Wilhelm Solf effectua un travail remarquable en tant que gouverneur : il prit ses fonctions en 1900. En 1908, les Samoa étaient devenues autonomes économiquement parlant et n’avaient plus besoin de recevoir la moindre aide financière de l’Allemagne. Cela dura jusqu’en 1914. Après, ce fut l’engrenage vers la pauvreté.
SAMOA, le 16 mars 2017. Wilhelm Solf, parfait inconnu dans nos manuels d’histoire, mérite-t-il deux pages à sa gloire ? Celui qui fut, dix années durant, le premier gouverneur allemand des Samoa est resté très présent dans la mémoire des Samoans, tous reconnaissant que sous son “règne”, leur chapelet d’îles, devenues aujourd’hui l’Etat des Samoa (pauvre et sous-développé) a connu à la fois la paix, l’ordre et la prospérité. Une période de l’histoire des Samoa (de 1900 à 1910 en ce qui concerne Solf) qui reste comme la décennie dorée de l’époque coloniale samoane.
Les îles Samoa, contrairement à leurs voisines les Tonga, qui purent rester indépendantes, connurent une double colonisation. Trois puissances, à la fin du XIXe siècle, lorgnaient sur cet archipel polynésien : l’Angleterre, l’Allemagne et les Etats-Unis.
Les îles Samoa, contrairement à leurs voisines les Tonga, qui purent rester indépendantes, connurent une double colonisation. Trois puissances, à la fin du XIXe siècle, lorgnaient sur cet archipel polynésien : l’Angleterre, l’Allemagne et les Etats-Unis.
Dix ans de crise et de guerre
En 1889, le traité de Berlin organisa une monarchie sur l’archipel, lui garantissant son indépendance. Mais c’était sans compter sur les divisions intestines entre Samoans eux-mêmes, la crise se déroulant en deux temps, et prenant fin en 1899, après ce que l’on peut appeler une véritable guerre dans laquelle s’impliquèrent les trois puissances étrangères déjà nommées.
La convention tripartite de 1899 partagea les Samoa en deux : les Samoa sous domination allemande et celles sous domination américaine (les actuelles Samoa US). L’Angleterre, exclue du partage, se consola en faisant main basse sur une grande partie des îles Salomon.
La convention tripartite de 1899 partagea les Samoa en deux : les Samoa sous domination allemande et celles sous domination américaine (les actuelles Samoa US). L’Angleterre, exclue du partage, se consola en faisant main basse sur une grande partie des îles Salomon.
Le commerce d’abord…
La paix signée, la partition faite, il restait aux Allemands à faire la preuve de leur capacité à gouverner leurs îles polynésiennes. Des entreprises d’Outre-Rhin étaient déjà installées de longue date sur place, exploitant de vastes cocoteraies, mais aussi des plantations d’hévéas et surtout de cacao, fort réputé. Sans compter bien d’autres cultures expérimentales comme le palmier “tagua”, introduit depuis l’Equateur, et fournisseur d’ivoire végétal.
On devait au chancelier Otto von Bismarck cette célèbre phrase, qui illustrait bien la conception que les Allemands se faisaient de la colonisation d’une terre : “les commerçants avant les soldats”. En clair, exploration commerciale nécessaire avant toute velléité d’implantation politique, histoire de vérifier que le territoire convoité en valait la chandelle.
On devait au chancelier Otto von Bismarck cette célèbre phrase, qui illustrait bien la conception que les Allemands se faisaient de la colonisation d’une terre : “les commerçants avant les soldats”. En clair, exploration commerciale nécessaire avant toute velléité d’implantation politique, histoire de vérifier que le territoire convoité en valait la chandelle.
Certains contestataires expulsés
Aux Samoa, l’Allemagne décida donc d’envoyer sur place, à Apia, un politicien et homme d’action rompu à l’administration d’une collectivité, Wilhelm Solf, qui prit la pleine mesure de sa tache en organisant son travail sur plusieurs fronts : politiquement, les revendications samoanes (retrouver indépendance et royauté) n’étaient pas si loin, mais pour Solf, une décennie de crise et de guerre l’avait convaincu, comme les autres Occidentaux de l’archipel d’ailleurs, que les Samoans étaient incapables de s’administrer seuls.
