Cette carte, remarquable de précision, est due au travail des Espagnols lors du séjour de Gonzalez de Ahedo.
PACIFIQUE, le 2 novembre 2018. En posant la question de savoir si c’est un Espagnol qui a appris aux Pascuans à écrire le ronro rongo en 1770, nous savons que nous allons provoquer l’ire de ceux qui affirment que cette écriture est très ancienne. Ceux qui pensent que c’est au contact des conquistadores que ces Polynésiens ont synthétisé leurs savoirs par une écriture qui leur était propre affirmeront que nous enfonçons des portes ouvertes. Les premiers n’ont aucune preuve de ce qu’ils avancent (l’ancienneté du rongo rongo) et les seconds pas beaucoup plus… Allons voir ce qu’il se passa exactement avec don Felipe Gonzalez de Ahedo, il y a de cela deux siècles et demi.
Plus grand monde ne se rappelle du nom de Ahedo, également orthographié Haedo ; ce navigateur espagnol, plutôt brillant et dont la carrière se finit en beauté à Cadix, a pourtant marqué de son empreinte l’histoire du Pacifique Sud en débarquant un beau jeudi 15 novembre 1770 sur les côtes de l’île de Pâques.
Plus grand monde ne se rappelle du nom de Ahedo, également orthographié Haedo ; ce navigateur espagnol, plutôt brillant et dont la carrière se finit en beauté à Cadix, a pourtant marqué de son empreinte l’histoire du Pacifique Sud en débarquant un beau jeudi 15 novembre 1770 sur les côtes de l’île de Pâques.
Premiers Européens en 1722
Jusqu’alors, les Pascuans avaient vécu pratiquement ignorés du monde : certes, en 1722 une flottille de voiliers hollandais avec Jacob Roggeveen (souvent orthographié Jakob) à sa tête, avait découvert ce caillou perdu au milieu du Pacifique Sud : le dimanche 5 avril était le jour de Pâques, l’île reçut donc ce nom de baptême ; l’escale de Roggeveen ne fut pas très longue (une petite semaine), l’île n’offrant pas de mouillages sûrs à ses trois voiliers ; mais surtout, la compagnie hollandaise de l’Inde de l’ouest cherchait tout autre chose, en l’occurrence la vaste Terra Australis supposée équilibrer le globe et espérait dans la foulée ouvrir une nouvelle route des épices. De 1722 à 1770, l’île retrouva donc son splendide isolement. Avant que ne débarquent les Espagnols de Ahedo…
Du côté de Lima, un petit vent de panique soufflait à la fin du XVIIIe siècle dans les couloirs immenses de la vice-royauté ; Manuel de Amat y Juniet, le vice-roi, était informé de l’incursion de navires hollandais, anglais et français dans ce qu’il considérait être « son » océan, entendez celui de la Couronne espagnole. Dès 1687, le flibustier Edward Davis, Anglais d’origine flamande, avait découvert, très au large du Pérou, une « île sablonneuse » qui était peut-être l’île de Pâques (fort peu « sablonneuse » pourtant).
Celle-ci fut véritablement découverte en 1722 alors qu’en 1767, Wallis découvrait Tahiti, suivi de Bougainville (1768) et de Cook (1769). C’en était trop pour le pouvoir à Lima qui se rendit compte de l’urgence qu’il y avait à reprendre la main : la « Terra Australis », supposée équilibrer le globe, restait à découvrir, l’île de Davis et/ou l’île de Pâques à retrouver, et le sud du Chili devait être passé au peigne fin afin de savoir si des troupes ennemies, pirates, ou corsaires, y étaient secrètement basées.
Du côté de Lima, un petit vent de panique soufflait à la fin du XVIIIe siècle dans les couloirs immenses de la vice-royauté ; Manuel de Amat y Juniet, le vice-roi, était informé de l’incursion de navires hollandais, anglais et français dans ce qu’il considérait être « son » océan, entendez celui de la Couronne espagnole. Dès 1687, le flibustier Edward Davis, Anglais d’origine flamande, avait découvert, très au large du Pérou, une « île sablonneuse » qui était peut-être l’île de Pâques (fort peu « sablonneuse » pourtant).
