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Carnet de voyage - Gambier : la cathédrale en majesté


La cathédrale St Michel mesure 48 m de long, 18 de large et 21 en hauteur ; elle date de 1841 mais les deux clochers ont été ajoutés en 1848.
La cathédrale St Michel mesure 48 m de long, 18 de large et 21 en hauteur ; elle date de 1841 mais les deux clochers ont été ajoutés en 1848.
GAMBIER, le 6 août 2018. L’une des plus extraordinaires aventures humaines de nos archipels fut la création, ex nihilo, d’une mission catholique aux Gambier à partir de 1834. La figure incontournable du père Laval flotte encore sur tout l’archipel, tant sa détermination fut grande à mener à bien sa tache. Aujourd’hui, en guise de bouquet final après déjà trois visites aux Gambier, un petit tour à la cathédrale Saint Michel de Rikitea, joyau du patrimoine architectural polynésien.

Si la réussite de l’évangélisation de l’archipel des Gambier en quelques années seulement fut à bien des égards exemplaires, un de ses aspects en fait une aventure unique dans tout le Pacifique Sud : chaque progrès de la mission se traduisit par la construction d’édifices dont certains sont encore de nos jours en parfait état alors que les ruines des autres attendent l’heure de leur restauration. Parmi ces très nombreuses réalisations, la plus grande, la plus belle, la plus symbolique est sans conteste la cathédrale Saint-Michel de Rikitea dont les travaux furent lancés avec une foi capable de déplacer des montagnes le 17 janvier 1839.

48 mètres de longueur

Les pères de la congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie (surnommés les Picpus, en rapport au siège de leur congrégation, rue Picpus à Paris), virent de suite très grand : les dimensions de l’édifice sont en effet impressionnantes ; 48 mètres de long, 18 mètres de large, 21 mètres de hauteur, le tout pouvant accueillir 2 000 fidèles.

L’édifice principal fut dressé de 1839 à 1841, et ses deux clochers lui furent ajoutés en 1847 et 1848, lui donnant sa silhouette aujourd’hui bien connue de toute la Polynésie, surtout depuis sa dernière restauration effectuée entre 2009 et 2011.

Une cathédrale qui sert de clé de voûte à de nombreuses autres constructions : Notre-Dame de Paix à Akamaru, Saint-Gabriel à Taravai, Saint-Joseph à Taku et Saint Raphaël à Aukena. Sans compter les chapelles (cinq autour de Mangareva), et de très nombreuses autres bâtisses : un couvent à Rouru, un séminaire sur l’île de Aukena, des cimetières, des calvaires, des ouvroirs, des presbytères, et même des routes en pierres. 76 bâtiments à Mangareva, 23 à Akamaru, 10 à Aukena et 9 à Taravai, ce qui fait un impressionnant total de 118 édifices, autant qu’il y a d’îles dans les cinq archipels de toute la Polynésie française…

Corail et basalte

Parfois, ce sera le cas pour la cathédrale, les religieux improvisèrent avec une extraordinaire hardiesse.

La matière première était abondante, le corail, mais il fallait aller le chercher avec des barres à mine sur les récifs distants de plusieurs kilomètres (trois à quatre lieues, précise le père Laval dans ses mémoires), qu’il fallait ensuite inlassablement ramener sur des radeaux de fortune. Il y avait bien de la roche basaltique sur l’île, mais pas de jolis galets faciles à transporter et à assembler comme dans les autres îles hautes plus vastes, faute de rivière.

Ce corail, à la manière d’un immense puzzle, il fallait aussi l’agglomérer et ce fut un peu par hasard que les pères découvrirent un soir, après avoir fait chauffer en vain du corail dans un four, que, quelques heures plus tard, ce corail s’était changé, sous l’effet de la chaleur, en une poudre “comme de la farine”, qui fournira une chaux et donc un mortier parfait, matière première qui permettra, en outre, de fignoler à l’envie la décoration des monuments.

Le basalte, en fait, servit essentiellement à construire les soubassements des monuments, les églises étant érigées, lorsque cela était possible sur l’emplacement même des anciens marae qui fournissaient ainsi des blocs de lave en quantité pour les fondations.

Une œuvre durable

On a, bien sûr, beaucoup critiqué le père Laval, les prêtres et les frères qui engagèrent, avec la population locale faut-il le préciser, ces chantiers titanesques pour l’époque. Laval, mais plus encore son évêque, Mgr Rouchouze, n’étaient pas hommes à faire les choses à moitié. Monseigneur tout particulièrement ne se satisfaisait pas d’églises montées à la va-vite en matériaux locaux, bois putrescible, bambous et palmes de cocotiers. Il voulait construire une œuvre durable, dans les cœurs, les esprits et dont le cadre de vie de ses ouailles, Mangareva, servirait d’écrin à ses monuments.
La pose de la première pierre de la cathédrale de Saint-Michel de Rikitea, est à ce titre, l’illustration parfaite de cette volonté qui permettra de consolider l’ancrage du catholicisme dans l’archipel des Gambier.

