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Casinos : Patrick Galenon souhaite un débat public et rationnel


Casinos : Patrick Galenon souhaite un débat public et rationnel
Le secrétaire général du syndicat CSTP-FO et cosignataire d’un appel intersyndical adressé au gouvernement le 7 août dernier pour le sommer de mettre en oeuvre une politique planifiée et axée sur le développement de l'industrie du Tourisme, Patrick Galenon s'exprime sur la question des jeux d'argent et de l'implantation ou pas de casinos, en Polynésie française. Le syndicaliste souhaite qu'un débat soit mis en place sur ce thème pour en finir avec une certaine forme d'hypocrisie. Un débat rationnel, au sein duquel tout le monde puisse exprimer son point de vue. "Ce que je sais", explique-t-il, "c’est qu’il y a déjà beaucoup de jeux d’argent qui se pratiquent ici, légalement comme le Loto, illégalement comme le Kikiriri (jeu de dés, ndlr), les combats de coqs… alors est-ce une bonne chose de réglementer et mieux contrôler cette activité ?"


Tahiti infos : Sur la chaîne Polynésie 1ère, dimanche 19 août, le président Oscar Temaru a encore évoqué son opposition à l’implantation de casinos en Polynésie parce que source de « pauvreté et de misère ». Partagez-vous ce point de vue ?

Patrick Galenon : Je pense que le président du Pays n’est pas assez précis : s’agit-il d’une misère morale, sociale ou économique ? Je pense qu’il faut demander au président ce qu’il en pense vraiment. S’il pense à une forme de misère morale, c’est vrai qu’il existe chez certaines personnes une addiction aux jeux qui conduit parfois des familles entières à la ruine. C’est tout à fait réel, ce phénomène existe déjà en Polynésie. Et il incombe justement au gouvernement de définir les règles, qui permettraient d’éviter ces dérives.
Le jeu existe aujourd’hui en Polynésie : il y a la Française des jeux et le Loto est un jeu d’argent. Tout le monde peut y jouer des plus pauvres aux plus riches. (…) Il y a de nombreux tripots « clandestins », en Polynésie également -- inutile de se voiler la face --, et le jeu s’y pratique sans aucun contrôle, ni réglementation.
Je pense que le casino permettrait de mettre en place une réglementation de cette activité (…).
La réalité c’est qu’il y a des riches et des pauvres en Polynésie et le jeu permet à tout le monde de rêver : les uns vont dépenser leur argent à Las Vegas ou Auckland ; les autres le dépensent ici, parfois dans la clandestinité. Si un casino permet légalement d’apporter des ressources financières à la Polynésie, je ne vois pas d’inconvénient, tant que l’activité est parfaitement réglementée et sous contrôle.
Je souhaite juste qu’un débat soit ouvert à ce sujet-là, notamment avec les confessions religieuses, avec une participation de la société civile, des syndicats et des représentants divers et pourquoi pas au CESC (Conseil économique social et culturel, ndlr). La religion a une voix forte, je comprends qu’elle s’oppose à l‘implantation de casinos en Polynésie, si elle aperçoit derrière cela quelque chose de mauvais. Mais je pense qu’un débat rationnel doit être ouvert sur ce thème, et que tout le monde doit s’y exprimer.


Tahiti infos : Ce débat rationnel n’a pas lieu ; pensez-vous que le sujet est tabou ?

Patrick Galenon : Ce n’est pas un sujet tabou : combien de Polynésiens vont à Hong Kong, en Nouvelle Zélande ou à Las Vegas, chaque année, pour jouer au casino ? Alors si c’est pour aller à l’extérieur jouer la carte de l’hypocrisie… Non, ce débat doit être abordé par la société civile et avec le gouvernement. Les religions ont leur mot à dire également. Je pense que si le sujet était abordé au CESC, qui est une institution, tout le monde pourrait y exprimer sa position et ses inquiétudes.
Le monde moderne est un environnement où la spéculation se déroule à l’échelle planétaire. Des opérations boursières sur le blé ou le maïs peuvent affamer des populations entières dans le sud ; lorsqu’on parle de subprimes, on se rend bien compte que des spéculateurs ont joué avec l’argent des gens. Tout ça c’est une réalité, alors il faut arrêter de focaliser sur les casinos : on peut les contrôler, les réglementer ; je pense qu’il faut avoir une vision beaucoup plus globale et ne pas dramatiser.


Tahiti infos : Vous pensez que l’installation de casinos est souhaitable en Polynésie française ?

Patrick Galenon : Je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Ce que je sais, c’est qu’il y a déjà beaucoup de jeux d’argent qui se pratiquent ici, légalement comme le Loto, illégalement comme le Kikiriri (jeu de dés, ndlr), les combats de coqs… alors est-ce une bonne chose de réglementer et mieux contrôler cette activité ?
Le jeu d’argent a fait naître Las Vegas, qui était un désert, a aidé au développement de Hong Kong et Macao ; la principauté de Monaco s’est développé grâce à l’industrie du jeu. Il ne me semble pas que toutes ces destinations souffrent d’une criminalité particulièrement développée.
Ces destinations-là m’ont l’air relativement riches et aisées, au contraire.
Je crois que l’installation de l’industrie du jeu pourrait apporter un plus pour l’industrie du tourisme, en Polynésie.
Mais le plus important aujourd’hui, c’est qu’il y ait un débat sur ce thème là, rationnel, et que tout le monde y participe.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 20 Août 2012 à 17:17 | Lu 2720 fois