraa. En effet, avec un dépôt des comptes conformes aux règles en vigueur, il est possible pour un parti de bénéficier d'un financement public réparti en deux tranches ou fractions : l’une destinée au financement des partis en fonction de leurs résultats au premier tour des dernières législatives (avec quelques dispositions particulières pour les partis présentant des candidats exclusivement outre-mer) et l'autre destinée au financement des partis et groupements effectivement représentés au Parlement. Or, le rapport de la CCNFP indique que le parti orange n'a pas respecté la procédure et se voit privé du bénéfice de l'aide publique jusqu'au 31 décembre 2020. Motif invoqué : l'absence de dépôt des comptes avant la date requise, à savoir le 30 juin 2019. Un petit retard qui peut avoir de lourdes conséquences. Le montant de subventions publiques dont avait bénéficié le parti orange était de 4,3 millions de Fcfp pour les deux fractions en 2018, un montant qui représentait alors près d'un tiers des recettes (29%) du parti au fei en 2018.



​Tapura, le nouveau riche

Le parti d'Edouard Fritch, qui fête ses quatre années d'existence cette semaine, a réussi à capitaliser au niveau financier les succès électoraux de 2017 et 2018. Il dispose désormais d'une assise financière et de réserves importantes. A sa création en 2016, le Tapura avait récupéré les fonds de plusieurs formations qui avaient été dissoutes pour constituer la nouvelle formation et bénéficier ainsi de 18,9 millions de Fcfp de recettes. Un montant qui est passé à 25,2 millions de Fcfp en 2017 puis 64 millions de Fcfp en 2018. Un montant constitué en grande partie à partir des financements publics (38%). Cette hausse importante permet au parti rouge et blanc de bénéficier, d'ores et déjà au bout de trois exercices comptables, d'un montant de 51,8 millions de Fcfp de disponibilités inscrites au bilan, à savoir les liquidités ou le “cash” du parti. Un trésor de guerre vite constitué qui permet d'affronter sereinement, au moins du point de vue financier, les échéances électorales à venir. Un tiers des dépenses (33%) du Tapura sont ainsi comptabilisé au chapitre “Propagande et communication”.
 
Des cotisations d'adhérents en forte baisse
 
Si les comptes apparaissent dans le vert, l'examen de certaines lignes comptables prête cependant à interrogation. C'est le cas notamment de la ligne “contributions des adhérents”. Une ligne comptable qui permet notamment d'apprécier la capacité du parti à mobiliser le soutien financier des sympathisants et militants. Créé en février 2016, le Tapura avait ainsi déclaré avoir perçu lors de cette année de lancement près de 515 000 Fcfp de la part de ses adhérents. Un montant porté à 626 500 Fcfp en 2017, l'année précédant les dernières élections territoriales. Le Tapura ne semble pas avoir capitalisé sur sa victoire, ou avoir laissé ses militants tranquilles, puisque le parti a déclaré avoir récolté en 2018 un montant de 127 500 Fcfp auprès de ses adhérents. Un chiffre divisé par cinq qui ne se traduit pas forcément par une baisse des adhésions dans les mêmes proportions. En effet, pour adhérer au Tapura, les sympathisants ont le choix entre une cotisation de 100 Fcfp, 1 000 Fcfp ou 5 000 Fcfp. Pas de quoi mettre en péril les finances du parti au pouvoir…
 

​Le Tavini revoit un coin de ciel bleu

Comptes des partis politiques : Les Orange dans le rouge
Pointé du doigt lors du précédent rapport de la CNCCFP, le Tavini est de nouveau dans les clous. Le rapport sur les comptes 2017 évoquait les nombreuses réserves des commissaires aux comptes avec une “incertitude significative liée à des événements ou à des circonstances susceptibles de remettre en cause la continuité d’exploitation”. En cause, l'existence d'un reliquat de 13,4 millions de Fcfp que le parti devait rembourser à son chef, Oscar Temaru, car dépassant le montant maximum possible pour les contributions d’élus. D'autres observations avaient également été effectuées sur la gestion de la caisse du parti indépendantiste. Le dernier document de la CCNFP pour l'exercice 2018 fait désormais état de l'absence de réserves de la part du commissaire aux comptes et d'un dépôt des comptes du parti bleu conformes aux obligations légales le rendant éligibles en 2020 aux aides publiques.
 
L'inéligibilité d'Oscar Temaru, prononcé en octobre 2018 par le Conseil d'Etat suite au rejet des comptes de campagne, a surement dû peser dans la volonté des cadres du parti de suivre avec plus de diligences les règles en la matière. Un parti qui présente cependant au bilan des dettes de l'ordre de 27,5 millions de Fcfp avec des recettes qui s'élèvent en 2018 à 12,5 millions de Fcfp, soit à un niveau inférieur à celles du Tahoeraa. Contrairement au parti de Gaston Flosse, le Tavini a cependant présenté un exercice excédentaire en 2018 de près de 4,6 millions de Fcfp, ne présentant ainsi aucune dépense en matière de “propagande et de communication”. Les séances à l'ONU et le procès en appel sur l'affaire Radio Tefana fournissent à cet égard des opportunités pour le leader souverainiste d'assurer la communication de son message politique !

Rédigé par Sébastien Petit le Mercredi 19 Février 2020 à 20:33 | Lu 3683 fois