Tahiti, le 7 septembre 2020 - Les très nombreux monts sous-marins polynésiens sont encore peu connus car leur étude par les scientifiques ne fait que commencer. Malgré tout, des découvertes récentes peuvent éveiller notre curiosité. Quatre étudiants ont fait la synthèse de nos connaissance sur l’écosystème de ces montagnes immergées, leur impact sur la pêche pélagique et leur potentiel minier.
La plupart des étudiants passent leurs vacances à faire la fête, voyager, ou vont à regret faire leurs stages obligatoires pour obtenir leur diplôme. Mais ce n’est pas le cas de Lucie Jean-Marius, Dan Meller, Gonzague de Carpentier et Mehdi Zhioua, quatre élèves de l’École Polytechnique. Ces jeunes très motivés ont choisi – bénévolement – de consacrer leurs vacances de cet été à réaliser une étude de 40 pages sur les monts sous-marins de la Zone Économique Exclusive (ZEE) polynésienne. Et le résultat est de qualité professionnelle.
Pour rappel, l’École Polytechnique, surnommée "l’X", est une prestigieuse école militaire d’ingénieurs. Ses élèves intègrent généralement la haute fonction publique ou le corps des officiers de l’armée. Nos quatre futurs polytechniciens ont donc décidé de s’entraîner à leur futur métier dans les ministères en mettant en application leurs formations en physique, maths et biologie. Ils sont venus un mois à Tahiti pour approfondir leurs recherches grâce à un financement du programme Héritage des Océans de la fondation Pew Bertarelli, mais la pandémie les a obligés à assurer la présentation de leurs travaux à distance.
Ils ont abattu un travail remarquable en seulement quatre semaines, en consultant les spécialistes à travers le monde et en analysant 23 études scientifiques abordant divers aspects de nos montagnes sous-marines. Au début du mois, ils ont dévoilé leurs résultats lors d’une présentation publique en visioconférence. Une quarantaine de personnalités politiques, économiques et culturelles locales ont assisté avec attention à la présentation et ont pu poser leurs questions… Tahiti Infos y a aussi assisté.
Téléchargez l’étude complète : ircp.pf/les-monts-sous-marins-de-polynesie-francaise/
508 montagnes immergées
Pour rappel, l’École Polytechnique, surnommée "l’X", est une prestigieuse école militaire d’ingénieurs. Ses élèves intègrent généralement la haute fonction publique ou le corps des officiers de l’armée. Nos quatre futurs polytechniciens ont donc décidé de s’entraîner à leur futur métier dans les ministères en mettant en application leurs formations en physique, maths et biologie. Ils sont venus un mois à Tahiti pour approfondir leurs recherches grâce à un financement du programme Héritage des Océans de la fondation Pew Bertarelli, mais la pandémie les a obligés à assurer la présentation de leurs travaux à distance.
Ils ont abattu un travail remarquable en seulement quatre semaines, en consultant les spécialistes à travers le monde et en analysant 23 études scientifiques abordant divers aspects de nos montagnes sous-marines. Au début du mois, ils ont dévoilé leurs résultats lors d’une présentation publique en visioconférence. Une quarantaine de personnalités politiques, économiques et culturelles locales ont assisté avec attention à la présentation et ont pu poser leurs questions… Tahiti Infos y a aussi assisté.
Téléchargez l’étude complète : ircp.pf/les-monts-sous-marins-de-polynesie-francaise/
508 montagnes immergées
Pour commencer, il s’agissait de définir ce qu’est un mont sous-marin. En prenant une définition assez stricte, les étudiants ont tout de même compté 508 de ces monts sous-marins dans nos eaux, dont :
- 20 culminent entre la surface et 100 mètres de profondeur ;
- 47 atteignent entre 100 et 500 mètres de profondeur.
- 20 culminent entre la surface et 100 mètres de profondeur ;
- 47 atteignent entre 100 et 500 mètres de profondeur.
