Le plus célèbre portrait de Truganini ; sa vie fut cauchemardesque et même dans la mort, les Blancs ne la respectèrent pas.
TASMANIE, le 4 février 2016. Née vers 1812, Truganini l’Aborigène eut une vie que l’on peut apparenter à un long calvaire de plus de 60 ans, calvaire qui se poursuivit après sa mort, puisque malgré ses suppliques (des funérailles dignes), la dernière Tasmanienne fut désossée et exposée dans une vitrine du musée de Hobart jusqu’en 1947. Récit, en forme d’hommage, à une femme symbole du colonialisme anglo-saxon de l’époque.
On ne connaît pas sa date de naissance avec précision, ni même son nom de famille. Truganini avait vu le jour dans la petite île Bruny, 362 km2 de rochers battus par les vents, sur la côte sud-est de la Tasmanie. Des navigateurs célèbres se succédèrent dans ses eaux : Abel Tasman (novembre 1642), Tobias Furneaux (1773), James Cook (26 janvier 1777), James Bligh (en 1788 et 1792), Nicolas Baudin (1802), etc. Trois naturalistes et scientifiques français de l’expédition de Baudin vécurent dans l’intimité d’un groupe de femmes Aborigènes, dont Arra-Maïda, et leurs notes ont fourni une moisson d’informations anthropologiques de qualité (“Voyage de découvertes aux terres australes”, François Péron, 1807). Aujourd’hui, les six cents habitants de l’île Bruny vivent du tourisme, de la pêche, de l’élevage et de l’exploitation du bois. Mais sur ces six cents résidents, aucun n’est véritablement Tasmanien, entendez Aborigène, pas plus qu’il n’en reste un seul dans toute la Tasmanie, puisque tous ont été impitoyablement décimés par les Anglais. Et justement, c’est une petite femme de l’île Bruny qui fut la toute dernière représentante de ce peuple aujourd’hui éteint.
Massacrés en moins de trente ans
Des dizaines de milliers d’années avant les premiers Européens, les Aborigènes débarquèrent en Tasmanie (91 000 km2 environ). Jusqu’à une première installation britannique en 1803, ils y vécurent heureux, entre eux. Ensuite, tout alla très vite et ces Aborigènes furent définitivement rayés de la carte en 1876, après avoir été allègrement emportés par les maladies amenées par les Européens et massacrés entre 1820 et 1830, au cours de la sinistre “guerre noire” : de huit mille, peut-être quinze mille en 1803, ils n’étaient plus qu’une centaine en 1830.
Signalons, pour achever de brosser le portrait de cette époque sombre de l’histoire de l’Australie qu’en 1842, le gouvernement britannique interdisait officiellement la “chasse à l’homme” pour se débarrasser des Abos ; mais, malheureusement, cette loi ne s’appliqua pas en Tasmanie où le “gibier” noir resta dans la ligne de mire des chasseurs…
Une adolescence tragique
Truganini naquit donc vers 1812, alors que son peuple se heurtait aux premiers colons anglais. Elle n’était pas n’importe qui, puisque son père était Mangana, chef de la tribu peuplant l’île Bruny. Son adolescence fut tragique : sa mère a été tuée par des baleiniers lors d’une escale. Le fiancé de Truganini fut abattu par des bûcherons qui violèrent l’une de ses sœurs et qui la violèrent elle-même à de multiples reprises. Son oncle, enfin, fut tué par un soldat. Elle avait deux autres sœurs, Lowhenunhue et Maggerleede, qui furent enlevées et emmenées afin d’être vendues comme esclaves sur l’île Kangourou (au large d’Adélaïde). Truganini survécut à ces désastres successifs, et se maria même, avec un garçon de son peuple nommé Woorrady (mais il décéda peu de temps après).
1re déportation à 18 ans
En 1830, elle est déportée sur l’île Flinders (au nord de la Tasmanie) avec une centaine d’Abos, ultimes survivants du grand massacre des Tasmaniens indigènes. Officiellement, il s’agit, pour les autorités anglaises, de les sauver ! La politique de Georges Augustus Robinson, “protecteur officiel des Aborigènes”, est en effet celle de l’apartheid totale : les Blancs ayant confisqué à peu près cent pour cent de la Tasmanie, il décide, dans un réel souci humanitaire, que les derniers Abos seront entassés dans une réserve. Ils étaient supposés être ainsi à l’abri de la société blanche ; en fait, ils continuèrent à mourir, notamment de la grippe, cadeau de leurs geôliers.
