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Ce que les Polynésiens attendent du chef de l’Etat


PAPEETE, 15 février 2016 - Dans une semaine jour pour jour, lundi 22 février, le président de la République François Hollande sera le premier chef de l’Etat à venir en Polynésie française depuis Jacques Chirac en août 2003.
Que peut-on attendre d’une telle visite ? Nous allons, au cours de cette semaine, rencontrer les principaux leaders politiques polynésiens, les représentants du patronat, des élus municipaux, pour faire part de leur point de vue et de leurs attentes au sujet de cette visite officielle.
Nous commençons aujourd’hui par un micro-trottoir afin de recueillir, au travers du témoignage d’une dizaine de personnes, les attentes des Polynésiens de souche ou d’adoption quant à la venue du chef de l’Etat.

"Faites quelque chose pour la Polynésie !"

Aujourd’hui retraité et âgé de 70 ans, Etienne est un ancien chauffeur démarcheur pour une entreprise locale du secteur de l’agroalimentaire. Il espère que la visite officielle de François Hollande aura un effet vertueux sur l’économie locale et l’emploi.

Qu’attendez-vous de la visite officielle de François en Polynésie ?

Je ne connais pas la politique, mais on peut espérer une relance économique.

Si vous pouviez le rencontrer personnellement, que lui demanderiez-vous ?

(Rires) Au président ? Eh bien : « Faites quelque chose pour la Polynésie ! » Les gens ont besoin de trouver du travail. Je pense que je lui demanderais quelque chose comme ça. Il y a plein de jeunes sans travail et qui cherchent. Ca ne va pas en ce moment. La Polynésie est en crise depuis de nombreuses années maintenant. Depuis 2004. C’est très difficile.

Roland, 47 ans, employé
Roland, 47 ans, employé
"ça dépendra de ses ambitions"


Quelle est la priorité des Polynésiens selon vous aujourd’hui à quelques jours de la visite du président Hollande ?

Trouver du travail.

Pensez-vous qu’il est en capacité d’aider dans ce domaine ?

Bien sûr qu’il peut faire quelque chose ! Maintenant ça dépendra de ses ambitions. Le veut-il vraiment ? Je n’en sais rien.

Voyez-vous une marque d’honneur, pour la Polynésie, dans cette visite de François Hollande ?

Ah oui ! C’est ça qui manque. Les hommes politiques font toujours des promesses pour être élu. Mais à chaque fois, lorsqu’ils arrivent au pouvoir, on nous oublie. C’est le moment de tenir parole.

Un coup de pouce dans le secteur de l’emploi, c’est essentiel ?

Nous en avons besoin. Surtout vu l’activité actuelle pas très fameuse.

"Un grand changement, ça ferait du bien !"

Heiata, 35 ans, est employée dans un snack de Papeete.

Quel changement attendez-vous de la visite de François Hollande, dans quelques jours ?

Je n’étais même pas au courant de ça. Mais puisqu’il vient j’espère qu’il apportera un grand changement, ça ferait du bien ! Au niveau de la politique et de l’économie.

Imaginons qu’il vous accorde une audience personnelle. Que lui demanderiez-vous ?

Un grand changement. Peut-être mettre des jeunes, à la place des vieux hommes politiques que nous avons. Je ne sais pas. On en a besoin. Les taxes augmentent de plus en plus et on a de plus en plus de mal à s’en sortir. Je n’ai pas grand-chose à dire ; mais je pense que ce serait bien qu’un grand changement se produise. Maintenant, c’est à lui de voir ce que le gouvernement polynésien a fait depuis tout ce temps.

"François Hollande n’est pas un magicien"

Yannick, 44 ans, à la recherche d’un emploi, attend de savoir ce que François Hollande annoncera dans sa déclaration officielle ; mais il ne croit pas au caractère déterminant de cette visite pour la situation économique locale. "La solution elle viendra de nous", estime-t-il tout en espérant que cette visite officielle du chef de l’Etat sera profitable aux anciens travailleurs du nucléaire engagés dans une demande de reconnaissance de leur statut de victime.

Que pensez-vous de la démarche qui conduit le président Hollande à faire une visite officielle en Polynésie française, dans quelques jours ?

C’est vrai que l’on pourrait dire, dans un premier temps, qu’il s’intéresse à nous puisqu’il se déplace. Mais, vue la durée extrêmement courte de ce déplacement, je pense qu’il vient pour la forme ; pour faire une annonce ou deux, pour nous faire plaisir. Et ça s’arrêtera là.

Pensez-vous que ce déplacement est susceptible d’être porteur d’un changement dans la situation polynésienne ?

Ca ne changera rien du tout. J’en suis persuadé. Ce n’est pas parce qu’il vient une journée en Polynésie française que ça changera quoi que ce soit. De toute manière, la solution ne viendra pas de l’extérieur. La solution elle viendra de nous. François Hollande n’est pas un magicien.

Si vous aviez la possibilité de le rencontrer personnellement, que souhaiteriez-vous de lui ?