Ces formations géologiques culminent donc jusqu’à 5 000 mètres au-dessus du plancher océanique. La plus connue – et celle qui a la plus grande importance stratégique – est le mont MacDonald. À 27 mètres de profondeur, ce volcan encore actif pourrait un jour sortir de l’eau. Or, il est situé loin à l’est des Australes, à seulement 30 kilomètres de la limite de notre ZEE. S’il émerge, il deviendrait une nouvelle île qui appartiendrait de droit à la Polynésie… Ce qui élargirait considérablement notre ZEE.
Une importance économique encore à découvrir
Au niveau économique, les étudiant notent que si des richesses minérales existent probablement sur ces monts, en particulier des encroûtements cobaltifères, elles sont encore trop peu connues pour que l’on puisse vraiment estimer le trésor potentiel qui barbote dans nos eaux. Même si des études supplémentaires étaient réalisées, il faudra encore plusieurs dizaines d’années pour que la technologie minière soit capable de les extraire.
Une importance économique encore à découvrir
Au niveau économique, les étudiant notent que si des richesses minérales existent probablement sur ces monts, en particulier des encroûtements cobaltifères, elles sont encore trop peu connues pour que l’on puisse vraiment estimer le trésor potentiel qui barbote dans nos eaux. Même si des études supplémentaires étaient réalisées, il faudra encore plusieurs dizaines d’années pour que la technologie minière soit capable de les extraire.
Carte de la densité de l'effort de pêche dans la Polynésie et autour. Quelques monts sous-marin ont un effet indéniable sur la pêche mais les scientifiques ne sont pas certains des processus en jeu.
Par contre l’impact de ces formations sur la pêche a droit a beaucoup plus d’études scientifiques. Un résultat tout récent est ainsi intéressant : une étude américaine d’Astrid B. Leitner publiée dans le journal Nature, début août, observe "des concentrations de chlorophylle importants et de longue durée autour de 17 % des monts sous-marins du Pacifique et autour de 45 % de ceux d’entre eux dont le sommet est à une profondeur inférieure à 100 m". La chlorophylle révèle qu’il y a beaucoup d’algues (phytoplancton), qui nourrissent des petits animaux (zooplanctons) qui à leur tour nourrissent les poissons. La pêche est du coup deux fois plus importante autour de ces monts sous-marins… Sauf que les X-iens, en étudiant les données de l’étude concernant les monts polynésiens, ont relevé plusieurs problèmes de méthodologie…
Du coup, en bons scientifiques, ils ont procédé à leur propre analyse mathématique sur l’impact des monts-marins polynésiens sur la pêche. Ils en ressort que 79 des 508 monts polynésiens auraient un impact positif sur la pêche, soit 16 % du total.
Les scientifiques offrent deux explications à ce phénomène : déjà, la montagne pourrait forcer les courant profonds, riches en nutriments, vers la surface, et ainsi favoriser la croissance du phytoplancton. Un phénomène d’"upswelling" assez rare. Plus surprenant, les montagnes sous-marines peuvent aussi servir de point de repère : "Les monts sous-marins, à l’instar des dispositifs de concentration de poissons (DCP), brisent l’immense uniformité de l’océan et ce seul attribut pourrait suffire à agréger la vie marine autour. En effet, DCP et monts sous-marins pourraient jouer le même rôle fondamental de "meeting point", c’est à dire un lieu de rencontre qui permet notamment aux espèces pélagiques de former des bancs de taille plus importante. Il est plus efficace pour les thons notamment de s’attendre sur des lieux particuliers plutôt que de chercher aléatoirement dans la mer un autre banc avec lequel fusionner." Tout ça demande encore du travail.
Une diversité à protéger
Les écosystèmes de ces monts sous-marins sont encore peu connus. Ce que l’on sait, c’est qu’ils abritent une très grande diversité de coraux (sans leur algue symbiotique, puisqu’ils sont trop profonds pour avoir de la lumière), d’animaux, et autres "fossiles vivants" qui en feraient de possibles "refuges biologiques". "Une étude de Tittensor (2010) a notamment observé que les coraux des monts sous-marins étaient moins impactés par l’acidification des océans que sur d’autres habitats".
