On dit que la foi soulève des montagnes. Dans le lointain archipel des Gambier, elle a extrait et transporté des blocs de basalte et des morceaux de récifs coralliens pendant quelques décennies, suffisamment pour que plus d’une centaine de monuments attestent aujourd’hui avec éclat de l’implantation dans ces “îles des mers du Sud” du catholicisme. Tout commença le 7 août 1834, an 1 de l’ère chrétienne à l’extrême sud-est de la Polynésie française…
Tahiti Infos, durant quelques semaines, va vous offrir des balades colorées dans l’archipel le plus lointain de la Polynésie française, celui qui est sans doute le moins fréquenté par les touristes, l’archipel des Gambier (ainsi nommé en l’honneur de l’amiral anglais John James Gambier).
L’adhésion des Polynésiens d’alors à une foi nouvelle relève d’une aventure hors normes pour un archipel hors du temps : si l’on doit mettre en scène, un jour, le travail des premiers missionnaires aux Gambier, ce sera assurément pour réaliser un film à grand spectacle. Le cadre, d’abord, est splendide ; une couronne d’îles hautes, cernées par une lointaine barrière de corail, dans un lagon déclinant d’époustouflantes nuances de bleu…
Tahiti Infos, durant quelques semaines, va vous offrir des balades colorées dans l’archipel le plus lointain de la Polynésie française, celui qui est sans doute le moins fréquenté par les touristes, l’archipel des Gambier (ainsi nommé en l’honneur de l’amiral anglais John James Gambier).
L’adhésion des Polynésiens d’alors à une foi nouvelle relève d’une aventure hors normes pour un archipel hors du temps : si l’on doit mettre en scène, un jour, le travail des premiers missionnaires aux Gambier, ce sera assurément pour réaliser un film à grand spectacle. Le cadre, d’abord, est splendide ; une couronne d’îles hautes, cernées par une lointaine barrière de corail, dans un lagon déclinant d’époustouflantes nuances de bleu…
Le seul archipel non converti
La toile de fond du drame (car sous bien des aspects, c’en fut un, au moins pour le héros principal, le père Laval) : la lutte entre protestants et catholiques pour apporter la bonne parole partout où ils le pouvaient, les uns battant -en quelque sorte- pavillon anglais, les autres pavillon français.
Un Irlandais (frère Murphy) et trois pères français (Laval, Caret et Liausu) débarquèrent en 1834 sans le sou à Valparaiso, au Chili, pour évangéliser l’Océanie. Liausu restera sur place pour assurer l’intendance ; les trois autres furent embarqués par le capitaine Sweetland, à bord du Peruviana, direction les Gambier, seul archipel de la région, selon ce capitaine, à ne pas être déjà évangélisé par les missionnaires de la London Missionnary Society (LMS).
Le bateau fit son entrée le 7 août dans le grand lagon des Gambier ; les missionnaires jetèrent leur sac sur la grève de l’île de Akamaru, Laval lançant un “Paix à ces îles et à leurs habitants”, mais c’est à Aukena qu’ils s’installèrent ensuite.
Un Irlandais (frère Murphy) et trois pères français (Laval, Caret et Liausu) débarquèrent en 1834 sans le sou à Valparaiso, au Chili, pour évangéliser l’Océanie. Liausu restera sur place pour assurer l’intendance ; les trois autres furent embarqués par le capitaine Sweetland, à bord du Peruviana, direction les Gambier, seul archipel de la région, selon ce capitaine, à ne pas être déjà évangélisé par les missionnaires de la London Missionnary Society (LMS).
Le bateau fit son entrée le 7 août dans le grand lagon des Gambier ; les missionnaires jetèrent leur sac sur la grève de l’île de Akamaru, Laval lançant un “Paix à ces îles et à leurs habitants”, mais c’est à Aukena qu’ils s’installèrent ensuite.
