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Bruxelles entame un bras de fer avec Pékin sur le solaire


Bruxelles entame un bras de fer avec Pékin sur le solaire
BRUXELLES, 04 juin 2013 (AFP) - La Commission européenne a entamé mardi un bras de fer avec la Chine dans le secteur du solaire, malgré les réticences de plusieurs Etats de l'UE et les menaces de représailles commerciales de Pékin.

L'exécutif européen a décidé à l'unanimité d'imposer des taxes sur les importations de panneaux solaires chinois, de cellules photovoltaïques et de composants, a annoncé le commissaire chargé du Commerce, Karel De Gucht . Il avait jusqu'à mercredi pour prendre cette décision sensible, aux enjeux commerciaux et politiques.

"Ce n'est pas une mesure protectionniste", a assuré M. De Gucht. Pour lui, l'instauration de ces taxes est une "mesure d'urgence pour donner un ballon d'oxygène à un secteur qui souffre" des pratiques de dumping des firmes chinoises.

Plusieurs entreprises allemandes (Q-Cells et Solarhybrid) et françaises (Solar France) ont déjà mis la clé sous la porte. D'autres ont été reprises, comme la Française Photowatts par EDF. Quelque 30.000 emplois sont en jeu, selon Bruxelles.

"Nous sommes soulagés que la Commission européenne ait décidé de prendre des mesures concrètes pour lutter contre les pratiques déloyales chinoises, qui ont déjà coûté des milliers d'emplois et la fermeture de 60 usines dans le secteur en Europe", a réagi le groupement d'entreprises EU ProSun.

En revanche, l'Alliance pour une énergie solaire abordable (Afase), qui regroupe beaucoup de fabricants chinois, a affirmé que cela allait "sévèrement heurter le niveau de demande, ce qui entraînera des pertes d'emplois et portera un coup important à l'industrie solaire européenne".

Malgré sa riposte musclée, la Commission espère toujours parvenir à une solution à l'amiable. En signe de bonne volonté, elle a opté pour une réponse graduée : à partir du 6 juin, les importations de produits chinois de l'industrie solaire seront taxées à hauteur de 11,8% et si aucun accord n'est trouvé avec Pékin dans les deux mois, le taux sera alors relevé à 47,6% en moyenne.

La décision sera publiée mercredi au Journal officiel de l'UE et entrera en vigueur jeudi, pour une durée de six mois.

"La balle est dans le camp des Chinois", a estimé M. De Gucht. "Il est clair que si la Chine n'apporte pas de solution d'ici au 6 août, des taxes plus élevées seront appliquées", a-t-il insisté. Mais, dans le même temps, "nous laissons la possibilité à nos amis chinois de parvenir à une solution négociée".

"On continue à négocier avec les Chinois mais on le fait désormais avec le pistolet chargé", a résumé une source communautaire sous couvert d'anonymat.

"L'UE a maintenant six mois pour sortir du piège de la division dans laquelle elle a été mise par la Chine et retrouver une ambition pour l'industrie du photovoltaïque, une des industries les plus prometteuses en Europe", a réagi auprès de l'AFP l'eurodéputé Vert français Yannick Jadot.

Pékin a jusqu'au dernier moment tenté d'infléchir la position de la Commission : le Premier ministre, Li Keqiang, s'est ainsi entretenu lundi soir au téléphone avec le président de la Commission, José Manuel Barroso, selon une source européenne.

En plus des autorités chinoises, la Commission a dû affronter l'Allemagne et dix sept autres Etats membres opposés à l'instauration de ces taxes.

Avant même que la décision de la Commission ne soit officielle , le ministre allemand de l'Economie, Philipp Rösler (libéraux) a jugé que les mesures envisagées étaient "une faute grave."

A ce stade, l'avis des Etats membres n'était que consultatif, mais à la fin de l'année, ils voteront pour prolonger les mesure pendant cinq ans.

Le risque de voir la Commission désavouée est donc important. "M. De Gucht risque la Bérézina en fin d'année s'il ne parvient pas à obtenir une majorité qualifiée" des Etats pour imposer des taxes permanentes, a résumé le coprésident des Verts au Parlement européen, Daniel Cohn-Bendit.

Un tel scénario serait une première. L'UE devrait alors rembourser aux producteurs chinois les droits de douane prélevés de manière provisoire.

Rédigé par Par Aurélie MAYEMBO et Christian SPILLMANN le Mardi 4 Juin 2013 à 05:59 | Lu 345 fois