Précisons que dès 1824, les Blancs qui amenaient aux autorités des Aborigènes étaient récompensés pour leur aide à appliquer la ségrégation instaurée par le gouverneur d’alors, George Arthur.
Truganini hors la loi
Truganini, qui n’est pas bête et qui veut sauver sa peau, est remarquée par Robinson. Le sort des Abos du continent australien n’est pas meilleur que celui des Abos de Tasmanie et elle accepte, en 1838, d’aider Robinson à installer, avec quelques-uns de ses compagnons de déportation, un camp sur l’île continent, à Port Philip, pour sauver les indigènes qui pouvaient encore l’être.
Sur place, la vie concentrationnaire des Aborigènes est difficile ; ils se révoltent et Truganini les aide. Elle prend même le maquis avec quatre Tasmaniens, après deux années passées à Port Philip. Le chef de la petite bande est un dénommé Tunnerminnerwait ; ils volent, attaquent des paysans autour de Dandenong et finissent par se faire arrêter, après que deux baleiniers eurent été assassinés. Dans la bagarre, lors de l’arrestation, Truganini reçoit une balle dans la tête ; elle sera soignée par le docteur Hugh Anderson à Bass River. Deux des meneurs du petit groupe de révoltés sont reconnus coupables de meurtre et pendus le 20 janvier 1842 ; quelques mois plus tard, Truganini sort de prison pour être renvoyée à l’île Flinders.
14 ultimes survivants en 1861
Les Britanniques n’en ont pas encore fini avec les derniers Tasmaniens : en 1856, les survivants sont à nouveau déportés, cette fois-ci à Oyster Coven, au sud de la ville de Hobart. En 1861 le “Colonial Office” révèle qu’il ne reste plus que quatorze Aborigènes tasmaniens encore en vie, tous des adultes : neuf femmes, cinq hommes. Quatre couples sont formés. Cinq des femmes et quatre des hommes ont plus de 45 ans. Depuis des années, aucun enfant n’est venu au monde parmi eux ; le souffle de la vie parait les avoir abandonnés. Une des femmes est mariée à un Blanc dont elle a un enfant, un métis, alors décrit comme étant en parfaite santé. Le groupe, selon le rapport, est entretenu aux frais de la collectivité et s’adonne à la boisson. Que pouvaient-ils faire d’autre, parqués comme des animaux et “arrosés” d’alcool ?
La fin de la vie de Truganini fut aussi tragique que le début : à nouveau déportée à Melbourne, elle aurait eu un enfant, une fille nommée Louisa Esmai, avec un certain John Shugnow ou Strugnell, à Point Nepean (Etat du Victoria). Elle cacha l’enfant aux autorités, qui les enlevaient à leur famille pour les éduquer chez les Blancs. L’enfant fut caché par des Aborigènes de la région et Truganini pourchassée et capturée.
Seule survivante en 1873
En 1873, Truganini était la seule survivante des quatorze rescapés de Oyster Cove. Elle fut installée à Hobart, où elle vécut encore trois ans dans la tristesse et dans l’angoisse : elle ne voulait pas que son corps soit livré aux Blancs comme un objet de curiosité. Le 7 mai 1876, épuisée par une vie saccagée, la dernière survivante du génocide tasmanien s’éteignit ; sa volonté d’être respectée post-mortem ne fut pas prise en compte très longtemps. Certes, elle fut enterrée “normalement” au “Female Factory” de Cascades, banlieue de Hobart, mais dans ses dernières volontés, elle avait été claire : que ses cendres soient dispersées dans le canal D’Entrecasteaux, ce bras de mer qui sépare la Tasmanie de son île natale de Bruny. Elle avait, en effet, une peur atroce d’être disséquée une fois morte et analysée à des fins pseudo scientifiques, comme ce fut le cas d’un des derniers Aborigènes de Tasmanie, William Lanne, alias King Billy, qui fut, dit-on, le dernier mari de Truganini (il décéda le 3 mars 1869).
Malgré ses vœux, les autorités décidèrent de passer outre. Deux ans après ses funérailles, son squelette fut exhumé par la Royal Society of Tasmania, nettoyé et, plus tard, exposé au musée de Hobart, le Tasmanian Museum, dans une vitrine, avec la sinistre mention de son identité et de son statut de “dernière Aborigène de Tasmanie”.
