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Californie: un toit, la première étape pour soigner les troubles mentaux des SDF


Los Angeles, Etats-Unis | AFP | vendredi 15/03/2019 - Rocky a eu beaucoup de mal à réaliser qu'elle avait tout perdu voici trois ans. A 56 ans, c'était la première fois qu'elle se retrouvait dans la rue, terrifiée, sans un centime en poche, se sentant rejetée par le monde entier.

Elle a aussitôt sombré dans une dépression sévère, un mal répandu chez les personnes sans domicile fixe (SDF), qui vivent dans des conditions non seulement très précaires mais aussi dans un stress permanent.
Les SDF sont 53.000 dans le comté de Los Angeles, qui détient le record aux Etats-Unis, et 27% d'entre eux (plus de 12.700) souffrent d'au moins une pathologie mentale: schizophrénie, troubles bipolaires, psychoses diverses ou dépression sévère comme Rocky.
"Ça n'a pas été facile. Avant je n'avais jamais été... sans domicile", dit cette femme de 59 ans, qui a toujours du mal à prononcer ce dernier mot, comme s'il lui faisait honte. 
Rocky, c'est le surnom que s'est choisi cette femme aux longs cheveux bruns grisonnants. Le visage est ridé, le regard fatigué. Rocky a oublié ce que veut dire une nuit tranquille et dort toujours sous sa tente avec une lampe torche en main qu'elle allume au moindre bruit. 
Pour éviter d'être attaquée, elle fait semblant d' avoir une arme à feu cachée sous sa veste.
"Etre dans la rue, c'est une situation stressante qui peut exacerber, ou même tout simplement créer, des troubles mentaux. Et se faire soigner pour ça, c'est encore plus difficile", explique à l'AFP Benjamin Henwood, spécialiste en santé mentale à l'Université de Californie du Sud (USC).
A Hollywood et sur son célèbre "Walk of Fame" où s'alignent les étoiles des vedettes, dans le centre-ville, dans les parcs, sous les ponts d'autoroute... les sans-abris sont très nombreux à Los Angeles.
Beaucoup sont en guenilles, parfois pieds nus, hurlant près d'un feu de signalisation ou se balançant d'avant en arrière, quand ils ne gisent pas dans leurs excréments au beau milieu du trottoir. 
Pour les experts, il s'agit souvent des symptômes de maladies mentales ou des effets de drogues puissantes, comme les méthamphétamines, qui provoquent hallucinations et comportements erratiques.
 

- Une serrure et l'eau courante -

 
Si l'on veut soigner ces sans-abris, il faut d'abord les sortir de la rue, insistent les spécialistes.
"Un logement, ce doit être le point de départ, pas l'aboutissement. Si vous souffrez d'une maladie mentale, guérir dans la rue est presque impossible: survivre vous prend déjà toute votre énergie", relève Tod Lipka, directeur de l'ONG Step Up, qui cherche à reloger ces personnes sans toit atteintes de troubles psychiatriques.
Le comté, la ville et l'Etat de Californie – qui est à lui seul la cinquième puissance économique mondiale – ont voté des subventions de plusieurs milliards de dollars pour la construction de logements sociaux. Mais il faudra des années avant qu'ils soient habités.
Il y a six mois, une association s'est engagée à trouver à Rocky un appartement et un thérapeute. "Je me sentais très déprimée, j'avais envie de me droguer de nouveau...", confie la quinquagénaire. Toxicomane dans sa jeunesse, elle assure être abstinente depuis presque trente ans.
En attendant un logement social, Rocky continue à vivre dans l'abri qu'elle a aménagé avec soin dans un parc à Van Nuys, dans la banlieue nord de Los Angeles.
Sa tente se dresse dans un espace délimité par une clôture de branchages tressés. L'intérieur est propre, le lit parfaitement fait, et Rocky a même improvisé un coin cuisine et un semblant de douche un peu à l'écart. 
C'est avec fierté qu'elle montre son abri, mais elle a hâte de retrouver un toit et tout ce qu'elle a perdu depuis trois ans.
"Je n'ai pas oublié ce qu'est une table de cuisine, d'aller au marché et de sentir l'odeur des tomates fraîches; de frapper à la porte de son voisin pour dire qu'on est de retour", rêve-t-elle à voix haute.
"Je veux pouvoir fermer ma porte avec une serrure, avoir de l'eau courante. De l'eau chaude!", lance Rocky. "Et enfin, je me sentirai en sécurité quand je m'endormirai."

le Vendredi 15 Mars 2019 à 05:27 | Lu 308 fois