Ultime résistance du roi, bientôt baptisé
Sur place, venu de Pitcairn, se trouvait déjà un prédicateur protestant, Georges Nobbs, arrivé quelques semaines auparavant. Les religieux quittèrent très vite le Peruviana pour une autre goélette française au mouillage (son capitaine s’appelait Chesdin), faisant le commerce de nacres, avant de s’installer à terre. La première messe fut dite le 15 août 1834. La mission fut consacrée à Notre Dame de Paix et placée sous la protection des archanges Michel, Raphaël et Gabriel.
Cantonnés hors de Mangareva, l’île principale, du fait de la présence de Nobbs, les missionnaires déployèrent tant et tant d’énergie que le protestant partit moins d’un an plus tard, rentrant avec sa femme, une descendante de Fletcher Christian, sur son île de Pitcairn (malgré les consignes écrites de sa hiérarchie : “la LMS a priorité aux Gambier”).
Ce fut le roi Maputeoa qui résista le plus à la nouvelle religion, mais, après une guérison, il accepta finalement la destruction des idoles et le baptême, le 25 août 1836, avec 160 autres de ses sujets, devenant ainsi le roi Gregoire ou Gregorio (en hommage au pape Grégoire XVI).
Entre temps, le 9 mai 1835, Mgr Rouchouze, vicaire de l’Océanie chez les Picpus, était à son tour arrivé sur place avec le père Liausu.
Cantonnés hors de Mangareva, l’île principale, du fait de la présence de Nobbs, les missionnaires déployèrent tant et tant d’énergie que le protestant partit moins d’un an plus tard, rentrant avec sa femme, une descendante de Fletcher Christian, sur son île de Pitcairn (malgré les consignes écrites de sa hiérarchie : “la LMS a priorité aux Gambier”).
Ce fut le roi Maputeoa qui résista le plus à la nouvelle religion, mais, après une guérison, il accepta finalement la destruction des idoles et le baptême, le 25 août 1836, avec 160 autres de ses sujets, devenant ainsi le roi Gregoire ou Gregorio (en hommage au pape Grégoire XVI).
Entre temps, le 9 mai 1835, Mgr Rouchouze, vicaire de l’Océanie chez les Picpus, était à son tour arrivé sur place avec le père Liausu.
Civiliser ou “syphilisser” ?
Une formidable campagne de mise au travail des îles (maraîchage, culture du coton, tissage, pêche de la nacre et surtout constructions) fut entamée de suite, la première pierre de l’église de Aukena étant posée en octobre 1836, prélude à la mise en chantier de dizaines d’autres monuments.
Mais si la Mission montait en puissance sur le plan spirituel, elle allait aussi entrer de plain-pied dans la vie politique, économique et sociale de l’île. L’objectif était double : protéger les Mangaréviennes des raids de marins et empêcher les trafiquants d’endetter les plongeurs polynésiens en leur vendant de la pacotille à crédit, pour ensuite contrôler le commerce de la nacre. D’où, très vite, de nombreuses plaintes contre la “dictature” de la Mission.
“Vous voulez civiliser ?“ disait le père Laval à ses détracteurs qui lui reprochaient son omniprésence, “en réalité vous syphilissez !“
Mais si la Mission montait en puissance sur le plan spirituel, elle allait aussi entrer de plain-pied dans la vie politique, économique et sociale de l’île. L’objectif était double : protéger les Mangaréviennes des raids de marins et empêcher les trafiquants d’endetter les plongeurs polynésiens en leur vendant de la pacotille à crédit, pour ensuite contrôler le commerce de la nacre. D’où, très vite, de nombreuses plaintes contre la “dictature” de la Mission.