J’essaierai de me retenir, d’être poli (rires). Oui, ce serait un honneur d’avoir l’audience du chef de l’Etat. Ce que je lui demanderais ? De me donner un travail. Mais malheureusement, beaucoup de gens le lui demandent en métropole et je crois qu’il n’est déjà pas à la hauteur : il y a toujours autant de personnes dans le besoin.

Que lui demanderiez-vous pour la collectivité polynésienne ?

Il me semble qu’il est venu avec quelque chose à annoncer : on ne fait pas une visite officielle sans rien. Peut-être effectivement de faciliter l’indemnisation des gens qui ont souffert et qui souffrent de maladies radio-induites liées aux expérimentations nucléaires. Que leurs demandes d’indemnisations aboutissent. On comprend évidemment bien que l’Etat n’est pas disposé à rembourser : ça fait des années que ça dure sous des prétextes juridiques douteux. On sait très bien que tout cela, c’est pour faire durer le plaisir.

"Il serait bon qu’il fasse avancer notre situation ici"

Torea, 18 ans, étudiant, attend du chef de l’Etat l’annonce d’une plus grande implication financière de la France dans l’économie polynésienne.

Comment percevez-vous la visite de François Hollande ?

La venue d’un président de la République, ce n’est pas anodin : le dernier c’était Jacques Chirac en 2003. C’est un honneur. Mais je suis un peu déçu par le fait que ce ne soit que pour une journée : que peut-il faire en une journée ?

Qu’attendez-vous de cette visite officielle du chef de l’Etat ?

Qu’il fasse avancer les affaires du nucléaire : Qu’il nous explique comment l’Etat compte agir dans l’avenir, par rapport à l’indemnisation des personnes qui se disent touchées. Qu’il aborde la question des versements de l’Etat. Vu qu’ici on est autonome mais qu’apparemment on gère assez mal : ce serait bien qu’il annonce un plan d’aide étatique.
Il termine son mandat en 2017 et il dit ne pas être obsédé par sa candidature, ni par sa réélection. Il serait bon qu’il fasse avancer notre situation ici avant la fin de son mandat. Que cela nous donne de nouvelles perspectives d’avenir.


En imaginant qu’il vous reçoive personnellement, que lui demanderiez-vous ?

Eh bien, ce que je viens de dire : faire en sorte que les choses avancent ici. Notre instabilité politique vient à peine de se calmer avec l’élection d’Edouard Fritch. J’aimerais bien que les dossiers avancent ; que nous réussissions à avoir une meilleure croissance économique ; qu’il y ait plus d’embauche… L’Etat peut apporter son secours dans plusieurs domaines. François Hollande peut faire en sorte que les affaires entre le Pays et l’Etat avancent mieux.

"C’est de la représentation, uniquement"

Frédéric, 40 ans, fonctionnaire expatrié.

Que pensez-vous que la Polynésie peut attendre de cette visite officielle ?

Franchement ? Pas grand-chose ! Je n’ai pas d’avis très marqué là-dessus. Je ne suis pas là depuis très longtemps ; mais je n’ai pas l’impression que les Polynésiens soient vraiment satisfaits de recevoir le président.

Comment qualifieriez-vous cette visite ?

C’est de la représentation, uniquement. Je pense qu’il y a des problèmes très importants à gérer en métropole et qu’ici en matière de sécurité c’est relativement paisible comparé à ce qui se passe en France.

Croyez-vous que cela peut déclencher quelque chose en matière économique ?

Je pense que la Polynésie est autonome depuis quelques temps. Elle arrive relativement bien à se structurer. Franchement, je ne suis pas sûr que ce soit vraiment… Je ne sais pas pourquoi il vient ici.
Il y a certainement des raisons que j’ignore. Mais à l’heure actuelle, je ne vois pas, je ne vois pas du tout.

"En ce moment, c’est vraiment dur"

Elvis, 29 ans, commerçant a été sélectionné pour présenter les produits locaux au président Hollande, lors de sa visite au marché de Papeete, lundi matin 22 février.

Que pensez-vous de la visite officielle du président Hollande en Polynésie française ?

Ca montre que l’on est important à ses yeux et qu’il a peut-être l’intention de s’occuper de notre pays.

Qu’aimeriez-vous qu’il annonce lors de son discours officiel ?

Déjà des annonces pour la jeunesse, pour que tout le monde puisse s’épanouir : nous avons beaucoup de gens qui errent dans la rue, qui ne trouvent pas de travail…

Pensez-vous qu’il peut intervenir favorablement ?

Eh bien oui, puisque c’est lui qui dirige. C’est lui qui donne les ordres.

Lorsque vous le rencontrerez, si l’occasion se présente, que lui direz-vous de personnel ?