La partition de l’archipel faite, l’Allemagne étant dans son droit sur le plan international, pas question de perdre son temps à gérer une nouvelle crise politique. Les chefs qui ne renonçaient pas à s’agiter furent fermement rappelés à l’ordre et pour certains, les plus récalcitrants, expulsés du territoire.
La partition de l’archipel faite, l’Allemagne étant dans son droit sur le plan international, pas question de perdre son temps à gérer une nouvelle crise politique. Les chefs qui ne renonçaient pas à s’agiter furent fermement rappelés à l’ordre et pour certains, les plus récalcitrants, expulsés du territoire.
Priorité aux infrastructures
Solf, par ailleurs, entendaient bien développer les affaires et il s’y employa avec une rare énergie : les entreprises allemandes produisaient, mais elles payaient des taxes, car Berlin était bien loin et l’Allemagne n’avait pas l’intention de subventionner à perte et à vie son nouveau territoire (Berlin n’envoya plus un sou à partir de 1908, la colonie suffisant à couvrir ses propres besoins financiers).
Au temps de ce gouverneur énergique, les Samoa devinrent excédentaires en termes de commerce international, et elles le devinrent d’autant plus que Solf fit tracer des routes, bâtir des ponts, assainir des secteurs, ce qui donna aux entreprises allemandes des infrastructures pour poursuivre leur développement. Solf avait lancé un cercle vertueux : plus les entreprises produisaient, plus elles payaient de taxes et plus elles bénéficiaient en retour d’équipements utiles à leur développement.
Au temps de ce gouverneur énergique, les Samoa devinrent excédentaires en termes de commerce international, et elles le devinrent d’autant plus que Solf fit tracer des routes, bâtir des ponts, assainir des secteurs, ce qui donna aux entreprises allemandes des infrastructures pour poursuivre leur développement. Solf avait lancé un cercle vertueux : plus les entreprises produisaient, plus elles payaient de taxes et plus elles bénéficiaient en retour d’équipements utiles à leur développement.
Ecoles, infirmeries, hôpital…
Pour autant, Solf n’était pas qu’un colonisateur âpre au gain : il était conscient de la décennie traversée par les Samoans ; il avait devant lui une population très en retard sur le plan de la santé ou de l’éducation et il jugea, avec beaucoup de sagesse, que cet enrichissement de la colonie samoane devait aussi et avant tout profiter aux Samoans eux-mêmes.
Certes, ils n’étaient pas des foudres de guerre au travail et Solf dut laisser les compagnies allemandes importer de la main d’œuvre étrangère (deux mille Chinois environ, sans compter les ouvriers enrôlées en Nouvelle-Guinée), mais enfin, ces Polynésiens indolents et charmants méritaient de bénéficier des bienfaits de la colonisation : écoles, infirmeries, hôpital, le troisième front (social) sur lequel s’illustra Wilhelm Solf est celui qui a laissé le meilleur souvenir de ce gouverneur entreprenant ; il alla même jusqu’à ouvrir une école d’infirmières destinée à former la jeunesse samoane, et plus particulièrement les femmes, appelées à sortir de la traditionnelle cellule familiale.
Certes, ils n’étaient pas des foudres de guerre au travail et Solf dut laisser les compagnies allemandes importer de la main d’œuvre étrangère (deux mille Chinois environ, sans compter les ouvriers enrôlées en Nouvelle-Guinée), mais enfin, ces Polynésiens indolents et charmants méritaient de bénéficier des bienfaits de la colonisation : écoles, infirmeries, hôpital, le troisième front (social) sur lequel s’illustra Wilhelm Solf est celui qui a laissé le meilleur souvenir de ce gouverneur entreprenant ; il alla même jusqu’à ouvrir une école d’infirmières destinée à former la jeunesse samoane, et plus particulièrement les femmes, appelées à sortir de la traditionnelle cellule familiale.
Nommé secrétaire aux colonies
Sur le plan politique, si Solf n’hésita pas à expulser certains meneurs samoans, il eut l’habilité de remettre en place, en les intégrant dans le fonctionnement administratif de la colonie, les institutions samoanes, notamment les conseils des anciens.
