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Chikungunya : le laboratoire Malardé reçoit une centaine de prélèvements par jour


L'institut Louis Malardé est à la fois un laboratoire d'analyses médicales apte à effectuer des actes de biologie moléculaire pour identifier les virus du zika ou du chikungunya. C'est aussi un laboratoire de recherches, c'est là qu'a été mise en place la technique d'identification du zika dès l'année 2011.
L'institut Louis Malardé est à la fois un laboratoire d'analyses médicales apte à effectuer des actes de biologie moléculaire pour identifier les virus du zika ou du chikungunya. C'est aussi un laboratoire de recherches, c'est là qu'a été mise en place la technique d'identification du zika dès l'année 2011.
PAPEETE, le 27 octobre 2014. Le laboratoire de l'Institut Louis Malardé est le seul sur le territoire habilité à effectuer les analyses de biologie moléculaire pour détecter le virus du chikungunya, comme pour le zika il y a quelques mois. En phase d'attaque, la fréquence de la maladie est élevée, aussi depuis que l'épidémie de chikungunya est avérée à Tahiti, le laboratoire d'analyses de l'ILM reçoit en moyenne une centaine de nouveaux prélèvements chaque jour. "Il s'agit d'un virus qui arrive sur une population naïve qui n'y avait jamais été exposée. On sait que la maladie va circuler pendant plusieurs mois, peut-être durant une année" précise le docteur Didier Musso, médecin biologiste, directeur du laboratoire d'analyses et de recherches de l'ILM.

Face à cet afflux d'analyses, le laboratoire fait face : "la technique de référence pour détecter le virus est longue, il faut un délai au moins de 24 heures pour rendre le résultat ; bien sûr dans les îles ce délai s'allonge" poursuit Didier Musso. Ainsi, pour l'atoll d'Apataki dans les Tuamotu après la détection de 82 cas suspects parmi les 350 habitants, mi octobre, il a d'abord fallu envoyer sur place un personnel de santé pour procéder aux prélèvements sanguins. Au final, 27 cas ont été confirmés au cours des deux dernières semaines.
Mais ce retard dans la livraison des résultats ne toucherait pas que les îles, en dépit des assurances de la direction du laboratoire. De nombreux patients de la Presqu'île attendaient toujours en fin de semaine dernière, les résultats de leurs analyses après des prélèvements effectués dans les premiers jours de la semaine.

L'importance de confirmer un cas de chikungunya par les analyses biologiques concerne le besoin d'informations pour la veille sanitaire du territoire mais aussi la nécessité médicale de poser un diagnostic précis. "Le chikungunya et la dengue se ressemblent énormément, mais il y a aussi la leptospirose : au début des symptômes on peut vraiment se tromper. Le risque est de se focaliser sur la seule épidémie quand d'autres maladies circulent". Or, la surveillance d'un patient peut être différente selon le virus par lequel il est atteint. La dengue est manifestement plus dangereuse pour les enfants ; en revanche, le chikungunya expose davantage à des formes sévères les personnes âgées, déjà atteintes par des maladies chroniques.

Face à cette nouvelle épidémie qui s'installe à Tahiti –aux Antilles françaises elle est active depuis 10 mois déjà-, il ne faut "ni rassurer, ni affoler" la population, estime le docteur Didier Musso. La population polynésienne étant non immunisée au chik, on estime que la moitié des habitants finira par être atteinte par le virus. De plus, "on ne sait jamais quelles seront les évolutions d'une épidémie. Les virus évoluent, les mutations existent" précise-t-il. Lors de l'épidémie de chikungunya à La Réunion en 2005-2006, le virus avait muté et s'était révélé particulièrement adapté au vecteur réunionnais, le moustique Aedes Albopictus.
Qu'en Polynésie française, le moustique vecteur principal soit un Aedes Aegypti, comme dans les Antilles, n'autorise aucune affirmation a priori sur la virulence supposée de l'épidémie. "Le génome du virus a été séquencé, nous savons qu'il est plus proche du virus qui circule encore actuellement dans la Caraïbe que de celui qui circule dans le Pacifique. C'est un virus de la lignée asiatique du chikungunya, mais on ne peut pas en tirer des conclusions. On ne peut pas être prédictif" argumente Mai Cao-Lormeau, docteur en virologie au laboratoire de recherches de l'ILM.

Depuis le début de l'épidémie de chikungunya en cours à Tahiti, il n'y aurait eu que quelques très rares cas graves. Seules trois hospitalisations ont été annoncées officiellement au cours des deux dernières semaines, pour des personnes souffrant de douleurs articulaires intenses nécessitant un traitement à base de morphine. Mais on ne peut pas savoir si des formes atypiques de la maladie vont se reproduire à un niveau élevé, comme ce fut le cas de la quarantaine de patients atteints du syndrome de Guillain-Barré pendant l'épidémie de zika, en début d'année.
En revanche, on le sait, les personnes souffrant de maladies chroniques sont plus sensibles aux virus quels qu'ils soient. A La Réunion une étude sur plusieurs centaines de personnes atteintes par le chik avait démontré que les formes graves de la maladie concernaient prioritairement des personnes souffrant d'hypertension ou de diabète, deux affections majeures très répandues également en Polynésie.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 27 Octobre 2014 à 14:10 | Lu 1402 fois