“Vous voulez civiliser ?“ disait le père Laval à ses détracteurs qui lui reprochaient son omniprésence, “en réalité vous syphilissez !“
Rappelé à Tahiti par l’évêque
En dictant un code de loi avec le roi Maputeoa, Laval tenta de recréer un paradis sur Terre, mais déborda sans doute considérablement du champ de ses prérogatives. Marins, trafiquants, commerçants, mais aussi administrateurs français en vinrent à s’opposer à lui de plus en plus vivement, au point qu’en 1871, Monseigneur Tepano Jaussen, évêque de Tahiti, sous l’autorité duquel la mission des Gambier avait été placée, rappela à Tahiti un père Laval brisé par cette décision.
Une seule fois, il fut autorisé à revenir dans “son” archipel, très brièvement. Il eut beau supplier pour qu’on l’y laisse mourir, cette dernière faveur ne lui fut pas accordée. Seul parmi les pionniers, le père Caret repose à Rikitea, dans la crypte de la cathédrale.
La société mangarévienne protégée par Laval s’ouvrit au monde après son départ ; un pouvoir politique civil et français, en pleine période de laïcisation de l’école, s’installa. La population, de plus de 2000 âmes en 1834, tomba à 508 habitants en 1896, décimée par les maladies (tuberculose, grippe, variole, lèpre…) et l’alcool, quand elle ne fuyait pas ce paradis perdu pour Tahiti.
Une seule fois, il fut autorisé à revenir dans “son” archipel, très brièvement. Il eut beau supplier pour qu’on l’y laisse mourir, cette dernière faveur ne lui fut pas accordée. Seul parmi les pionniers, le père Caret repose à Rikitea, dans la crypte de la cathédrale.
La société mangarévienne protégée par Laval s’ouvrit au monde après son départ ; un pouvoir politique civil et français, en pleine période de laïcisation de l’école, s’installa. La population, de plus de 2000 âmes en 1834, tomba à 508 habitants en 1896, décimée par les maladies (tuberculose, grippe, variole, lèpre…) et l’alcool, quand elle ne fuyait pas ce paradis perdu pour Tahiti.
Le “procès de Laval”
Nombre d’historiens ont voulu faire et refaire le “procès” de Laval, dictateur en soutane et empêcheur de tourner en rond. Il était royaliste, c’est vrai, il était très imprégné de sa mission spirituelle, il était “réactionnaire” dirait-on aujourd’hui, mais il sut aussi alphabétiser, former, éduquer une petite parcelle d’humanité qui ne s’était au préalable illustrée que par ses guerres intestines et son cannibalisme forcené.
L’œuvre “civilisatrice” de Laval restera toujours sujette à controverses. Au-delà de celle-ci, il reste aujourd’hui un témoignage émouvant de cette épopée catholique au bout du bout du Pacifique, les monuments bâtis par ces “fous de Dieu”, au sens noble de l’expression. La cathédrale St Michel de Rikitea a fait l’objet, à partir de 2009, d’un ambitieux plan de restauration sous la férule de l’architecte des bâtiments historiques métropolitains Pierre-Antoine Gatier et de l’architecte local Dominique Touzeau ; dans les îles, deux des trois églises sont encore en très bon état (Taravai et Akamaru), tout comme nombre de chapelles. Motif suffisant pour un “pèlerinage” et une plongée dans l’histoire des Gambier…
Textes et photos : Daniel Pardon
L’œuvre “civilisatrice” de Laval restera toujours sujette à controverses. Au-delà de celle-ci, il reste aujourd’hui un témoignage émouvant de cette épopée catholique au bout du bout du Pacifique, les monuments bâtis par ces “fous de Dieu”, au sens noble de l’expression. La cathédrale St Michel de Rikitea a fait l’objet, à partir de 2009, d’un ambitieux plan de restauration sous la férule de l’architecte des bâtiments historiques métropolitains Pierre-Antoine Gatier et de l’architecte local Dominique Touzeau ; dans les îles, deux des trois églises sont encore en très bon état (Taravai et Akamaru), tout comme nombre de chapelles. Motif suffisant pour un “pèlerinage” et une plongée dans l’histoire des Gambier…
Textes et photos : Daniel Pardon
Dans la cathédrale St Michel de Rikitea, un hommage est rendu au père Honoré Laval, figure dominnate de l’évangélisation de l’archipel, ainsi qu’au père Caret dont la dépouille repose dans la crypte.