Le travail à Apia de Wilhelm Solf fut si exemplaire, l’efficacité de ses méthodes si éprouvée que Berlin le rappela en 1910 pour le nommer secrétaire aux Colonies, responsable de tout l’empire allemand (Afrique, Pacifique…). Pour éviter toute rupture dans le fonctionnement de la colonie samoane, les Allemands eurent la sagesse de ne pas parachuter un illustre inconnu sur place pour succéder à Solf ; ils nommèrent, au contraire, un homme de terrain, le juge suprême du territoire, qui tint les rennes du pays jusqu’en 1914, année qui marqua le commencement de la Grande guerre.
Pour les Américains, mais plus encore pour les Anglais, pas question alors de laisser les Allemands avoir pignon sur rue en Océanie : le 29 août 1914, un corps expéditionnaire anglais débarqua aux Samoa, troupes formées essentiellement de soldats mobilisés en Nouvelle-Zélande. Les Allemands résistèrent (quatre Anglais furent tués), mais ils savaient le combat perdu d’avance. Leur garnison comptait une centaine d’hommes. Face à eux, quatre croiseurs puissamment armés et pas mois de 1400 soldats aguerris.
Le travail à Apia de Wilhelm Solf fut si exemplaire, l’efficacité de ses méthodes si éprouvée que Berlin le rappela en 1910 pour le nommer secrétaire aux Colonies, responsable de tout l’empire allemand (Afrique, Pacifique…). Pour éviter toute rupture dans le fonctionnement de la colonie samoane, les Allemands eurent la sagesse de ne pas parachuter un illustre inconnu sur place pour succéder à Solf ; ils nommèrent, au contraire, un homme de terrain, le juge suprême du territoire, qui tint les rennes du pays jusqu’en 1914, année qui marqua le commencement de la Grande guerre.
Pour les Américains, mais plus encore pour les Anglais, pas question alors de laisser les Allemands avoir pignon sur rue en Océanie : le 29 août 1914, un corps expéditionnaire anglais débarqua aux Samoa, troupes formées essentiellement de soldats mobilisés en Nouvelle-Zélande. Les Allemands résistèrent (quatre Anglais furent tués), mais ils savaient le combat perdu d’avance. Leur garnison comptait une centaine d’hommes. Face à eux, quatre croiseurs puissamment armés et pas mois de 1400 soldats aguerris.
Aujourd’hui, un pays pauvre
Le pouvoir politique et économique changea de mains, et au final, la Nouvelle-Zélande administra les Samoa occidentales de 1920 à 1962, année de la proclamation de l’indépendance. Entre temps, les prospères Samoa étaient devenues un territoire pauvre, sans grandes ressources ; certes, on y produit encore du coprah, du cacao, des bananes, du café, mais 40 % au moins du PNB est fourni par l’aide internationale, tandis qu’une forte immigration (50 % de la population) a abouti à l’installation de dizaines de milliers de Samoans à l’étranger (Nouvelle-Zélande, Australie, Samoa US, Etats-Unis…). Le temps de la prospérité est bien loin…
Daniel Pardon
Daniel Pardon
Une photo de Solf (au centre en costume et chapeau blanc) lorsqu’il prit ses fonctions au Tanganyika (devenu la Tanzanie).
Le 1er mars 1900, l’Allemagne levait ses couleurs sur une partie de l’archipel des Samoa.