Celle-ci fut véritablement découverte en 1722 alors qu’en 1767, Wallis découvrait Tahiti, suivi de Bougainville (1768) et de Cook (1769). C’en était trop pour le pouvoir à Lima qui se rendit compte de l’urgence qu’il y avait à reprendre la main : la « Terra Australis », supposée équilibrer le globe, restait à découvrir, l’île de Davis et/ou l’île de Pâques à retrouver, et le sud du Chili devait être passé au peigne fin afin de savoir si des troupes ennemies, pirates, ou corsaires, y étaient secrètement basées.
Prise de possession officielle
Manuel de Amat fit alors appel à un marin chevronné, Gonzalez Ahedo ; ce dernier avait commencé à servir dans la marine espagnole dès 13 ans ; il connaissait la Caraïbe comme sa poche, s’était illustré en 1741 lors du siège de Carthagène (actuelle Colombie) par les Anglais et bénéficiait de la confiance du vice-roi ; celui-ci lui fournit la bagatelle de cinq cents hommes et deux navires : le « San Lorenzo » (70 canons) et la frégate légère « Santa Rosalia » (26 canons).
Partis de Callao le 10 octobre 1770, les deux bateaux parvinrent à l’île de Pâques le 15 novembre.
Ahedo était un méthodique ; il fit cartographier avec précision toute l’île alors que les premiers dessins de statues géantes, les moai, étaient exécutés. Les Espagnols, à la manière d’explorateurs éclairés, nouèrent des contacts avec les habitants, quelques milliers, et étudièrent avec respect leurs mœurs, la faune, la flore… On était en plein Siècle des Lumières et les méthodes violentes des conquistadores du XVIe siècle n’étaient plus de mise.
Soucieux d’enrichir la Couronne, même si l’île ne présentait guère d’intérêt, sinon stratégique, de Ahedo décida, le 20 novembre, conformément à ses instructions et en accord avec les chefs pascuans, de prendre possession de l’île au nom du roi Carlos III : musique, défilé, coups de canon, la cérémonie fut grandiose et s’acheva par l’érection de trois grandes croix de bois sur les flancs du volcan Poike. Mais Ahedo était un pointilleux, un méticuleux, un rien formaliste ; cette prise de possession, il la voulait surtout indiscutable sur le plan juridique ; aussi rédigea-t-il un acte de cession qu’il fit signer aux chefs pascuans, document qui posait pour la première fois le problème de l’écriture rongo rongo.
Visiblement, les trois signatures furent apposées laborieusement, les indigènes d’alors n’ayant jamais tenu une plume d’oie pour parapher quoi que ce soit. En revanche, les caractères formant les trois « noms » sont incontestablement à rapprocher des caractères rongo rongo que l’on trouve sur les tablettes et bâtons gravés encore conservés de nos jours (moins de trente).
Partis de Callao le 10 octobre 1770, les deux bateaux parvinrent à l’île de Pâques le 15 novembre.
Ahedo était un méthodique ; il fit cartographier avec précision toute l’île alors que les premiers dessins de statues géantes, les moai, étaient exécutés. Les Espagnols, à la manière d’explorateurs éclairés, nouèrent des contacts avec les habitants, quelques milliers, et étudièrent avec respect leurs mœurs, la faune, la flore… On était en plein Siècle des Lumières et les méthodes violentes des conquistadores du XVIe siècle n’étaient plus de mise.
Soucieux d’enrichir la Couronne, même si l’île ne présentait guère d’intérêt, sinon stratégique, de Ahedo décida, le 20 novembre, conformément à ses instructions et en accord avec les chefs pascuans, de prendre possession de l’île au nom du roi Carlos III : musique, défilé, coups de canon, la cérémonie fut grandiose et s’acheva par l’érection de trois grandes croix de bois sur les flancs du volcan Poike. Mais Ahedo était un pointilleux, un méticuleux, un rien formaliste ; cette prise de possession, il la voulait surtout indiscutable sur le plan juridique ; aussi rédigea-t-il un acte de cession qu’il fit signer aux chefs pascuans, document qui posait pour la première fois le problème de l’écriture rongo rongo.
Visiblement, les trois signatures furent apposées laborieusement, les indigènes d’alors n’ayant jamais tenu une plume d’oie pour parapher quoi que ce soit. En revanche, les caractères formant les trois « noms » sont incontestablement à rapprocher des caractères rongo rongo que l’on trouve sur les tablettes et bâtons gravés encore conservés de nos jours (moins de trente).