Des études ont aussi montré que ce sont des lieux de reproduction et de nutrition privilégiés pour les migrateurs pélagiques, ce qui est un argument pour la protection de ces zones. En particulier contre l’exploitation minière, qui peut endommager les écosystèmes sur des kilomètres autour des exploitations. Afin de protéger ces écosystèmes encore méconnus, la Polynésie française s’est engagée dans son plan de gestion de l'Aire Marine Gérée de Polynésie française, Tai Nui Atea, à classer ses monts sous-marins d’ici 2021 à 2022. Le plan de gestion stipule : « Ces écosystèmes particuliers doivent être protégés. Toutes les activités d’extraction doivent être prohibées et la pêche restreinte. Le niveau de protection pourra tenir compte de la profondeur par rapport à la surface du sommet et la distance par rapport aux iles écologiques. » Les services prévoient d’impliquer l’ensemble des usagers de la mer et des polynésiens pour définir le zonage des zones protégées.
La principale conclusion de l’étude reste qu’il y a encore beaucoup de recherches à faire pour comprendre la richesse biologique et minérale de ces montagnes immergées. Nous dépendons trop des images satellites et il faut beaucoup plus de campagnes d’explorations qui iront voir sur place. Avis donc aux jeunes explorateurs qui souhaitent poursuivre ce travail !
Du coup, en bons scientifiques, ils ont procédé à leur propre analyse mathématique sur l’impact des monts-marins polynésiens sur la pêche. Ils en ressort que 79 des 508 monts polynésiens auraient un impact positif sur la pêche, soit 16 % du total.
Les scientifiques offrent deux explications à ce phénomène : déjà, la montagne pourrait forcer les courant profonds, riches en nutriments, vers la surface, et ainsi favoriser la croissance du phytoplancton. Un phénomène d’"upswelling" assez rare. Plus surprenant, les montagnes sous-marines peuvent aussi servir de point de repère : "Les monts sous-marins, à l’instar des dispositifs de concentration de poissons (DCP), brisent l’immense uniformité de l’océan et ce seul attribut pourrait suffire à agréger la vie marine autour. En effet, DCP et monts sous-marins pourraient jouer le même rôle fondamental de "meeting point", c’est à dire un lieu de rencontre qui permet notamment aux espèces pélagiques de former des bancs de taille plus importante. Il est plus efficace pour les thons notamment de s’attendre sur des lieux particuliers plutôt que de chercher aléatoirement dans la mer un autre banc avec lequel fusionner." Tout ça demande encore du travail.
Une diversité à protéger
Les écosystèmes de ces monts sous-marins sont encore peu connus. Ce que l’on sait, c’est qu’ils abritent une très grande diversité de coraux (sans leur algue symbiotique, puisqu’ils sont trop profonds pour avoir de la lumière), d’animaux, et autres "fossiles vivants" qui en feraient de possibles "refuges biologiques". "Une étude de Tittensor (2010) a notamment observé que les coraux des monts sous-marins étaient moins impactés par l’acidification des océans que sur d’autres habitats".
Des études ont aussi montré que ce sont des lieux de reproduction et de nutrition privilégiés pour les migrateurs pélagiques, ce qui est un argument pour la protection de ces zones. En particulier contre l’exploitation minière, qui peut endommager les écosystèmes sur des kilomètres autour des exploitations. Afin de protéger ces écosystèmes encore méconnus, la Polynésie française s’est engagée dans son plan de gestion de l'Aire Marine Gérée de Polynésie française, Tai Nui Atea, à classer ses monts sous-marins d’ici 2021 à 2022. Le plan de gestion stipule : « Ces écosystèmes particuliers doivent être protégés. Toutes les activités d’extraction doivent être prohibées et la pêche restreinte. Le niveau de protection pourra tenir compte de la profondeur par rapport à la surface du sommet et la distance par rapport aux iles écologiques. » Les services prévoient d’impliquer l’ensemble des usagers de la mer et des polynésiens pour définir le zonage des zones protégées.
La principale conclusion de l’étude reste qu’il y a encore beaucoup de recherches à faire pour comprendre la richesse biologique et minérale de ces montagnes immergées. Nous dépendons trop des images satellites et il faut beaucoup plus de campagnes d’explorations qui iront voir sur place. Avis donc aux jeunes explorateurs qui souhaitent poursuivre ce travail !