Ce n’est qu’en 1947 que l’indécence de cette odieuse mise en scène parut assez évidente aux Australiens pour que son squelette regagne les réserves du musée. Et ce n’est qu’en 1976, en avril, près d’un siècle après son décès, que les restes de Truganini firent l’objet d’une crémation et que ses cendres furent enfin dispersées, comme la malheureuse l’avait souhaité...
Daniel Pardon
On ne connaît pas sa date de naissance avec précision, ni même son nom de famille. Truganini avait vu le jour dans la petite île Bruny, 362 km2 de rochers battus par les vents, sur la côte sud-est de la Tasmanie. Des navigateurs célèbres se succédèrent dans ses eaux : Abel Tasman (novembre 1642), Tobias Furneaux (1773), James Cook (26 janvier 1777), James Bligh (en 1788 et 1792), Nicolas Baudin (1802), etc. Trois naturalistes et scientifiques français de l’expédition de Baudin vécurent dans l’intimité d’un groupe de femmes Aborigènes, dont Arra-Maïda, et leurs notes ont fourni une moisson d’informations anthropologiques de qualité (“Voyage de découvertes aux terres australes”, François Péron, 1807). Aujourd’hui, les six cents habitants de l’île Bruny vivent du tourisme, de la pêche, de l’élevage et de l’exploitation du bois. Mais sur ces six cents résidents, aucun n’est véritablement Tasmanien, entendez Aborigène, pas plus qu’il n’en reste un seul dans toute la Tasmanie, puisque tous ont été impitoyablement décimés par les Anglais. Et justement, c’est une petite femme de l’île Bruny qui fut la toute dernière représentante de ce peuple aujourd’hui éteint.
Massacrés en moins de trente ans
Des dizaines de milliers d’années avant les premiers Européens, les Aborigènes débarquèrent en Tasmanie (91 000 km2 environ). Jusqu’à une première installation britannique en 1803, ils y vécurent heureux, entre eux. Ensuite, tout alla très vite et ces Aborigènes furent définitivement rayés de la carte en 1876, après avoir été allègrement emportés par les maladies amenées par les Européens et massacrés entre 1820 et 1830, au cours de la sinistre “guerre noire” : de huit mille, peut-être quinze mille en 1803, ils n’étaient plus qu’une centaine en 1830.
Signalons, pour achever de brosser le portrait de cette époque sombre de l’histoire de l’Australie qu’en 1842, le gouvernement britannique interdisait officiellement la “chasse à l’homme” pour se débarrasser des Abos ; mais, malheureusement, cette loi ne s’appliqua pas en Tasmanie où le “gibier” noir resta dans la ligne de mire des chasseurs…
Une adolescence tragique
Truganini naquit donc vers 1812, alors que son peuple se heurtait aux premiers colons anglais. Elle n’était pas n’importe qui, puisque son père était Mangana, chef de la tribu peuplant l’île Bruny. Son adolescence fut tragique : sa mère a été tuée par des baleiniers lors d’une escale. Le fiancé de Truganini fut abattu par des bûcherons qui violèrent l’une de ses sœurs et qui la violèrent elle-même à de multiples reprises. Son oncle, enfin, fut tué par un soldat. Elle avait deux autres sœurs, Lowhenunhue et Maggerleede, qui furent enlevées et emmenées afin d’être vendues comme esclaves sur l’île Kangourou (au large d’Adélaïde). Truganini survécut à ces désastres successifs, et se maria même, avec un garçon de son peuple nommé Woorrady (mais il décéda peu de temps après).
1re déportation à 18 ans
En 1830, elle est déportée sur l’île Flinders (au nord de la Tasmanie) avec une centaine d’Abos, ultimes survivants du grand massacre des Tasmaniens indigènes. Officiellement, il s’agit, pour les autorités anglaises, de les sauver ! La politique de Georges Augustus Robinson, “protecteur officiel des Aborigènes”, est en effet celle de l’apartheid totale : les Blancs ayant confisqué à peu près cent pour cent de la Tasmanie, il décide, dans un réel souci humanitaire, que les derniers Abos seront entassés dans une réserve. Ils étaient supposés être ainsi à l’abri de la société blanche ; en fait, ils continuèrent à mourir, notamment de la grippe, cadeau de leurs geôliers.
Précisons que dès 1824, les Blancs qui amenaient aux autorités des Aborigènes étaient récompensés pour leur aide à appliquer la ségrégation instaurée par le gouverneur d’alors, George Arthur.