Quelques chiffres
Latitude : 23°07’
Longitude : 134°58’
Surface des terres émergées : 32 km2
Pourtour récifal : 90 km
Dimensions de Mangareva : 9 km de long pour une largeur de 600 m à 3 km.
Archipel composé de onze motu coralliens (dont Totegegie, l’aéroport), de quatre grandes îles volcaniques (Mangareva, Taravai, Akamanu, Aukena) et de six petites îles volcaniques (citées ci-après dans l’ordre décroissant : Agakauitai, Kamaka, Makaroa, Mekiro, Manui, Makapu).
Le marnage maximum (marée haute/marée basse) est important : 1,20 m.
Les Gambier sont âgées de 6 à 7 millions d’années.
Point culminant : Mont Duff 441m (le Mont Mokoto, dans son prolongement, mesure 411m).
Le point le plus bas du lagon est à - 80m. Celui-ci compte trois passes ouvertes sur l’océan
Longitude : 134°58’
Surface des terres émergées : 32 km2
Pourtour récifal : 90 km
Dimensions de Mangareva : 9 km de long pour une largeur de 600 m à 3 km.
Archipel composé de onze motu coralliens (dont Totegegie, l’aéroport), de quatre grandes îles volcaniques (Mangareva, Taravai, Akamanu, Aukena) et de six petites îles volcaniques (citées ci-après dans l’ordre décroissant : Agakauitai, Kamaka, Makaroa, Mekiro, Manui, Makapu).
Le marnage maximum (marée haute/marée basse) est important : 1,20 m.
Les Gambier sont âgées de 6 à 7 millions d’années.
Point culminant : Mont Duff 441m (le Mont Mokoto, dans son prolongement, mesure 411m).
Le point le plus bas du lagon est à - 80m. Celui-ci compte trois passes ouvertes sur l’océan
Les bonnes adresses
Séjours dans les îles
Chez Bianca et Benoit
Séjour Vol + 3 nuits à partir de 71 204 Fcfp/pers., avec demi-pension
Pension Chez Jojo
Séjour Vol + 3 nuits à partir de 74 359 Fcfp/pers., avec demi-pension
Pension Maro’i
Séjour Vol + 3 nuits à partir de 72 639 Fcfp/pers., avec demi-pension
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Les deux sommets dominant Mangareva : à gauche, le mont Duff, aussi appelé Auorotini (441m), et à droite, le mont Mokoto (423 m) à la végétation rare.
Au-dessus de Rikitea, le tombeau du dernier roi, Maputeoa, devenu Grégoire (ou Gregorio) après son baptème. Né vers 1814, il est décédé le 20 juin 1857 et ne laissa pas de descendance.
Les Gambier furent protégées par les prêtres des négociants sans foi ni loi qui souhaitaient faire main basse à vil prix sur les nacres d’un lagon exceptionnellement riche. Ici les hauts fonds devant Akamaru, depuis le sommet de l’île Makapu.
Partout aux Gambier (ici à Akamaru), la présence de la Mission catholique est bien visible. On doit aux pères bâtisseurs plus de cent dix monuments.
La pierre taillée dans des blocs de corail, semble elle aussi avoir été convertie, comme le montre cette croix à l’intérieur du couvent du Rouru.
La sublime cathédrale St Michel de Rikitea, restaurée entre 2009 et 2001 et qui est sans doute aujourd’hui le plus beau monument religieux de Polynésie.
L’arc d’entrée du couvent du Rouru, l’une des deux constructions de ce type à Rikitea, soulignait le triomple de l’évangélisation sur le paganisme.
Le four à pain d’Honoré Laval, à Akamaru, où résidait le père, à deux pas de son modeste domicile et de l’église Notre-Dame de la Paix.