Le rongo rongo pré ou post européen ?
Passons sur la suite du voyage du navigateur ibère ; parti à l’ouest, il ne découvrit rien et rentra en Amérique du Sud ; à Chiloé, au Chili, il reçut ordre de revenir sans plus tarder à Callao ; les navires reprirent le large, naviguèrent plein ouest, aperçurent à nouveau l’île de Pâques avant de pouvoir mettre le cap sur le Pérou.
Si officielle que fut cette prise de possession, elle ne fut jamais reconnue par aucune autre nation ; en revanche, plus tard, elle posa clairement la question de l’origine du rongo rongo : cette écriture pascuane était-elle antérieure aux Espagnols ? Est-ce la mise en forme de ces signatures (il a sans doute fallu entrainer les chefs avant de leur faire parapher le document officiel) qui a fait naître chez les Pascuans l’idée de regrouper certains de leurs symboles, voire d’en créer de nouveaux, pour multiplier les signatures et ainsi invoquer par exemple les généalogies précédentes ?
Deux thèses aujourd’hui s’affrontent sans qu’aucune n’ait apporté de preuves irréfutables allant dans un sens ou dans l’autre. Passons sur les élucubrations de ceux qui affirment que le rongo rongo, très ancien, a été importé du Pacifique ouest et que les Polynésiens l’ont amené tel quel avec eux, lors de leurs migrations vers l’est, à bord de leurs pirogues doubles. S’ils ont bien emmené avec eux la poterie depuis l’Asie du Sud-Est, elle a été perdue en cours de route, mais du moins la trouve-t-on dans l’ouest du Pacifique Sud. En revanche, aucune trace concrète d’écriture où que ce soit à l’ouest de l’île de Pâques.
Deux hypothèses sont donc plausibles : soit Gonzalez de Ahedo est à l’origine de cette forme d’écriture, à partir des documents signés par les Pascuans et de leur symbolique (pétroglyphes, peintures…), soit cette écriture est un peu plus ancienne et aurait en quelque sorte spontanément éclos et évolué sur l’île.
Certains affirment que des peuples sud-américains sont venus apporter leur science du travail de la pierre aux Pascuans et assurent que les moai, comme certains ahu (on pense au Vinapu), seraient dus à cet apport culturel. Mais aucun peuple sud-américain ne connaissant l’écriture (à l’époque), il est clair que ce n’est pas de ce côté-là qu’il faut chercher l’origine du rongo rongo.
Si officielle que fut cette prise de possession, elle ne fut jamais reconnue par aucune autre nation ; en revanche, plus tard, elle posa clairement la question de l’origine du rongo rongo : cette écriture pascuane était-elle antérieure aux Espagnols ? Est-ce la mise en forme de ces signatures (il a sans doute fallu entrainer les chefs avant de leur faire parapher le document officiel) qui a fait naître chez les Pascuans l’idée de regrouper certains de leurs symboles, voire d’en créer de nouveaux, pour multiplier les signatures et ainsi invoquer par exemple les généalogies précédentes ?
Deux thèses aujourd’hui s’affrontent sans qu’aucune n’ait apporté de preuves irréfutables allant dans un sens ou dans l’autre. Passons sur les élucubrations de ceux qui affirment que le rongo rongo, très ancien, a été importé du Pacifique ouest et que les Polynésiens l’ont amené tel quel avec eux, lors de leurs migrations vers l’est, à bord de leurs pirogues doubles. S’ils ont bien emmené avec eux la poterie depuis l’Asie du Sud-Est, elle a été perdue en cours de route, mais du moins la trouve-t-on dans l’ouest du Pacifique Sud. En revanche, aucune trace concrète d’écriture où que ce soit à l’ouest de l’île de Pâques.
Deux hypothèses sont donc plausibles : soit Gonzalez de Ahedo est à l’origine de cette forme d’écriture, à partir des documents signés par les Pascuans et de leur symbolique (pétroglyphes, peintures…), soit cette écriture est un peu plus ancienne et aurait en quelque sorte spontanément éclos et évolué sur l’île.