Truganini hors la loi
Truganini, qui n’est pas bête et qui veut sauver sa peau, est remarquée par Robinson. Le sort des Abos du continent australien n’est pas meilleur que celui des Abos de Tasmanie et elle accepte, en 1838, d’aider Robinson à installer, avec quelques-uns de ses compagnons de déportation, un camp sur l’île continent, à Port Philip, pour sauver les indigènes qui pouvaient encore l’être.
Sur place, la vie concentrationnaire des Aborigènes est difficile ; ils se révoltent et Truganini les aide. Elle prend même le maquis avec quatre Tasmaniens, après deux années passées à Port Philip. Le chef de la petite bande est un dénommé Tunnerminnerwait ; ils volent, attaquent des paysans autour de Dandenong et finissent par se faire arrêter, après que deux baleiniers eurent été assassinés. Dans la bagarre, lors de l’arrestation, Truganini reçoit une balle dans la tête ; elle sera soignée par le docteur Hugh Anderson à Bass River. Deux des meneurs du petit groupe de révoltés sont reconnus coupables de meurtre et pendus le 20 janvier 1842 ; quelques mois plus tard, Truganini sort de prison pour être renvoyée à l’île Flinders.
14 ultimes survivants en 1861
Les Britanniques n’en ont pas encore fini avec les derniers Tasmaniens : en 1856, les survivants sont à nouveau déportés, cette fois-ci à Oyster Coven, au sud de la ville de Hobart. En 1861 le “Colonial Office” révèle qu’il ne reste plus que quatorze Aborigènes tasmaniens encore en vie, tous des adultes : neuf femmes, cinq hommes. Quatre couples sont formés. Cinq des femmes et quatre des hommes ont plus de 45 ans. Depuis des années, aucun enfant n’est venu au monde parmi eux ; le souffle de la vie parait les avoir abandonnés. Une des femmes est mariée à un Blanc dont elle a un enfant, un métis, alors décrit comme étant en parfaite santé. Le groupe, selon le rapport, est entretenu aux frais de la collectivité et s’adonne à la boisson. Que pouvaient-ils faire d’autre, parqués comme des animaux et “arrosés” d’alcool ?
La fin de la vie de Truganini fut aussi tragique que le début : à nouveau déportée à Melbourne, elle aurait eu un enfant, une fille nommée Louisa Esmai, avec un certain John Shugnow ou Strugnell, à Point Nepean (Etat du Victoria). Elle cacha l’enfant aux autorités, qui les enlevaient à leur famille pour les éduquer chez les Blancs. L’enfant fut caché par des Aborigènes de la région et Truganini pourchassée et capturée.
Seule survivante en 1873
En 1873, Truganini était la seule survivante des quatorze rescapés de Oyster Cove. Elle fut installée à Hobart, où elle vécut encore trois ans dans la tristesse et dans l’angoisse : elle ne voulait pas que son corps soit livré aux Blancs comme un objet de curiosité. Le 7 mai 1876, épuisée par une vie saccagée, la dernière survivante du génocide tasmanien s’éteignit ; sa volonté d’être respectée post-mortem ne fut pas prise en compte très longtemps. Certes, elle fut enterrée “normalement” au “Female Factory” de Cascades, banlieue de Hobart, mais dans ses dernières volontés, elle avait été claire : que ses cendres soient dispersées dans le canal D’Entrecasteaux, ce bras de mer qui sépare la Tasmanie de son île natale de Bruny. Elle avait, en effet, une peur atroce d’être disséquée une fois morte et analysée à des fins pseudo scientifiques, comme ce fut le cas d’un des derniers Aborigènes de Tasmanie, William Lanne, alias King Billy, qui fut, dit-on, le dernier mari de Truganini (il décéda le 3 mars 1869).
Malgré ses vœux, les autorités décidèrent de passer outre. Deux ans après ses funérailles, son squelette fut exhumé par la Royal Society of Tasmania, nettoyé et, plus tard, exposé au musée de Hobart, le Tasmanian Museum, dans une vitrine, avec la sinistre mention de son identité et de son statut de “dernière Aborigène de Tasmanie”.
Ce n’est qu’en 1947 que l’indécence de cette odieuse mise en scène parut assez évidente aux Australiens pour que son squelette regagne les réserves du musée. Et ce n’est qu’en 1976, en avril, près d’un siècle après son décès, que les restes de Truganini firent l’objet d’une crémation et que ses cendres furent enfin dispersées, comme la malheureuse l’avait souhaité...
