Papeete - le 28 juillet 2015 - Catherine Vannier fait partie du syndicat de la magistrature, elle est également juge à la section détachée des Marquises depuis sept ans et juge de l'expropriation pour toute la Polynésie. Auparavant, elle a été juge des terres de janvier 2003 à septembre 2008. Elle connaît bien les affaires foncières spécifiques à la Polynésie. Entretien.
Les affaires de terres sont très présentes dans la vie des tahitiens, cela amène beaucoup de travail au tribunal ?
Un contrat d'objectif a été mis en place par l'Etat, il prendra effet en septembre 2015. Celui-ci a pour but de réduire le stock des affaires de terres en faisant venir des juges et des greffiers. En septembre, deux juges vont donc venir renforcer l'équipe. Ils seront désormais trois juges, trois adjoints et trois greffiers. Par la suite, le tribunal foncier sera mis en place en 2017. Cette structure n'existe nulle part ailleurs en France, elle sera très spécifique à la Polynésie mais bien sûr, elle reste de la compétence de l'Etat.
Pour moi, ce tribunal ne résoudra pas tous les problèmes que rencontrent les Polynésiens dans leurs affaires de terre. En effet, les textes du code civil sont inadaptés à la Polynésie française. Par exemple, pour sortir d'une indivision, le code civil impose la présence de tous les indivisaires (voir encadré). Lorsque l'indivision est composé de 500 voire 600 indivisaires, le tribunal ne peut pas faire face à un dossier avec autant de partie.
Le code civil est adapté à la métropole où les successions ont été réglées de génération en génération. Ces textes ne prennent pas en compte les spécificités polynésiennes.
Vous voulez dire qu'il y a deux systèmes pour le traitement du foncier : celui de la métropole et celui de la Polynésie ?
Les Polynésiens sont très attachés à leur terre. Culturellement, elle les rattache à leur généalogie à leurs ancêtres. Pour tout le Pacifique, c'est ainsi. C'est fondamental.
De l'autre, il y avait la volonté des colonisateurs de récupérer des terres, d'avoir des grands domaines. Comme le disait l'ethnologue Michel Panoff : dans l'ancienne Polynésie " il y avait un système complexe de droits collectifs et individuels superposés les uns aux autres et dont l'exercice était ainsi organisé que l'usage de chaque parcelle était contrôlé par une autorité reconnue de tous les intéressés. A cette institution cohérente les colonisateurs substituèrent l'entité acéphale de l'indivision, aussi bien n'avaient-ils pas le choix, une fois prise la décision de traiter toute l'affaire en termes de droits de propriété."
De plus, l'indivision est un frein énorme à l'économie. Il suffit que quelqu'un veuille construire une maison sur une terre, il faut alors l'accord de tous les indivisaires. Idem pour une terre agricole. Quand il y a des personnes qui veulent exploiter une terre ou construire une maison, cela créer des conflits, c'est le principal problème que nous rencontrons ici.
Sur des îles comme les Tuamotu, les affaires de terre amènent de gros enjeux car la culture du Coprah est très importante …
Souvent, les gens sont restés en indivision sur plusieurs générations, c’est-à-dire qu'ils n'ont pas réglé les successions d'une génération à l'autre. Du côté des magistrats, il faut qu'on arrive à ce que les gens en indivision se connaissent et fassent quelque chose ensemble car le partage par tête est impossible. C'est vrai, au Tuamotu, il y a beaucoup d'enjeux avec la culture du coprah, les jeunes agriculteurs vont chercher leur carte verte et exploitent les terres familiales. Il est très rare de vendre des terres sur ces îles.
Les affaires de terres sont très présentes dans la vie des tahitiens, cela amène beaucoup de travail au tribunal ?
Un contrat d'objectif a été mis en place par l'Etat, il prendra effet en septembre 2015. Celui-ci a pour but de réduire le stock des affaires de terres en faisant venir des juges et des greffiers. En septembre, deux juges vont donc venir renforcer l'équipe. Ils seront désormais trois juges, trois adjoints et trois greffiers. Par la suite, le tribunal foncier sera mis en place en 2017. Cette structure n'existe nulle part ailleurs en France, elle sera très spécifique à la Polynésie mais bien sûr, elle reste de la compétence de l'Etat.
Pour moi, ce tribunal ne résoudra pas tous les problèmes que rencontrent les Polynésiens dans leurs affaires de terre. En effet, les textes du code civil sont inadaptés à la Polynésie française. Par exemple, pour sortir d'une indivision, le code civil impose la présence de tous les indivisaires (voir encadré). Lorsque l'indivision est composé de 500 voire 600 indivisaires, le tribunal ne peut pas faire face à un dossier avec autant de partie.
Le code civil est adapté à la métropole où les successions ont été réglées de génération en génération. Ces textes ne prennent pas en compte les spécificités polynésiennes.
