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Câble transpacifique : les grandes manœuvres sont terminées


Le projet privé Hawaiki reliera l'Australie/Nouvelle-Zélande aux États-Unis en passant par les Samoa américaines et Hawaii. Un autre projet, public cette fois, devrait relier les Samoa à Tahiti en passant par les Cook, Niue et Tokelau.
Le projet privé Hawaiki reliera l'Australie/Nouvelle-Zélande aux États-Unis en passant par les Samoa américaines et Hawaii. Un autre projet, public cette fois, devrait relier les Samoa à Tahiti en passant par les Cook, Niue et Tokelau.
PAPEETE, le 16 janvier 2017 - La messe est dite : sauf revirement majeur, le visage numérique du Pacifique pour les années qui viennent est décidé. Les deux projets en concurrence pour la création d'un nouveau câble sous-marin transpacifique et les branches de raccordement pour les îles du Pacifique Sud se sont finalement départagés. C'est Hawaiki qui posera le câble de la Nouvelle-Zélande vers les États-Unis. Un autre câble Tahiti-Cook-Samoa sera pris en charge par un consortium d'états insulaires et de fonds de développement.

Dans notre région, c'est LE gros projet d'infrastructure numérique. La course a été longue et les deux concurrents – Hawaiki et Moana – n'auront pas été avares de petites phrases assassines et d'insinuations sur les capacités financières ou la réputation l'un ou de l'autre. Mais une fois la tempête calmée, c'est Hawaiki qui émerge vainqueur…

Tout a commencé en 2012. Face à l'explosion du trafic dans notre région, un groupe d'hommes d'affaires porté par le Calédonien Rémi Galasso lance le projet de création de Hawaiki, un nouveau câble sous-marin reliant l'Australie/Nouvelle-Zélande à la côte Ouest des États-Unis. Au lieu d'atterrir en Californie, il se dirige vers Pacific City, dans l'Oregon (près de Portland), où les giga-octets de donnés seraient vendus moins chers. De quoi, assurent les promoteurs, baisser les coûts pour ses futurs clients. Il s'arrête aussi à Hawaii et aux Samoa Américaines.

La société Hawaiki Submarine Cable LP a annoncé l'année dernière avoir bouclé son financement (coût estimé du projet : de 300 à 500 millions de dollars), puis a enchainé les contrats avec un câblier (TE SubCom), des sociétés de relevés hydrographiques (l'étude vient de s'achever, lançant le coup d'envoi de la pose elle-même) et même quelques premiers clients, dont le plus connu est Amazon Web Services. Bref, le câble semble bien parti pour respecter sa mise en service annoncée pour mi-2018.

Par contre, le projet annexe de Hawaiki, qui consistait à vendre des extensions vers Hawaiki aux petits pays insulaires du Pacifique (dont la Polynésie française), a été un échec. Seules les Samoa Américaines, en plein sur la route du câble, ont signé. Les autres pays approchés par les entrepreneurs – Cook, Fidji, Polynésie française, Nouvelle Calédonie… – ont préféré ne pas donner suite.

MOANA COULÉ PAR SA MISE EN VENTE

L'autre projet, porté par l'entreprise samoane Bluesky Pacific Group, s'appelle Moana Cable. Moins ambitieux, il souhaitait simplement relier la Nouvelle-Zélande à Hawaii, en s'arrêtant par les Samoa et les îles Cook, et se finançait par des fonds publics. Annoncé en 2015, il signait il y a près d'un an un accord avec le câblier Alcatel-Lucent, en promettant des coûts bien plus faibles que son concurrent privé et un contrôle qui resterait entre les mains des états. Il séduisait du coup les petits états insulaires : "Nous pensons qu'il faut utiliser la Nouvelle-Zélande pour nous aider à nous connecter, parce qu'il y a beaucoup de gens là-bas pour remplir le câble. Pour la portion de câble entre Tahiti et les Cook, nous ne nous voyons que comme des facilitateurs. Je pense que les autres opérateurs se voient comme des générateurs de revenus" nous expliquait alors Adolfo Montenegro, le p-dg de Bluesky Pacific Group.