Daniel Pardon
Pour chaque Abo capturé, les chasseurs blancs touchaient une prime (5 livres pour un adulte, 2 livres pour chaque enfant) ; le “black catching” était destiné à les “sauver” en les enfermant dans des réserves.
Le mouroir des derniers Tasmaniens, Oyster Cove, et ses bâtiments lépreux, au sud-est de la Tasmanie.
La paix grâce aux Palawas
Exposé honteusement à Hobart, le squelette de Truganini était une plaie ouverte dans le cœur des métis tasmaniens nés de la rencontre entre les Européens et les Aborigènes. Si aucun Tasmanien, aujourd’hui, n’est Aborigène de “sang pur”, il n’en demeure pas moins que les enfants nés de métissages souvent hasardeux se sont regroupés et forment le “peuple Palawa”. Truganini avait passé vingt ans emprisonnée sur l’île Flinders et dix-sept ans à Oyster Cove, et n’avait pas eu droit au repos éternel dont elle avait souhaité bénéficier de la part de ses bourreaux. Dans les années 1940, les Palawa demandèrent à de multiples reprises aux autorités de décrocher du musée le squelette de Truganini. Le public qui visitait le musée demandait, lui aussi, que cet horrible “trophée” disparaisse. C’est grâce à ces protestations que Truganini regagna les réserves du musée, qui refusa cependant d’incinérer les os de la malheureuse jusqu’au 30 avril 1976, un siècle après sa mort : les restes furent incinérés au crématorium de Cornelian Bay. Sept jours avant le centième anniversaire de sa mort, ses cendres furent dispersées dans le canal D’Entrecasteaux. Signalons qu’en 2002, des morceaux de peau et des touffes de cheveux de Truganini furent renvoyés du Royal College of Surgeons of England en Tasmanie…
Exposé honteusement à Hobart, le squelette de Truganini était une plaie ouverte dans le cœur des métis tasmaniens nés de la rencontre entre les Européens et les Aborigènes. Si aucun Tasmanien, aujourd’hui, n’est Aborigène de “sang pur”, il n’en demeure pas moins que les enfants nés de métissages souvent hasardeux se sont regroupés et forment le “peuple Palawa”. Truganini avait passé vingt ans emprisonnée sur l’île Flinders et dix-sept ans à Oyster Cove, et n’avait pas eu droit au repos éternel dont elle avait souhaité bénéficier de la part de ses bourreaux. Dans les années 1940, les Palawa demandèrent à de multiples reprises aux autorités de décrocher du musée le squelette de Truganini. Le public qui visitait le musée demandait, lui aussi, que cet horrible “trophée” disparaisse. C’est grâce à ces protestations que Truganini regagna les réserves du musée, qui refusa cependant d’incinérer les os de la malheureuse jusqu’au 30 avril 1976, un siècle après sa mort : les restes furent incinérés au crématorium de Cornelian Bay. Sept jours avant le centième anniversaire de sa mort, ses cendres furent dispersées dans le canal D’Entrecasteaux. Signalons qu’en 2002, des morceaux de peau et des touffes de cheveux de Truganini furent renvoyés du Royal College of Surgeons of England en Tasmanie…
Truganini (à gauche) et celui qui fut, sans doute, son dernier mari, William Lanne, plus connu sous le nom de King Billy. Dernier “mâle” indigène de Tasmanie, à sa mort, il fut démembré, ses restes étant partagés entre la Tasmanie et l’Angleterre.
Deux clans de métis en conflit
Aujourd’hui, deux clans de métis Aborigènes/Européens ont survécu au génocide des Tasmaniens : il s’agit des Palawas et des Lia Pootah, qui, depuis 1996, sont en conflit, les Lia Pootah accusant les Palawa de s’être arrangés pour être les seuls à avoir le statut d’Aborigènes. Les deux clans se renvoient à la figure leurs ancêtres, des femmes qui eurent des enfants avec des fermiers, des soldats ou d’anciens bagnards britanniques. Depuis les années 70, les activistes Palawa (clan auquel appartenait Truganini) ont fait valoir leurs droits devant les autorités australiennes, avec des meneurs dont le plus connu est Michael Mansell. Ce sont donc les Palawa qui ont le pouvoir de dire qui est “Abo” et qui ne l’est pas, ce qui, évidemment, contrarie le besoin de reconnaissance des Lia Pootah. De fait, les Palawa contrôlent le TAC (Tasmanian Aboriginal Center) et les Lia Pootah ne s’estiment pas représentés politiquement et civilement. En 2007, les autorités suggérèrent d’introduire des tests ADN pour savoir avec précision qui, dans ces deux groupes était de sang aborigène, mais les Palawa s’opposèrent violemment à cette possibilité, estimant que le lien spirituel était plus important que le lien du sang tandis que les Lia Pootah jugèrent que le test proposé favoriserait les Palawa…Un “sac de nœuds” qui n’est pas très glorieux, convenons-en, et qui montre que la désunion des clans Aborigènes a dû rendre d’autant plus aisé le génocide dont ils furent les victimes au XIXe siècle. Pour ceux que les langues passionnent, les Palawa réintroduisent en Tasmanie leur langue d’origine, le palawa kani, une des langues vernaculaires locales.