Vous voulez dire qu'il y a deux systèmes pour le traitement du foncier : celui de la métropole et celui de la Polynésie ?
Les Polynésiens sont très attachés à leur terre. Culturellement, elle les rattache à leur généalogie à leurs ancêtres. Pour tout le Pacifique, c'est ainsi. C'est fondamental.
De l'autre, il y avait la volonté des colonisateurs de récupérer des terres, d'avoir des grands domaines. Comme le disait l'ethnologue Michel Panoff : dans l'ancienne Polynésie " il y avait un système complexe de droits collectifs et individuels superposés les uns aux autres et dont l'exercice était ainsi organisé que l'usage de chaque parcelle était contrôlé par une autorité reconnue de tous les intéressés. A cette institution cohérente les colonisateurs substituèrent l'entité acéphale de l'indivision, aussi bien n'avaient-ils pas le choix, une fois prise la décision de traiter toute l'affaire en termes de droits de propriété."
De plus, l'indivision est un frein énorme à l'économie. Il suffit que quelqu'un veuille construire une maison sur une terre, il faut alors l'accord de tous les indivisaires. Idem pour une terre agricole. Quand il y a des personnes qui veulent exploiter une terre ou construire une maison, cela créer des conflits, c'est le principal problème que nous rencontrons ici.
Sur des îles comme les Tuamotu, les affaires de terre amènent de gros enjeux car la culture du Coprah est très importante …
Souvent, les gens sont restés en indivision sur plusieurs générations, c’est-à-dire qu'ils n'ont pas réglé les successions d'une génération à l'autre. Du côté des magistrats, il faut qu'on arrive à ce que les gens en indivision se connaissent et fassent quelque chose ensemble car le partage par tête est impossible. C'est vrai, au Tuamotu, il y a beaucoup d'enjeux avec la culture du coprah, les jeunes agriculteurs vont chercher leur carte verte et exploitent les terres familiales. Il est très rare de vendre des terres sur ces îles.
Que faire en cas de litiges sur des terres ?
"Tant qu'il n'y a pas de tribunal foncier, il faut adresser une requête à la commission de conciliation obligatoire en matière foncière. (Cette commission va disparaitre quand le tribunal foncier sera mis en place en 2017). Ainsi, il faut monter le dossier, d'abord voir quel est le titre de propriété. Par exemple, il faut la déclaration de propriété de l'arrière-arrière-grand parent. Il faut faire ensuite de la généalogie et retrouver combien il y a de souches. Cet arrière-arrière-grand-parent peut avoir eu 10 enfants, du coup, il faut au moins un représentant de ces dix souches. Le particulier doit donc monter le dossier, le présenter à la commission et si dans le délai de six mois, la commission n'a pas bougé, à ce moment-là, il peut saisir le tribunal de première instance."
"Tant qu'il n'y a pas de tribunal foncier, il faut adresser une requête à la commission de conciliation obligatoire en matière foncière. (Cette commission va disparaitre quand le tribunal foncier sera mis en place en 2017). Ainsi, il faut monter le dossier, d'abord voir quel est le titre de propriété. Par exemple, il faut la déclaration de propriété de l'arrière-arrière-grand parent. Il faut faire ensuite de la généalogie et retrouver combien il y a de souches. Cet arrière-arrière-grand-parent peut avoir eu 10 enfants, du coup, il faut au moins un représentant de ces dix souches. Le particulier doit donc monter le dossier, le présenter à la commission et si dans le délai de six mois, la commission n'a pas bougé, à ce moment-là, il peut saisir le tribunal de première instance."
La plus vieille affaire de terres, toujours en cours de traitement au tribunal de Papeete date de 1979
Au 30 juin 2015, 925 dossiers sont en cours de traitement et passeront en jugement dans les prochains mois.
Au 30 juin 2015, 925 dossiers sont en cours de traitement et passeront en jugement dans les prochains mois.
Définition d'indivision
Indivision : Après le décès et avant le partage de la succession, les héritiers sont propriétaires des biens du défunt dans l'indivision, c'est-à-dire qu'ils appartiennent à l'ensemble des héritiers. Des règles relatives aux droits des indivisaires et à la prise de décision encadrent la gestion du patrimoine en commun. La part de chaque indivisaire est identifiée sous forme de quote-part. Les héritiers peuvent aussi choisir de conclure une convention d'indivision.
(Source : site du service public)
Indivision : Après le décès et avant le partage de la succession, les héritiers sont propriétaires des biens du défunt dans l'indivision, c'est-à-dire qu'ils appartiennent à l'ensemble des héritiers. Des règles relatives aux droits des indivisaires et à la prise de décision encadrent la gestion du patrimoine en commun. La part de chaque indivisaire est identifiée sous forme de quote-part. Les héritiers peuvent aussi choisir de conclure une convention d'indivision.
(Source : site du service public)