Certains affirment que des peuples sud-américains sont venus apporter leur science du travail de la pierre aux Pascuans et assurent que les moai, comme certains ahu (on pense au Vinapu), seraient dus à cet apport culturel. Mais aucun peuple sud-américain ne connaissant l’écriture (à l’époque), il est clair que ce n’est pas de ce côté-là qu’il faut chercher l’origine du rongo rongo.
« San Lesmes », la caravelle perdue
Une autre piste est offerte par les marins de la caravelle perdue en 1526-1527 dans le Pacifique Sud à la recherche de Magellan, la « San Lesmes ». On sait, avec certitude, que certains de ses marins sont parvenus à l’île, car des Pascuans, en nombre, portent en eux les gènes de marins d’un petit village basque, marins qui se trouvaient à bord de la « San Lesmes » (et qui auraient donc séjourné suffisamment longtemps sur l’île pour y laisser une descendance). Ces matelots ne savaient probablement ni lire ni écrire, mais ils savaient ce qu’était l’écriture et auraient pu, face à la complexité de la récitation des généalogies pascuanes par exemple (et à la complexité de la symbolique des pétroglyphes), aider à la création d’une série de signes permettant la récitation de ces textes transmis oralement. En quelque sorte une mise en ordre de symboles déjà existants.
Aucune tablette aujourd’hui, en tous les cas, n’a jamais été datée de plus de cinq cents ans. Le rongo rongo est donc très probablement relativement récent dans l’histoire des Pascuans qui ont appris à maîtriser cette écriture avec les outils tranchants dont ils disposaient, obsidienne, voire dents de requin ou tout simplement morceaux de métal recueillis auprès des premiers visiteurs, ceux de la « San Lesmes » peut-être…
Personnellement, nous avons toujours eu un petit faible pour la théorie des étrangers initiateurs du rongo rongo des tablettes (à partir de la très riche variété de symboles gravés par les Pascuans). Une supposition qui ne repose que sur un faisceau de présomptions, comme toutes les autres théories d’ailleurs.
Tant que cette mystérieuse écriture n’aura pas été déchiffrée, il sera impossible de savoir si oui ou non Ahedo -ou un autre avant lui- a bien appris aux Pascuans à écrire…
Daniel Pardon
Aucune tablette aujourd’hui, en tous les cas, n’a jamais été datée de plus de cinq cents ans. Le rongo rongo est donc très probablement relativement récent dans l’histoire des Pascuans qui ont appris à maîtriser cette écriture avec les outils tranchants dont ils disposaient, obsidienne, voire dents de requin ou tout simplement morceaux de métal recueillis auprès des premiers visiteurs, ceux de la « San Lesmes » peut-être…
Personnellement, nous avons toujours eu un petit faible pour la théorie des étrangers initiateurs du rongo rongo des tablettes (à partir de la très riche variété de symboles gravés par les Pascuans). Une supposition qui ne repose que sur un faisceau de présomptions, comme toutes les autres théories d’ailleurs.
Tant que cette mystérieuse écriture n’aura pas été déchiffrée, il sera impossible de savoir si oui ou non Ahedo -ou un autre avant lui- a bien appris aux Pascuans à écrire…
Daniel Pardon
Fin de vie à Cadix
Gonzalez de Ahedo, qui avait vu le jour le 13 mai 1714 à Santona (Cantabria), avait déjà 56 ans lors de son escale de quelques jours à l’île de Pâques. Officier, soldat, cartographe, marin, découvreur, Ahedo avait quarante-trois ans d’ancienneté dans la marine espagnole. A son retour à Lima, il fit, bien entendu, son rapport au vice-roi qui avait d’autres projets : celui-ci organisa en effet trois voyages à Tahiti qu’il redoutait de voir tomber aux mains des Anglais, mais ce fut sans Ahedo qui rentra en Espagne dès 1772 pour s’installer à Cadix. Les conflits et rivalités, à l’époque, en Europe, firent que l’Espagne participa, aux côtés de la France, à la guerre d’indépendance des Etats-Unis à laquelle Ahedo intervint au sein de l’escadre de Luis de Cordova.
On lui doit, entre autres faits d’armes, la capture d’un navire de guerre britannique, la « HMS Ardent », une belle prise de 74 canons.