Aujourd’hui, deux clans de métis Aborigènes/Européens ont survécu au génocide des Tasmaniens : il s’agit des Palawas et des Lia Pootah, qui, depuis 1996, sont en conflit, les Lia Pootah accusant les Palawa de s’être arrangés pour être les seuls à avoir le statut d’Aborigènes. Les deux clans se renvoient à la figure leurs ancêtres, des femmes qui eurent des enfants avec des fermiers, des soldats ou d’anciens bagnards britanniques. Depuis les années 70, les activistes Palawa (clan auquel appartenait Truganini) ont fait valoir leurs droits devant les autorités australiennes, avec des meneurs dont le plus connu est Michael Mansell. Ce sont donc les Palawa qui ont le pouvoir de dire qui est “Abo” et qui ne l’est pas, ce qui, évidemment, contrarie le besoin de reconnaissance des Lia Pootah. De fait, les Palawa contrôlent le TAC (Tasmanian Aboriginal Center) et les Lia Pootah ne s’estiment pas représentés politiquement et civilement. En 2007, les autorités suggérèrent d’introduire des tests ADN pour savoir avec précision qui, dans ces deux groupes était de sang aborigène, mais les Palawa s’opposèrent violemment à cette possibilité, estimant que le lien spirituel était plus important que le lien du sang tandis que les Lia Pootah jugèrent que le test proposé favoriserait les Palawa…Un “sac de nœuds” qui n’est pas très glorieux, convenons-en, et qui montre que la désunion des clans Aborigènes a dû rendre d’autant plus aisé le génocide dont ils furent les victimes au XIXe siècle. Pour ceux que les langues passionnent, les Palawa réintroduisent en Tasmanie leur langue d’origine, le palawa kani, une des langues vernaculaires locales.
Vraiment la dernière “Abo” de Tasmanie ?
Si Truganini est entrée dans l’histoire comme étant la dernière femme Aborigène de Tasmanie, en réalité, des recherches postérieures à son décès montrent que d’autres femmes lui survécurent. Trois d’entre elles, Sal, Suke et Betty, vivaient à Kangaroo Island, au sud de l’Australie à la fin des années 1870. Il y aurait également eu des femmes Aborigènes de Tasmanie sur l’île Flinders et l’île Lady Barron. Fanny Cochrane Smith (1834-1905) survécut une trentaine d’années à Truganini et fut reconnue, en 1889, comme la véritable dernière Aborigène de Tasmanie. Elle eut le temps d’enregistrer des chansons dans sa langue avant de décéder, seuls enregistrements en langue indigène de Tasmanie.
Si Truganini est entrée dans l’histoire comme étant la dernière femme Aborigène de Tasmanie, en réalité, des recherches postérieures à son décès montrent que d’autres femmes lui survécurent. Trois d’entre elles, Sal, Suke et Betty, vivaient à Kangaroo Island, au sud de l’Australie à la fin des années 1870. Il y aurait également eu des femmes Aborigènes de Tasmanie sur l’île Flinders et l’île Lady Barron. Fanny Cochrane Smith (1834-1905) survécut une trentaine d’années à Truganini et fut reconnue, en 1889, comme la véritable dernière Aborigène de Tasmanie. Elle eut le temps d’enregistrer des chansons dans sa langue avant de décéder, seuls enregistrements en langue indigène de Tasmanie.
Truganini (à droite) et trois autres Aborigènes de Tasmanie en 1861. Ils étaient les derniers survivants du génocide.
Truganini était déjà, de son vivant, une curiosité : divers bustes d’elle ont été réalisés (au moins deux).