« Exegi monumentum aere perennius » (J'ai achevé un monument plus durable que l'airain) disait Horace promettant à ses Odes l’éternité. On ne peut que formuler le même vœu pour le devenir de la cathédrale St Michel de Rikitea, magnifiquement restaurée depuis 2011 (après avoir été fermée pour des raisons de sécurité en 2005).

Textes et photos : Daniel Pardon

Une restauration exemplaire

Deux hommes, Pierre-Antoine Gatier, architecte des bâtiments historiques de France, et Dominique Touzeau, architecte DPLG à Tahiti et maître d’œuvre, furent les responsables du chantier de restauration de la cathédrale de Rikitea, la décision de cette restauration datant de 2006. L’Etat, le Pays, des mécènes et la Mission catholique mirent la main à la pâte pour le financement de ce travail qui a coûté près de 500 millions dit-on (extérieur, puis intérieur). Cette décision, sur l’initiative de la maire d’alors, Monique Richeton, avait été prise en compensation des essais nucléaires menés… pas très loin des Gambier.

Si le toit extérieur est en métal (il est fait pour durer), le plafond intérieur a été restauré dans l’esprit qui guida ses bâtisseurs. Les dix-huit colonnes en pierres de corail taillées supportent la voûte tissée en roseaux recouverte de chaux appuyée sur une charpente en bois de uru le tout attaché avec du nape.

Peinte en bleu jusqu’à sa restauration, la cathédrale a, depuis 2011, retrouvé ses couleurs d’origine ; la voûte est supportée par 18 colonnes.
Peinte en bleu jusqu’à sa restauration, la cathédrale a, depuis 2011, retrouvé ses couleurs d’origine ; la voûte est supportée par 18 colonnes.

A droite du choeur et du maître autel,  un oratoire est consacré à une Vierge à l’enfant.
A droite du choeur et du maître autel, un oratoire est consacré à une Vierge à l’enfant.

A gauche au maître autel, Saint Joseph veille, une croix dans une main, une hache (de menuisier) dans l’autre. La hache est un attribut d’ordinaire réservé à Matthieu.
A gauche au maître autel, Saint Joseph veille, une croix dans une main, une hache (de menuisier) dans l’autre. La hache est un attribut d’ordinaire réservé à Matthieu.

Carnet de voyage - Gambier : la cathédrale en majesté

Au fond de la cathédrale, à droite en entrant, un oratoire rend hommage aux pères Laval et Caret, le portrait étant celui (approximatif) d’Honoré Laval.
Au fond de la cathédrale, à droite en entrant, un oratoire rend hommage aux pères Laval et Caret, le portrait étant celui (approximatif) d’Honoré Laval.

Le maître autel et son tabernacle, de la marqueterie et une profusion de nacre et de divers coquillages (dont des feuilles de vigne en nacre).
Le maître autel et son tabernacle, de la marqueterie et une profusion de nacre et de divers coquillages (dont des feuilles de vigne en nacre).

Le maître autel, fait d’une délicate dentelle de marqueterie, de nacre et de divers coquillages, surmonté des deux cœurs de Jésus et de Marie.
Le maître autel, fait d’une délicate dentelle de marqueterie, de nacre et de divers coquillages, surmonté des deux cœurs de Jésus et de Marie.

La chaire, en bois de reva (Cerbera odollam) est ornée de motifs faits en nacre et en ivoire de dents de cachalot.
La chaire, en bois de reva (Cerbera odollam) est ornée de motifs faits en nacre et en ivoire de dents de cachalot.

Détail d’une frise de la façade extérieure de la cathédrale, au-dessus du portail d’entrée : des blocs de coraux du genre Acropora ont été noyés dans la chaux.
Détail d’une frise de la façade extérieure de la cathédrale, au-dessus du portail d’entrée : des blocs de coraux du genre Acropora ont été noyés dans la chaux.

Un très beau bouquet de nacres…
Un très beau bouquet de nacres…

Une magnifique rosace en nacre coiffe la statue de la Vierge.
Une magnifique rosace en nacre coiffe la statue de la Vierge.

Des nacres, des perles, mais aussi d’autres coquillages, comme ces pectens rouges (Gloripallium pallium), ont été utilisés pour magnifier les décorations.
Des nacres, des perles, mais aussi d’autres coquillages, comme ces pectens rouges (Gloripallium pallium), ont été utilisés pour magnifier les décorations.

Nacres jaunes, nacres blanches et petites porcelaines monnaie pour orner la chaire.
Nacres jaunes, nacres blanches et petites porcelaines monnaie pour orner la chaire.

Trois couleurs de nacre (Pinctada margaritifera) ont été utilisées pour le tabernacle ; on remarque également à sa base un fragment de coquille de pu (Charonia tritonis).
Trois couleurs de nacre (Pinctada margaritifera) ont été utilisées pour le tabernacle ; on remarque également à sa base un fragment de coquille de pu (Charonia tritonis).

Carnet de voyage - Gambier : la cathédrale en majesté

Rédigé par Daniel PARDON le Lundi 6 Août 2018 à 14:00 | Lu 2291 fois