Infatigable, Ahedo reprit ensuite la mer pour se frotter aux pirates, corsaires et flibustiers de tout poil qui harcelaient les navires espagnols revenant chargés des richesses du Nouveau Monde. Ahedo écuma alors l’Atlantique mais aussi parfois les eaux du Pacifique. Malgré cette vie active, pleine de dangers, Ahedo rendit son dernier soupir dans son lit, en 1802 à Cadix où il a été enterré. Il est mort à l’âge canonique, pour l’époque, de 88 ans !
On lui doit, entre autres faits d’armes, la capture d’un navire de guerre britannique, la « HMS Ardent », une belle prise de 74 canons.
Infatigable, Ahedo reprit ensuite la mer pour se frotter aux pirates, corsaires et flibustiers de tout poil qui harcelaient les navires espagnols revenant chargés des richesses du Nouveau Monde. Ahedo écuma alors l’Atlantique mais aussi parfois les eaux du Pacifique. Malgré cette vie active, pleine de dangers, Ahedo rendit son dernier soupir dans son lit, en 1802 à Cadix où il a été enterré. Il est mort à l’âge canonique, pour l’époque, de 88 ans !
26 rongo rongo
Les écrits des anciens Pascuans, gravés sur des bois (tablettes ou bâtons, mais aussi rei miro –ornement pectoral- ou statuette) ont pratiquement tous disparu, brûlés par les habitants de l’île pour faire chauffer leur repas, à une époque où plus personne ne savait ce que ces caractères pouvaient signifier. Officiellement, il en reste vingt-six, et encore sur ces pièces de bois ayant échappé au feu, il n’est même pas sûr que toutes soient authentiques. On y a recensé un total de quatorze mille glyphes environ, classés, globalement en cent-vingt signes distincts (ce qui signifie que ces signes n’étaient probablement pas des « lettres » d’alphabet mais plutôt des mots ou des concepts). A noter que certains spécialistes considèrent qu’il n’y a qu’une cinquantaine de signes « originaux » ; d’autres en comptent jusqu’à cinq cents ; c’est dire si cette écriture et sujette à divergences de vues.
On attribue la découverte de ces caractères gravés au frère Eugène Eyraud qui tenta d’évangéliser l’île en 1864. En juillet 1869, l’évêque de Tahiti, Tepano Jaussen, reçut en cadeau des Pascuans une longue tresse de cheveux humains enroulée sur une tablette gravée, ce qui « lança » en quelque sorte le long feuilleton du décryptage, jamais réalisé de manière satisfaisante.
A noter que James Cook et que des officiers de Gonzalez de Ahedo avaient, semble-t-il, observé des morceaux de bois gravés et y avaient décelé des signes, sans qu’ils prennent la mesure de leur découverte. S’agissait-il déjà de véritables écrits en rongo-rongo ou de simples symboles accumulés (comme les bambous gravés des Marquises) ?
Le rongo rongo présente la particularité d’être rédigé en boustrophédon inversé ; ce qui signifie qu’il se lit comme si l’on suivait les sillons tracés dans un champ par un bœuf le labourant (une ligne à l’endroit, une ligne à l’envers).
Du bâton à la tablette
La tablette rongo rongo est sans doute un sous-produit tardif de la culture pascuane. Si l’on replonge dans les origines polynésiennes des Pascuans (Hiva, la terre originelle désigne les Tuamotu – et non pas les Marquises), on sait que dans une grande partie du triangle polynésien, les prêtres utilisaient des bâtons de récitation pour les cérémonies, bâtons sur lesquels étaient gravés des signes, des figures, des dessins. Les exemples les plus connus sont les bambous gravés des Marquises. Ces bâtons permettaient à l’officiant de réciter ses textes grâce à une symbolique lui servant d’aide mémoire, bâtons qu’il lui suffisait de tourner dans ses mains pour les « lire ». Les Pascuans aussi utilisaient des bâtons, mais petit à petit, l’île se retrouva sans bois et ce sont sur des planchettes, souvent récupérées auprès d’Européens, au moins au XIXe siècle, que les signes gravés sur les bâtons, et qui avaient évolué à l’île de Pâques (comme la statuaire), se retrouvèrent fixés sur des « tablettes » que le récitant retournait à 180° à chaque fin de ligne, selon le principe du déroulement des anciens bâtons.
