Nu mais culotté. Dans le plus simple appareil, un artiste chinois se photographie devant des lieux symboles de scandales, de manifestations ou de catastrophes, dans l'espoir de réveiller la conscience de ses concitoyens.
La prise du cliché dure quelques secondes. Le temps pour lui d'enlever ses vêtements, de faire quelques pompes face contre terre et que l'appareil immortalise l'instant à l'aide d'un auto déclencheur.
Nom de famille: Ou. Prénom: Zhihang. A 46 ans, l'artiste a déjà réalisé plus de 700 photos en tenue d'Adam, en Chine ou à l'étranger: un travail inédit dans le monde de l'art contemporain.
"Mon but n'est pas d'être admiré pour mes pompes. Mais de pousser la société à réfléchir", explique Ou Zhihang lors d'un repas de bouchées vapeur dans sa ville natale de Canton, dans le sud de la Chine.
La collection de M. Ou offre un panorama des 10 dernières années en Chine, une véritable mémoire des événements "sensibles" que les autorités souhaiteraient minimiser.
Une photo de 2008 le montre devant les locaux d'une entreprise de lait en poudre au cœur du scandale de l'empoisonnement de quelque 300.000 bébés.
Trois ans plus tard, Ou Zhihang s'effeuille dans des broussailles de Wukan, un village du sud de la Chine où les habitants se sont révoltés contre la confiscation de leurs terres par des fonctionnaires locaux jugés corrompus.
L'artiste s'exhibe en 2011 sur les lieux d'un grave accident de train, en 2014 à Hong Kong lors des manifestations anti-chinoises et sur le site des meurtrières explosions de Tianjin (nord) en 2015.
Tous ces événements, couverts par la presse officielle, ont cependant fait l'objet d'une sévère censure des autorités, soucieuses d'éviter les critiques. "Mon but, c'est que l'opinion se souvienne de ces incidents", explique M. Ou.
La photographie nue, ce producteur de télévision la pratique d'abord comme "un moyen d'évacuer le stress" dans les hôtels qu'il fréquente lors de ses déplacements à l'étranger. C'est en 2005 qu'il saute le pas avec son premier vrai "shooting", sur la Grande muraille.
Malgré l'aspect provocateur de ses œuvres, Ou Zhihang peut les diffuser sur l'internet chinois et fait l'objet d'articles dans la presse locale.
Mais il reste surveillé. Déjà pourchassé par des chiens, le photographe a été interpellé plusieurs fois par la police, qui exige la suppression des clichés.
L'an passé, il est cueilli, dans le plus simple appareil, par les forces de l'ordre devant une petite maison du sud de la Chine où quatre enfants se sont suicidés après s'être sentis délaissés par leurs parents, des ouvriers migrants. "Tout de suite après avoir pris la photo, une voiture est arrivée et m'a embarqué", explique l'artiste.
Selon lui, c'est l'absence de critique frontale contre les autorités qui explique leur relative indulgence à son égard. Ou Zhihang laisse parler ses photos par elles-mêmes, leurs titres minimalistes indiquant uniquement le lieu de la prise de vue et l'incident qui y est associé.
"La nudité apporte une intensité à son art, elle montre la force d'un individu face à la puissante architecture publique", s'enthousiasme le critique d'art Li Xianting.
"Il faut faire des choses constructives pour la société", abonde l'artiste. "Ça peut ouvrir une fenêtre, être partagé par les gens. En cela, c'est déjà une forme de changement."
A cheval entre art et journalisme, son travail, salué lors des prix World Press Photo 2010, a été exposé à Venise l'an passé.
"Sa nudité +impertinente+ est une manifestation contre l'arrogance et la négligence du pouvoir envers la société et la population", avait loué le critique d'art chinois Gu Zheng dans le catalogue d'exposition.
Ou Zhihang n'a encore fait l'objet d'aucune exposition d'envergure en Chine continentale, le photographe disant préférer distribuer son travail sur internet.
Sur la messagerie WeChat, il livre cependant son opinion sur de récents événements ayant agité la Chine: la mort d'un étudiant lors de sa détention par la police ou encore le 50e anniversaire de la Révolution culturelle.
"Je préfère influer sur la société qu'avoir des expositions que seuls les intellectuels viendront voir", assure-t-il, en référence au très médiatisé Ai Weiwei, dont les œuvres sont peu montrées en Chine.