Mais depuis, les vicissitudes du capitalisme ont laissé le projet orphelin. La maison-mère de Bluesky, le groupe espagnol Amper, est au bord de la faillite et vend les bijoux de familles. C'est un groupe public fidjien, Amalgamated Telecoms Holdings (ATH), qui est le mieux placé pour reprendre l'entreprise samoane depuis juillet dernier. ATH contrôle déjà Vodafone Fiji et l'opérateur historique des Fidji, alors que Bluesky contrôle des opérateurs fixe, mobile et internet aux Samoa, aux Samoa américaines et aux îles Cook. La vente devait être finalisée en septembre dernier…

Sauf que la politique complique ces gros mouvements de capitaux. Le gouvernement samoan freine des quatre fers à l'idée que le gouvernement fidjien prenne le contrôle d'une bonne partie de son infrastructure télécoms… Et pendant ce temps, le p-dg de Bluesky, Aoe’e Adolfo Montenegro, a été remplacé. Le projet Moana était son bébé, et son avenir semble donc compromis comme l'explique le Samoa Observer

Sauf qu'il en reste encore quelques chose : la branche reliant la Polynésie française aux Samoa. Ce projet annexe de Bluesky visait à réunir un consortium d'états et de bailleurs de fonds internationaux pour relier les petits états insulaires au réseau mondial avec une infrastructure coûtant le moins cher possible. Le projet continue son chemin même si les négociateurs ne savent plus si Bluesky se positionne toujours pour la construction de ce câble.

EN POLYNÉSIE L'OPT REPREND LA MAIN

Malgré tout les négociations pour ce câble international Polynésie-Cook-Samoa vont bon train. En avril 2016, Édouard Fritch était en Nouvelle-Zélande pour un grand sommet avec les chefs d'état de la région pour lancer le processus politique. D'autres réunions de moins haut niveau ont eu lieu depuis, tous les trois mois environ. Les bailleurs de fonds internationaux dont la Asian Development Bank, qui compte sur la construction d'un câble sous-marin pour faciliter le développement de ces pays insulaires, ont apporté leur soutien financier... Les vents sont donc favorables.

Le projet parrainé par la Nouvelle-Zélande connecterait potentiellement les îles Cook, les Samoa, la Polynésie française, Niue et Tokelau. La position des Samoa américaines, qui sont déjà sur Southern Cross (le câble transpacifique historique), seront sur Hawaiki et sont déjà reliés aux Samoa par un câble domestique, est encore inconnue. Le petit territoire américain pourrait cependant prendre part au projet pour renforcer son rôle de hub numérique.

Ce projet est du pain béni pour la Polynésie qui a besoin d'un deuxième câble pour sécuriser Honotua, mais souhaite dépenser le moins possible. Cette solution serait de loin la plus économique puisque la Nouvelle-Zélande financera les portions de câble reliant les Cook, Niue et Tokelau (qui sont sous sa juridiction), tandis que les Samoa sont comme nous et cherchent à sécuriser leurs propres câbles.

C'est l'OPT qui gère les négociations, même si des sources proches du dossier nous assurent que l'Office est très frileux à cause du précédent Honotua (des procès sont d'ailleurs toujours en cours dans ce dossier). L'OPT se serait ainsi entourée de cabinets d'experts, et choisira la procédure la plus sûre… et longue. En espérant que cette prudence ne nous fera pas rater le coche. Des mauvaises langues assurent aussi que l'OPT est opposé par principe à tout projet dont il n'a pas le contrôle total… Heureusement, le gouvernement Polynésien est de son côté très favorable à ce projet techniquement indispensable, financièrement abordable et qui a le bénéfice de renforcer le poids diplomatique de la Polynésie dans la région.





Hawaiki : 700 DVD à la seconde

Hawaiki va relier la Nouvelle Zélande et l’Australie aux Samoa américaines, à Hawaii et à la côte Ouest des États-Unis. Le câble sera long de près de 14 000 km. Il sera équipé de 3 paires de fibre (en photo) et aura une capacité de transmission de 30 Terabit/s, soit l'équivalent du téléchargement de 700 DVD à la seconde.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 16 Janvier 2017 à 17:21 | Lu 6114 fois