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Christophe Plée, président de la CPME : “Les chefs d’entreprise ont besoin d’être entendus”


Tahiti, le 18 août 2022 – L’assemblée générale ordinaire de la Confédération des petites et moyennes entreprises de Polynésie française a réuni jeudi matin une centaine de chefs d’entreprise. L’occasion a été saisie de débattre de plusieurs sujets de discorde, comme la mise en place d’un texte encadrant le télétravail toujours problématique pour les employeurs, selon le président de la CPME, ou encore la nécessité de réformes au sein de la CPS pour rendre davantage attractive l’activité salariée.
 
La Confédération des petites et moyennes entreprises de Polynésie française a tenu jeudi matin son assemblée générale ordinaire annuelle dans les salons de l’hôtel Te Moana à Punaauia. Une centaine de chefs d’entreprise, sur les 880 adhérents à la CPME, ont répondu présents à l’appel. Un chiffre en hausse par rapport aux années précédentes qui peut s’expliquer par le contexte économique et social particulièrement préoccupant. En effet, après la première partie consacrée aux votes statutaires de l’association et à la présentation de ses bilans, le temps dédié aux questions diverses était l’occasion de débattre avec les membres du bureau sur les questions d’actualité, les réformes et les textes en cours, ainsi que les orientations prises par le Pays en matière fiscale, sociale ou économique.
 
Christophe Plée, président de la CPME, a introduit cette seconde partie d’échanges avec deux annonces. Tout d’abord, le lancement des French Pacific Business Meetings, un événement dédié aux entreprises issues des territoires francophones d’Océanie. Organisé par la Représentation patronale du Pacifique Sud et la French Polynesia Regional Group, ce premier rendez-vous devrait se tenir début 2023 en Nouvelle-Zélande et réunir une centaine de chefs d’entreprise souhaitant rencontrer leurs homologues de la région pour échanger sur des thématiques communes.
 
Incitation à refuser le télétravail aux salariés
 
La seconde annonce concernait un sujet plus polémique : le texte sur le télétravail proposé par la Direction du travail, calqué sur le modèle métropolitain. Le président de la CPME a exhorté les chefs d’entreprise présents à ne pas l’appliquer s’il venait à être voté à l’assemblée de la Polynésie française. “C’est dommage car on pouvait proposer des choses intéressantes concernant le télétravail”, a-t-il réagi. “Mais on ne comprend pas ce texte. On a participé aux débats. On a fait des remarques. Et on va obtenir quelque chose qui sera complètement déséquilibré à mon avis.”
 
Principal reproche fait au texte : l’engagement de la responsabilité de l’employeur quant à la sécurité de son salarié sur son lieu de travail externalisé, en l’occurrence son domicile. Christophe Plée a soulevé la question du risque d’accident de travail dans un environnement inconnu de l’employeur, sur lequel ce dernier ne peut imposer d’aménagements de mise aux normes de sécurité. “En métropole, on demande des attestations d’habilitation électrique, etc. La Nouvelle-Calédonie a signé ce texte qui engage la responsabilité de l’entrepreneur. Mais ici, on a la possibilité de faire nos propres règles. On peut décharger la responsabilité du chef d’entreprise, mais le Pays ne veut pas. C’est pourtant à cela que sert le statut d’autonomie ! On a fait des propositions en ce sens mais on a reçu une fin de non-recevoir.” Le président de la CPME a conclu son intervention en invitant les chefs d’entreprise présents à refuser le télétravail à leurs salariés, si le texte venait à passer en l’état, pour leur éviter tout risque juridique.
 
Points de désaccord concernant la CPS
 
C’est ensuite Maxime Antoine-Michard, vice-président en charge du social, qui a animé les débats concernant la Caisse de prévoyance sociale. Il a d’abord souligné l’incompréhension de sa confédération patronale quant à la réforme de la composition du conseil d’administration de la CPS. “On a participé, dans le cadre de nos discussions avec le gouvernement, à la réduction du nombre de membres au sein du CA pour le rendre plus efficace et efficient”, a-t-il expliqué. “Mais aujourd’hui, on est malheureusement un peu dubitatif quant à ce qui est proposé par le gouvernement dans le cadre des comités stratégiques car il nous semble qu’ils regroupent beaucoup trop de monde.” Si ces derniers sont au nombre de cinq pour traiter chacun d’une problématique, il est prévu dix membres par comité stratégique, soit 50 personnes réunies au total autour de la table.
 