Mais M. Ou assure qu'il préférerait ne pas avoir besoin d'exposer sa chair: "J'espère que le genre d'incidents nécessitant mon intervention en Chine n'arrivera plus. Comme ça, je pourrais vivre tranquille."
avec AFP
La prise du cliché dure quelques secondes. Le temps pour lui d'enlever ses vêtements, de faire quelques pompes face contre terre et que l'appareil immortalise l'instant à l'aide d'un auto déclencheur.
Nom de famille: Ou. Prénom: Zhihang. A 46 ans, l'artiste a déjà réalisé plus de 700 photos en tenue d'Adam, en Chine ou à l'étranger: un travail inédit dans le monde de l'art contemporain.
"Mon but n'est pas d'être admiré pour mes pompes. Mais de pousser la société à réfléchir", explique Ou Zhihang lors d'un repas de bouchées vapeur dans sa ville natale de Canton, dans le sud de la Chine.
La collection de M. Ou offre un panorama des 10 dernières années en Chine, une véritable mémoire des événements "sensibles" que les autorités souhaiteraient minimiser.
Une photo de 2008 le montre devant les locaux d'une entreprise de lait en poudre au cœur du scandale de l'empoisonnement de quelque 300.000 bébés.
Trois ans plus tard, Ou Zhihang s'effeuille dans des broussailles de Wukan, un village du sud de la Chine où les habitants se sont révoltés contre la confiscation de leurs terres par des fonctionnaires locaux jugés corrompus.
L'artiste s'exhibe en 2011 sur les lieux d'un grave accident de train, en 2014 à Hong Kong lors des manifestations anti-chinoises et sur le site des meurtrières explosions de Tianjin (nord) en 2015.
Tous ces événements, couverts par la presse officielle, ont cependant fait l'objet d'une sévère censure des autorités, soucieuses d'éviter les critiques. "Mon but, c'est que l'opinion se souvienne de ces incidents", explique M. Ou.
- Nu à l'hôtel -
La photographie nue, ce producteur de télévision la pratique d'abord comme "un moyen d'évacuer le stress" dans les hôtels qu'il fréquente lors de ses déplacements à l'étranger. C'est en 2005 qu'il saute le pas avec son premier vrai "shooting", sur la Grande muraille.
Malgré l'aspect provocateur de ses œuvres, Ou Zhihang peut les diffuser sur l'internet chinois et fait l'objet d'articles dans la presse locale.
Mais il reste surveillé. Déjà pourchassé par des chiens, le photographe a été interpellé plusieurs fois par la police, qui exige la suppression des clichés.
L'an passé, il est cueilli, dans le plus simple appareil, par les forces de l'ordre devant une petite maison du sud de la Chine où quatre enfants se sont suicidés après s'être sentis délaissés par leurs parents, des ouvriers migrants. "Tout de suite après avoir pris la photo, une voiture est arrivée et m'a embarqué", explique l'artiste.
Selon lui, c'est l'absence de critique frontale contre les autorités qui explique leur relative indulgence à son égard. Ou Zhihang laisse parler ses photos par elles-mêmes, leurs titres minimalistes indiquant uniquement le lieu de la prise de vue et l'incident qui y est associé.
"La nudité apporte une intensité à son art, elle montre la force d'un individu face à la puissante architecture publique", s'enthousiasme le critique d'art Li Xianting.
- Moins médiatisé qu'Ai Weiwei -
"Il faut faire des choses constructives pour la société", abonde l'artiste. "Ça peut ouvrir une fenêtre, être partagé par les gens. En cela, c'est déjà une forme de changement."
A cheval entre art et journalisme, son travail, salué lors des prix World Press Photo 2010, a été exposé à Venise l'an passé.
"Sa nudité +impertinente+ est une manifestation contre l'arrogance et la négligence du pouvoir envers la société et la population", avait loué le critique d'art chinois Gu Zheng dans le catalogue d'exposition.
Ou Zhihang n'a encore fait l'objet d'aucune exposition d'envergure en Chine continentale, le photographe disant préférer distribuer son travail sur internet.
Sur la messagerie WeChat, il livre cependant son opinion sur de récents événements ayant agité la Chine: la mort d'un étudiant lors de sa détention par la police ou encore le 50e anniversaire de la Révolution culturelle.
"Je préfère influer sur la société qu'avoir des expositions que seuls les intellectuels viendront voir", assure-t-il, en référence au très médiatisé Ai Weiwei, dont les œuvres sont peu montrées en Chine.
Mais M. Ou assure qu'il préférerait ne pas avoir besoin d'exposer sa chair: "J'espère que le genre d'incidents nécessitant mon intervention en Chine n'arrivera plus. Comme ça, je pourrais vivre tranquille."
avec AFP