Un brillant diplomate bardé de diplômes
Lorsque le drapeau allemand fut hissé officiellement sur Apia, le 1er mars 1900, Wilhelm Solf allait avoir 38 ans. Né à Berlin le 5 octobre 1862, il s’illustra d’abord en tant qu’étudiant à Halle, où il suivit un cursus très spécialisé, axé sur l’Orient (nous dirions “langues O” en français). Il avait, en effet, étudié les civilisations orientales et il pouvait se targuer de parler le perse, l’hindi, l’ourdou et le sanscrit (de cette dernière langue il fut même un grammairien réputé). Une spécialité qui lui valut d’être nommé, après un passage à Londres, au consulat de Calcutta jusqu’en 1891. La diplomatie ne le passionnait pas outre mesure ; il rentra alors en Allemagne, suivit des études de droit et devint magistrat à la cour d‘appel de Weinmar. Ambitieux et doué pour les études, il réussit un doctorat de droit à Göttingen avant de replonger dans la diplomatie en intégrant, en 1896 le ministère des Affaires étrangères. Son désir de s’expatrier était manifeste ; il obtint satisfaction avec un premier poste de juge au Tanganyika (actuelle Tanzanie) en 1898, avant d’être nommé au conseil municipal d’Apia en 1899, puis de devenir le gouverneur de la colonie allemande des Samoa en 1900. Son intelligence, son efficacité, son humanité aussi lui valurent d’être nommé secrétaire d’Etat aux Colonies. Si son patriotisme ne fut pas à mettre en doute lors de la guerre de 14-18, il voyait plus loin et comprit que cette guerre serait perdue. Elle devait l’être dans de bonnes conditions pour l’Allemagne et il participa à des négociations en 1917, au terme desquelles les Allemands conserveraient, une fois la paix signée, leur empire. Mais il avait, en face de lui, des jusqu’au-boutistes allemands et ce fut finalement la paix de 1918, humiliante pour l’Allemagne, perdant tout son empire colonial, entre autres sanctions. En 1918, il devint ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, avant d’être nommé ambassadeur au Japon de 1920 jusqu’à 1928. Il savait que le traité de Versailles allait provoquer chez les Allemands un désir de vengeance (concrétisé par Hitler), mais malgré les conséquences funestes de la défaite de 1918, il n’adhéra jamais à l’idéologie du “socialisme national” d’Hitler et de sa clique. Marié à Johanna Dotti, qui avait 25 ans de moins que lui, il en eut une fille, Lagi. Il décéda à Berlin le 6 février 1936, dans sa 74e année, échappant ainsi à l’effroyable désastre humain et matériel que fut le Seconde guerre mondiale. Il repose au cimetière des Invalides, à Berlin.
Le gouverneur allemand en balade à cheval, allant inspecter à l’improviste quelques plantations. Il se souciait de leur rendement autant que du bien-être de ceux qui y travaillaient.
Fascinante Océanie…
Les Prussiens d’abord, les Allemands ensuite, étaient fascinés par l’Océanie et très désireux d’étendre leur empire, bien maigre comparé à celui de la Grande-Bretagne ou même de la France. A la fin du XIXe siècle, les commerçants venus d’Outre Rhin étaient nombreux à tenter leur chance dans notre région et les comptoirs allemands (bêches de mer, café, cacao, coprah, écailles de tortue, nacre, etc.) souvent très prospères, y compris dans les régions les plus hostiles, laissées vierges par les Anglais et les Français. C’est ainsi que les Allemands furent très présents en Nouvelle-Guinée, mais également aux îles Salomon, en plus de leur intérêt pour les Samoa.
Cette très belle chromolithographie allemande, datée de 1894, imprimée à Liepzig montre l’intérêt que l’Océanie présentait aux yeux de la Prusse puis de l’Allemagne, ses populations faisant rêver de terre exotiques.
1, Fidji, 2 Tasmanie, 3 Australie du Sud, 4 Nouvelle-Zélande, 5 Nouvelle-Bretagne, 6 Samoa (tatoueur), 7 Nouvelle-Irlande, 8 Carolines (Ponape), 9 îles de l’Amirauté, 10, Tonga, 11 Nouvelle-Irlande, 12 Samoa, 13 et 14 îles Marshall (homme et femme).
Cette très belle chromolithographie allemande, datée de 1894, imprimée à Liepzig montre l’intérêt que l’Océanie présentait aux yeux de la Prusse puis de l’Allemagne, ses populations faisant rêver de terre exotiques.
1, Fidji, 2 Tasmanie, 3 Australie du Sud, 4 Nouvelle-Zélande, 5 Nouvelle-Bretagne, 6 Samoa (tatoueur), 7 Nouvelle-Irlande, 8 Carolines (Ponape), 9 îles de l’Amirauté, 10, Tonga, 11 Nouvelle-Irlande, 12 Samoa, 13 et 14 îles Marshall (homme et femme).
A lire
Samoa, d’Erich Scheurmann (1926).
Superbe compilation de 140 photos de l’âge d’or des Samoa allemandes (textes en allemand).
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En 1910, les Samoa fêtèrent avec faste les dix ans d’administration allemande. La colonie était alors prospère et excédentaire financièrement.
Un portrait de Wilhelm Solf une fois rentré en Allemagne.
Portrait d’un guerrier samoan, avec son collier fait de pièces d’ivoire taillées dans des dents de cachalots.
Belle jeune femme samoane de haut rang.