Aidez-nous ! Apportez-nous des améliorations pour qu’il y ait plus de travail ici, pour les jeunes ! En ce moment, c’est vraiment dur.
Et puis qu’il trouve un moyen pour que le prix des billets d’avions baisse, pour qu’un plus grand nombre de personnes puisse venir nous rendre visite en Polynésie. Le tourisme est notre activité majeure. Nous sommes tout de même un petit bout de la France. Il faudrait que les billets d’avion et les hôtels soient adaptés à tous les portemonnaies. Il y beaucoup de gens qui aimeraient venir nous visiter, mais c’est trop cher.

"Il ne faut pas qu’il dise que ne nucléaire ce n’est pas nocif"


Aruiti, 46 ans, agriculteur, attend que le chef de l’Etat se prononce clairement sur la question du nucléaire : "Ce serait normal qu’il y ait un petit retour en échange", estime-t-il.


Qu’attendez-vous de la visite de François Hollande ?

Qu’il voit quelle est notre situation ici et quels sont nos avantages et nos problèmes. Mais la visite est tellement courte que je me demande s’il pourra. Que verra-t-il en un jour ?

Qu’espérez-vous des déclarations lors de son allocution officielle, à la mi-journée ?

Qu’il va aider le pays à s’en sortir. Avec tout le chômage que l’on a… Les chantiers n’avancent pas, le secteur primaire est au ralenti. Tout est au ralenti. S’il pouvait nous apporter une solution à ça.
J’espère qu’il apportera aussi des réponses sur la question du nucléaire : où en est-on au niveau du nucléaire ? Il faut qu’il fasse quelque chose pour ça. Il ne faut pas qu’il dise que ne nucléaire ce n’est pas nocif. Il y a des séquelles. Je pense à Hao et aux îles autour ; au nettoyage. Il faut faire quelque chose pour eux. Et puis il faut que le pays soit indemnisé. On a beaucoup fait pour la France. Ce serait bien que ça soit reconnu. C’est tout de même grâce à nous que la France est à son rang mondial, grâce au nucléaire. Ce serait normal qu’il y ait un petit retour en échange.

Bertrand, 45 ans, architecte.
Bertrand, 45 ans, architecte.
"J’aimerais qu’il annonce la mise en chantier de projets structurants"


Que peut apporter la visite officielle de François Hollande à la Polynésie ?

Déjà reconnaître l’attachement de la Polynésie à la France. Je pense que ça fera plaisir à un grand nombre de Polynésiens de voir qu’un chef de l’Etat s’intéresse à eux. Le prédécesseur n’était pas venu ; lui il vient… Ensuite, c’est le chef du gouvernement central : il est en mesure de libérer des blocages économiques et politiques. Il apportera sans doute quelque chose d’utile.

Qu’aimeriez-vous qu’il annonce lors de son allocution officielle ?

J’aimerais qu’il annonce la mise en chantier de projets structurants tels que des écoles, des administrations, des routes… Depuis le Taui, en 2004, il n’y a pas eu de gros projet en dehors de la gare maritime et de la prison de Papeari.
Aujourd’hui, tous les acteurs économiques savent que la nouvelle route pour relier Papeete et Taravao est primordiale pour le développement de la Presqu’île. S’il annonce que cette route se fait ça peut déclencher énormément de nouveaux projets et favoriser la reprise économique.


Et sur la question du nucléaire ?

Là aussi il est attendu, c’est sûr. Mais il a annoncé qu’il allait recevoir les associations. Là aussi ça va faire avancer ce dossier qui est sensible, sans doute.

Si vous deviez le rencontrer personnellement, que lui demanderiez-vous ?

Personnellement ? Par rapport à mon métier, qu’il débloque le projet de l’hôpital psychiatrique Jean Prince actuellement à l’arrêt pour cause de manque de financement.
Ensuite, il me semble que le gros point noir de Tahiti, c’est l’existence de nombreux SDF. Il ne devrait pas y avoir de SDF à Tahiti. Nous sommes un pays assez riche et confortable pour faire face à cette situation. Je trouve que c’est un véritable fléau. Il faut faire des logements pour ces gens-là.

Léon, 76 ans, commerçant.
Léon, 76 ans, commerçant.
"Quand on fait des essais, on prend en charge toutes ses responsabilités"


Qu’attendez-vous de la visite de François Hollande ?

Il y a beaucoup de problèmes à régler entre l’Etat et la Polynésie française, notamment en ce qui concerne les essais atomiques. Quand on fait des essais, on prend en charge toutes ses responsabilités. Aujourd’hui, il y a des malades. Il faut accepter qu’ils sont atteints de maladies radio-induites.

Vous souhaiteriez que François Hollande reconnaisse la responsabilité de l’Etat face aux conséquences des essais nucléaires, lors de son allocution officielle ?

Exactement, c’est très important. La CPS a engagé beaucoup de dépenses pour traiter les anciens travailleurs de Moruroa et Hao atteint de maladies d’origine nucléaire. Pour moi, il faut qu’il annonce que l’Etat reconnait sa responsabilité. C’est essentiel.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 15 Février 2016 à 06:45 | Lu 2705 fois