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Cannes: 2e Palme d'or pour Michael Haneke avec "Amour"


Cannes: 2e Palme d'or pour Michael Haneke avec "Amour"
CANNES, 27 mai 2012 (AFP) - Le cinéaste autrichien Michael Haneke a décroché dimanche à Cannes sa seconde Palme d'or pour "Amour", conte douloureux sur la vieillesse d'un couple tandis que "Reality" de l'Italien Matteo Garrone s'octroyait le Grand Prix et Ken Loach le prix du Jury pour sa comédie "La Part des Anges".

Le jury a ainsi récompensé "Reality", une comédie amère sur la déception d'un candidat à un jeu de télé-réalité, en lui attribuant son Grand Prix. Visiblement ému, le cinéaste s'est dit en français "très heureux d'être ici encore", alors qu'il avait remporté en 2008 le Grand Prix de Cannes pour "Gomorra", autrement plus grave et plus violent, sur la camorra napolitaine.

Du côté des actrices, le Prix d'interpétation féminine a été attribué aux deux comédiennes roumaines débutantes, Cosmina Stratan et Cristina Flutur, orphelines en perte de repères dans le monastère d'"Au-delà des collines" de Cristian Mungiu.

Le réalisateur roumain de 44 ans, Palme d'Or 2007, doit cette fois-ci se contenter du prix du scénario pour ce film tiré d'un faits divers réel qui s'est déroulé en 2005 en Roumanie.

L'acteur danois Mads Mikkelsen, connu pour son rôle de méchant chez James Bond dans "Casino Royale" (2006), a décroché le prix d'interprétation masculine pour son rôle dans "La Chasse" de Thomas Vinterberg.

L'acteur de 46 ans, "très touché", a dit sa "surprise" aussi --il est revenu précipitamment de Bucarest où il se trouve en tournage--, en s'excusant de ne pas parler français "sauf quand je bois, mais pas maintenant".

Pour le Prix de la mise en scène, c'est le Mexicain Carlos Reygadas pour "Post tenebras lux" qui a été récompensé pour une parabole sur la violence qui étreint le Mexique, accueilli de façon très mitigée par les festivaliers et éreinté dans la presse.

Le cinéaste, qui s'exprimait en français, a remercié le jury composé "d'hommes et de femmes libres, je pense", ainsi que "les membres de la presse qui n'ont pas arrêté de me flatter depuis 3 ou 4 jours", a-t-il ironisé.

La seule comédie en compétition, "La part des anges", du Britannique Ken Loach, a reçu le prix du Jury.

"Cannes nous montre que le cinéma n'est pas qu'un divertissement", a déclaré le réalisateur britannique de 75 ans, un habitué de Cannes, en recevant son cinquième prix à Cannes, qu'il a dédié à ceux qui "résistent aux plans d'austérité dans le monde".

La Caméra d'Or, prix récompensant un premier film toutes sélections cannoises confondues, a couronné le film américain "Les bêtes du Sud sauvage", conte philosophique en Louisiane, illuminé par une fillette de 6 ans qui crève l'écran. Ce premier film de Benh Zeitlin, 29 ans, avait déjà été Grand Prix au festival de Sundance en janvier.

Le réalisateur turc Rezan Yesilbas, 34 ans, a remporté la Palme d'or du court métrage pour "Silence" ("Sessiz be Deng" en turc).

La dernière montée des marches du Festival de Cannes s'était déroulée sous une pluie orageuse et en présence de nombreuses stars, parmi lesquelles toute l'équipe en pleurs du film de Clôture, "Thérèse Desqueyroux", réalisé par Claude Miller, décédé en avril.

L"Amour" de Michael Haneke, jusqu'au bout de la vie

Cannes: 2e Palme d'or pour Michael Haneke avec "Amour"
Avec "Amour", l'Autrichien Michael Haneke remporte dimanche sa seconde Palme d'or pour un conte douloureux sur la difficile vieillesse d'un couple réunissant deux légendes à l'écran et sur la Croisette, Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant.

L'héroïne de "Hiroshima mon amour" n'était pas revenue ici depuis 53 ans. Lui depuis 1998 avec son rôle dans le film de Patrice Chéreau "Ceux qui m'aiment prendront le train".

Seul Michael Haneke, déjà Palme d'Or 2009 pour "Le Ruban blanc" et que Jean-Louis Trintignant a qualifié de l'"un des plus grands cinéastes du monde" a pu sortir l'acteur âgé de 81 ans de sa retraite pour le projeter dans le rôle de Georges, ce mari toujours amoureux et totalement dévoué à Anne, son épouse qui s'en va peu à peu.

"Arrivé à un certain âge, on est obligatoirement confronté à la souffrance de quelqu'un qu'on aime", a justifié le réalisateur, pour la dixième fois en sélection à Cannes.

Avec sobriété mais précision, sa caméra accompagne les moindres gestes et dans les plus petits replis du corps souffrant cette vie qui se délite et s'enfuit. Sans voyeurisme ni complaisance, sans musique non plus, en se gardant de tirer le spectateur par la manche pour lui dire comment souffrir et quand pleurer.

"Surtout pas de sentimentalité", avait-il lancé pour toute consigne à Emmanuelle Riva. "Ca a déligoté mes craintes", a raconté cette dernière, évoquant un chemin difficile vers ce personnage qui perd d'abord sa mobilité, puis l'élocution et s'enfonce lentement dans le brouillard de sa mémoire.

"J'avais en moi une certaine conviction que je pouvais me mettre à la place d'Anne et je suis rentrée dans ce personnage de façon très puissante".

Toute pudeur abandonnée à l'objectif - à 85 ans, elle apparaît en chemise de nuit, partiellement dévêtue dans sa douche, dans les gestes intimes - elle savait, dit-elle qu'elle n'entrait pas "dans un univers de beauté".

"Michael Haneke ne voulait jamais que ce soit sentimental ou pleurnichard, mais elle, ça la démolissait: elle mettait une demi-heure à s'en remettre", a nuancé Jean-Louis Trintignant, couvant avec bienveillance sa partenaire.

Pour l'acteur, qui fut Prix d'interprétation à Cannes en 1969 pour "Z" de Costa-Gavras, les exigences d'Haneke étaient éprouvantes. "Je n'ai jamais travaillé avec un metteur en scène aussi exigeant et franchement je ne le conseille à personne", a-t-il lancé de sa voix si identifiable, le timbre malicieux.

Isabelle Huppert est la fille de ce couple, reléguée à distance par sa vie londonienne et par son père, qui souhaite le minimum d'intrusion dans ce huis clos.

L'actrice a ainsi retrouvé le cinéaste avec lequel elle a décroché l'un de ses deux prix d'interprétation cannois pour "La Pianiste" en 2001: "Il est très exigeant, mais on est très largement récompensé: j'aime me voir dans les films de Haneke. Il y a une réciprocité absolue dans l'aventure".

Même Jean-Louis Trintignant, qui "préfère le théâtre parce qu'on ne s'y voit pas", a aimé se voir dans ce film, pour la première fois de sa vie.

Rédigé par AFP le Dimanche 27 Mai 2012 à 08:34 | Lu 703 fois