“Au-delà du nombre, la composition en elle-même pose également problème. Il est prévu de faire entrer à l’intérieur de ces comités des syndicats sectoriels, des fédérations et des associations qui, à notre sens, ne sont pas pertinents pour travailler sur les dossiers qui leur seront confiés. Par contre, il n’y a aucun professionnel de santé. On craint que pour ces deux raisons, les dossiers présentés ne soient pas suffisamment aboutis et ficelés pour que le CA puisse décider de manière pertinente.” La CPME a rédigé cette semaine un courrier marquant son désaccord et demandant qu’il y ait moins de membres au sein des comités, comme au sein du CA de la CPS.
 
Plusieurs chefs d’entreprise ont ensuite exprimé leurs inquiétudes et leurs mécontentements quant au financement des retraites et de la protection sociale généralisée, notamment sur la question de la TVA sociale et son inscription dans la durée. Cette dernière “est malheureusement devenue nécessaire parce qu’on a trop tardé à mettre en place les réformes”, a poursuivi Maxime Antoine-Michard. “Mais nous, ce qu’on demande par rapport à la PSG, c’est qu’employeurs et salariés ne financent que ce qui relève du travail : les retraites, les accidents et arrêts maladie liés au travail, les maladies professionnelles, etc. Mais tout ce qui relève de la solidarité ne devrait pas être payé par les cotisations salariales et patronales. Il faut trouver d’autres moyens de financement. Ce n’est pas une mission de l’entreprise mais celle du Pays et de toute la population.”
 

​Christophe Plée, président de la CPME : “C’est très difficile d’être chef d’entreprise en ce moment”

Quelles sont les préoccupations actuelles des entreprises polynésiennes ?
“Les entreprises comme les salariés sont soumis à la pression de l’inflation, c’est-à-dire aux prix de leurs matières premières et de leurs coûts d’importation qui augmentent de façon incroyable. Certains fournisseurs ont augmenté leurs tarifs de 15 à 17%. On voit une demi-mesure de certains armateurs mais c’est largement insuffisant. On est au bout du monde, donc le coût du transport est forcément multiplié et ça devient dur pour les entreprises de calculer leurs tarifs. Ensuite, on a les augmentations qui concernent les salariés. C’est très difficile d’être chef d’entreprise en ce moment puisqu’il leur faut sans cesse tout anticiper. Il faut également rester vigilant quant aux textes du gouvernement. Heureusement, il existe des organisations interprofessionnelles comme la CPME qui aident les entreprises à être présentes un peu partout où les décisions se prennent.”
 
Dans neuf mois, ce sont les élections territoriales. Au vu des résultats des dernières législatives, à quoi s’attend la CPME ?
“On travaille avec tout le monde. Les gouvernements passent, la CPME reste. Mais je crois que les politiques feraient bien d’entendre un peu ce que les gens ont à dire. Les dernières élections ont été une surprise pour eux mais pour nous. Ce n’était qu’une demi-surprise. Je pense qu’il y a un problème d’écoute de la population et des chefs d’entreprise dans leur quotidien. Il faut aller sur de vraies mesures d’accompagnement et d’aide, pas forcément financière mais pour la fluidité de l’entreprise. Le Code du travail aurait dû être allégé mais on continue à y rajouter des pages et des pages, avec parfois des textes qui ne sont absolument pas adaptés à la Polynésie. La conséquence, c’est qu’il y a de moins en moins de salariés et de plus en plus d’auto-entrepreneurs. On est au même niveau d’emploi salarié qu’il y a 15 ans ! Il faut se mettre autour de la table pour alléger les choses et redonner envie aux chefs d’entreprise d’embaucher des salariés et non pas d’utiliser des auto-entrepreneurs.”
 
La “prime” de pouvoir d’achat proposée par le Medef peut faire partie de ces mesures d’aide mises en place par le Pays. Quelle est la position de la CPME à ce sujet ?
“On n’est pas fermés à cette prime exonérée de charges, comme à tout ce qui pourrait favoriser le pouvoir d’achat de nos salariés. C’est au gouvernement de stimuler un peu les échanges vu toutes les hausses qui concernent les salariés. Il faut également voir ce qu’on peut faire avec la Caisse de prévoyance sociale car si on exonère de charges sociales, c’est la CPS qui aura moins de recettes alors qu’elle en a bien besoin en ce moment. Il faut trouver un juste milieu. On est ouvert aux discussions sur le sujet.”
 

Rédigé par Lucie Ceccarelli le Jeudi 18 Août 2022 à 18:21 | Lu 2034 fois