Nous en conclurons donc que le rongo rongo en tant qu’écriture tire très probablement ses racines de la vaste Polynésie (Marquises, Société, Cook, Nouvelle-Zélande même), mais que cet aide mémoire a peu à peu évolué vers une forme de quasi écriture, sur des supports adaptés aux contingences d’alors, des planchettes, par manque de troncs ou de branches d’arbres. A ce titre, Ahedo a peut-être été un catalyseur…
On attribue la découverte de ces caractères gravés au frère Eugène Eyraud qui tenta d’évangéliser l’île en 1864. En juillet 1869, l’évêque de Tahiti, Tepano Jaussen, reçut en cadeau des Pascuans une longue tresse de cheveux humains enroulée sur une tablette gravée, ce qui « lança » en quelque sorte le long feuilleton du décryptage, jamais réalisé de manière satisfaisante.
A noter que James Cook et que des officiers de Gonzalez de Ahedo avaient, semble-t-il, observé des morceaux de bois gravés et y avaient décelé des signes, sans qu’ils prennent la mesure de leur découverte. S’agissait-il déjà de véritables écrits en rongo-rongo ou de simples symboles accumulés (comme les bambous gravés des Marquises) ?
Le rongo rongo présente la particularité d’être rédigé en boustrophédon inversé ; ce qui signifie qu’il se lit comme si l’on suivait les sillons tracés dans un champ par un bœuf le labourant (une ligne à l’endroit, une ligne à l’envers).
Du bâton à la tablette
La tablette rongo rongo est sans doute un sous-produit tardif de la culture pascuane. Si l’on replonge dans les origines polynésiennes des Pascuans (Hiva, la terre originelle désigne les Tuamotu – et non pas les Marquises), on sait que dans une grande partie du triangle polynésien, les prêtres utilisaient des bâtons de récitation pour les cérémonies, bâtons sur lesquels étaient gravés des signes, des figures, des dessins. Les exemples les plus connus sont les bambous gravés des Marquises. Ces bâtons permettaient à l’officiant de réciter ses textes grâce à une symbolique lui servant d’aide mémoire, bâtons qu’il lui suffisait de tourner dans ses mains pour les « lire ». Les Pascuans aussi utilisaient des bâtons, mais petit à petit, l’île se retrouva sans bois et ce sont sur des planchettes, souvent récupérées auprès d’Européens, au moins au XIXe siècle, que les signes gravés sur les bâtons, et qui avaient évolué à l’île de Pâques (comme la statuaire), se retrouvèrent fixés sur des « tablettes » que le récitant retournait à 180° à chaque fin de ligne, selon le principe du déroulement des anciens bâtons.
Nous en conclurons donc que le rongo rongo en tant qu’écriture tire très probablement ses racines de la vaste Polynésie (Marquises, Société, Cook, Nouvelle-Zélande même), mais que cet aide mémoire a peu à peu évolué vers une forme de quasi écriture, sur des supports adaptés aux contingences d’alors, des planchettes, par manque de troncs ou de branches d’arbres. A ce titre, Ahedo a peut-être été un catalyseur…
Ces signes sont les signatures de trois chefs pascuans ayant entériné la prise de possession de leur île par les Espagnols. Des signes très proches de ceux relevés sur les rares bois gravés en rongo-rongo.
Le Hollandais Jacob Roggeveen fut le véritable découvreur de l’île de Pâques, en 1722, mais ce sont les Espagnols qui en prirent possession en 1770.
Le rongo rongo se lit à la manière dont un bœuf laboure un champ, de gauche à droite puis de droite à gauche en retournant le support en fin de ligne.
Motifs marquisiens traditionnels : avouons que l’on n’est pas loin d’une véritable écriture de la part de ces Polynésiens ; d’ailleurs les tatouages portés par les hommes permettaient littéralement de « lire » leur passé et leur place dans la société d’alors. Entre ces symboles et le rongo rongo pascuan, la distance est faible…
Les bambous gravés des Marquises, proches des bâtons gravés de l’île de Pâques. Si l’on ne peut pas parler d’écriture aux Marquises, peut-être que des contacts extérieurs à l’île de Pâques ont permis aux Pascuans de franchir le pas et de concevoir, à partir de leurs symboles, une véritable écriture…
Carte et plan relevés par les spécialistes accompagnant de Ahedo à l’île de Pâques en 1770.